• 10 déc 2019
  • Algérie
  • Communiqué de presse

Le HIRAK sous surveillance

Depuis le 22 février 2019, des manifestations de masse majoritairement pacifiques appelant à une réforme politique sont organisées tous les vendredis dans toute l’Algérie. Initialement lancées en opposition à un cinquième mandat du président de l’époque Abdelaziz Bouteflika, les manifestations ont depuis évolué pour demander un « changement complet de système politique ».

Les autorités algériennes ont réprimé les manifestations du mouvement de contestation Hirak depuis le début. Elles ont parfois eu recours à une force excessive et injustifiée pour disperser des manifestations pacifiques et ont arrêté arbitrairement des manifestant·e·s pacifiques, bafouant ainsi leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

Une élection présidentielle est prévue le 12 décembre, en dépit du rejet massif des manifestant·e·s dans les rues, qui demandent un changement complet de système politique. Dans les semaines précédant l’élection, les arrestations de manifestant·e·s pacifiques ont augmenté.

 

"PERSONNE NE DEVRAIT ÊTRE HARCELÉ, INTIMIDÉ OU ARRÊTÉ
POUR AVOIR TRAVAILLÉ SUR LES MANIFESTATIONS OU CRITIQUÉ LES CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE".
 
Hassina Oussedik, directrice d’Amnistie internationale Algérie

 

La répression en chiffres

  • 300 personnes arrêtées arbitrairement au moins depuis le début du mouvement de contestation Hirak
  • 41 personnes arrêtées pour avoir simplement porté le drapeau amazigh ou avoir été en possession du drapeau
  • 150 personnes arrêtées à Alger le 20 novembre pendant une manifestation nocturne contre l’élection

Répression des manifestants opposés aux élections 

Les arrestations ont commencé à augmenter de manière considérable avec le lancement de la campagne présidentielle : au moins 300 personnes ont été placées en détention lors de vagues d’arrestations menées entre le 17 et le 24 novembre, d’après des avocats spécialistes des droits humains de la Ligue Algérienne des Droits de l’Homme (LADDH). Les discours hostiles aux personnes s’opposant à l’élection présidentielle se sont également intensifiés ces derniers jours.
 

Le 17 novembre, au moins 37 manifestant·e·s pacifiques opposé·e·s à l’élection présidentielle ont été arrêté·e·s lors d’un rassemblement lié à la campagne électorale organisé par Ali Benflis, l’un des candidats à l’élection, à Tlemcen, dans l’ouest de l’Algérie. Quatre de ces personnes ont été déclarées coupables d’« incitation à attroupement non armé » et ont été condamnées à 18 mois d’emprisonnement, et 14 autres ont été condamnées à des peines de prison avec sursis. Plus de 150 personnes ont été arrêtées à Alger le 20 novembre lors d’une manifestation nocturne contre l’élection, d’après le Comité National pour la Libération des Détenus (CNLD). La plupart de ces personnes ont par la suite été libérées, mais huit ont été inculpées d’« atteinte à la sécurité nationale » et d’« incitation à attroupement non armé » et sont toujours en détention provisoire.

Vingt et une autres personnes ont été libérées mais doivent comparaître de nouveau devant le tribunal le 6 janvier 2020 pour des accusations comme « incitation à attroupement non armé », « désobéissance civile » et « atteinte à la sécurité nationale ». Halim Feddal, défenseur des droits humains et fondateur de l’Association nationale de lutte contre la corruption (ANLC), a été arrêté arbitrairement le 17 novembre alors qu’il quittait une manifestation pacifique contre l’élection, à Chlef. Il est toujours en détention provisoire. D’autres personnes faisant campagne contre l’élection ont également été arrêtées à Ouargla, Boumerdes, Annaba et d’autres villes, lors de rassemblements de candidats à l’élection présidentielle.

Violences, arrestations et condamnations

Ramzi Yettou est mort le 19 avril 2019 à l’âge de 22 ans, après avoir été frappé par la police. Depuis le début du mouvement de contestation Hirak, Ramzi et ses amis parcouraient tous les vendredis les 50 kilomètres qui séparent Bougara, dans la wilaya (préfecture) de Blida, et Alger. Le 12 avril, les manifestations ont été dispersées par les forces de sécurité au moyen de gaz lacrymogène et de canons à eau. Ramzi et ses amis étaient en route pour rentrer chez eux après les manifestations, lorsque la police a arrêté leur véhicule et les a frappés avec des matraques. Avant de perdre connaissance, Ramzi a dit à un secouriste qu’il avait été frappé par des policiers. Il ne s’est jamais réveillé et est mort le vendredi 19 avril.

Amnistie internationale a également recensé au moins trois cas de détenus victimes de mauvais traitements en détention. Les avocats de Chems Eddine Brahim Lalami, un militant de Bordj Bou Arreridj arrêté le 20 novembre, ont déclaré qu’il avait des contusions sur le visage et le bras et qu’il ne pouvait pas se lever, ce qui indiquait qu’il avait été frappé pendant sa détention. En détention à l’isolement depuis son arrestation, il attend son procès et mène actuellement une grève de la faim. Sofiane Babaci, un autre militant politique pacifique, a été frappé lors de son arrestation le 26 novembre à Boumerdes, d’après l’un de ses avocats. Younes Redjal, un manifestant arrêté lors d’une manifestation à Oran le même jour, présentait des contusions et était presque inconscient lorsqu’il a été trouvé par des membres de la LADDH dans un commissariat. Younes Redjal a déclaré à Amnistie internationale qu’il avait été frappé lors de son arrestation.

Une vague d’arrestations visant le mouvement de contestation Hirak

Depuis septembre 2019, les autorités ont également intensifié les arrestations arbitraires de manifestant·e·s pacifiques faisant partie du mouvement de contestation Hirak, qui organise des manifestations tous les vendredis depuis le 22 février. Le 22 novembre, des dizaines de membres du mouvement ont été arrêtés dans tout le pays. Parmi les personnes brièvement placées en détention figurait Kaddour Chouicha, membre de la LADDH. Le même jour, deux militants du Rassemblement actions jeunesse (RAJ) ont été arrêtés dans leurs bureaux à Alger, après être revenus d’une manifestation. Ils ont été inculpés d’« atteinte à la sécurité nationale » et d’« incitation à attroupement non armé ».

Le 28 novembre, à Alger, les forces de sécurité ont également dispersé par la force un rassemblement organisé par les mères de membres du Hirak maintenus en détention.

Le 29 novembre, au moins 25 manifestants pacifiques ont été arrêtés pendant des manifestations à Alger. Au moins trois d’entre eux sont toujours en détention provisoire.

Mardi 12 novembre, le militant politique Messaoud Leftissi a été condamné à six mois de prison et à une amende de 20 000 dinars algériens. Messaoud Leftissi avait été arrêté pendant les manifestations du 21 juin à Alger, pour avoir simplement porté le drapeau amazigh.

Le 12 novembre, Samira Messouci a été condamnée à un an d’emprisonnement, dont six mois avec sursis, et à une amende de 30 000 dinars algériens. Samira Messouci est une militante politique et la plus jeune figure politique locale élue de Tizi Ouzou. Elle avait été arrêtée pendant les manifestations du 28 juin et inculpée d’« atteinte à l’intégrité » du territoire national, au titre de l’article 79 du Code pénal algérien.

 

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