Le musicien et militant « Pilato » doit être libéré immédiatement et sans condition
L'arrestation du musicien et militant Fumba Chama, alias « Pilato », illustre de manière choquante jusqu'où le gouvernement zambien est prêt à aller pour étouffer les critiques et réprimer la liberté d'expression, a déclaré Amnistie internationale le 16 mai 2018.
Pilato a été arrêté à l'aéroport international de Kenneth Kaunda dans l'après-midi du 16 mai, alors qu'il rentrait chez lui après quatre mois passés à Johannesburg, en Afrique du Sud. Il a quitté la Zambie début janvier après avoir reçu des menaces en raison de sa chanson Koswe Mumpoto (« Un rat dans la casserole »), perçue comme critique à l’égard du président Edgar Lungu et de ses ministres du Front patriotique, le parti au pouvoir.
Un mandat d'arrêt a été décerné à l'encontre de Pilato le 5 février, car il ne s'est pas présenté au tribunal pour des accusations forgées de toutes pièces en lien avec sa participation à une manifestation pacifique en septembre 2017.
« L'arrestation de Pilato dès son retour au pays est un affront fait à la justice. Elle montre jusqu'où les autorités zambiennes sont prêtes à aller pour étouffer la dissidence, a déclaré Deprose Muchena, directeur régional pour l'Afrique australe à Amnistie internationale.
« Pilato n'est pas un criminel, c'est un militant et un artiste. Il n'aurait jamais dû passer une seule nuit en prison. Il doit être libéré immédiatement et sans condition. »
Pilato a fui la Zambie après avoir reçu en décembre 2017 un message vidéo dans lequel des partisans du Front patriotique, le parti au pouvoir, menaçaient de le rouer de coups pour avoir diffusé sa chanson, qui a rencontré un énorme succès. Dans cette chanson, il compare les membres de l’élite dirigeante à des rats qui volent de la nourriture.
Le 11 décembre 2017, le président du Front patriotique pour la province du Centre a ordonné à Pilato de ne plus chanter ce titre. De plus, les autorités ont enjoint aux stations de radio et de télévision de cesser de le diffuser.
Lutter contre la corruption
En septembre 2017, Pilato et cinq militants ont organisé une manifestation pacifique devant le Parlement pour demander que des comptes soient rendus au sujet de l'acquisition de 42 camions de pompiers pour un montant de 35,5 millions d'euros.
Ce montant est largement considéré comme exorbitant par la population zambienne. La procédure d'acquisition a été contestée, ce qui a soulevé un tollé général quant à la mauvaise utilisation des fonds publics.
Lors de la manifestation, les six militants ont été arrêtés et roués de coups. Ils ont ensuite été libérés sous caution dans l’attente de leur procès. Ils n'ont commencé à comparaître devant les tribunaux qu'en 2018 et leurs requêtes doivent encore être enregistrées. Toutefois, ayant fui le pays, Pilato n'a pas pu comparaître devant le tribunal avec les autres militants. Un mandat d'arrêt a alors été décerné à son encontre. Cependant, certains estiment qu’il n'a pas été émis de manière légale.
« Pilato n'est pas un fugitif. Il fait l’objet d’une persécution flagrante et inique parce qu'il a dénoncé un abus de pouvoir, a déclaré Deprose Muchena.
« Il s'agit d'un cas classique d'utilisation abusive de la justice pénale en Zambie, dans le but de faire taire tout citoyen qui demande des comptes aux autorités ou est perçu comme gênant pour le gouvernement. »