• 12 nov 2018
  • Communiqué de presse

Le secteur diamantaire ne parvient pas à assainir ses activités

12 novembre 2018 – Londres, Ottawa, Washington

Le secteur diamantaire doit tenir sa promesse de faire en sorte que les consommateurs puissent être certains que les diamants qu’ils achètent sont extraits, négociés et transformés de manière responsable, a déclaré une coalition d’organisations de la société civile lundi 12 novembre.

« Il est temps que le secteur diamantaire change la donne. L’image fait toute la valeur des diamants, mais ce secteur continue d’être entaché par ses liens avec des atteintes aux droits humains telles que le travail des enfants et le travail forcé, ainsi qu’avec des conflits, des dommages environnementaux et de la corruption. Si le secteur diamantaire souhaite réellement lutter contre ces problèmes, il doit assainir ses activités et ne plus considérer le respect des droits humains et la responsabilité des entreprises comme un exercice facultatif », a déclaré Joanne Lebert, directrice exécutive d’IMPACT.

Cet appel est lancé au moment où les membres de la communauté internationale se retrouvent à Bruxelles pour la réunion plénière du Processus de Kimberley – initiative permettant aux États participants de certifier que les diamants bruts ne proviennent pas de zones de conflit, à l’aide d’une définition étroite des diamants qui sont utilisés par des groupes rebelles pour financer leurs activités[i]. Le secteur diamantaire est représenté au sein du Processus de Kimberley par le Conseil mondial du diamant, organisme regroupant les plus grands producteurs, joailliers et bourses du diamant dans le monde.

Le Conseil mondial du diamant a annoncé le 25 octobre que ses membres avaient adopté les propositions de réformes de son principal instrument d’autorégulation, appelé « système de garanties ». Grâce aux nouvelles directives du système de garantie, le secteur diamantaire assure fournir aux consommateurs des garanties qui vont au-delà du certificat du Processus de Kimberley en termes de responsabilité concernant l’origine, la transformation et le commerce de leurs diamants. Cependant, malgré les réformes, le système de garanties est toujours loin de satisfaire aux normes internationales en matière de responsabilité des entreprises, notamment du fait qu’il prévoit que le respect des droits humains par les entreprises est « volontaire » et non obligatoire.

« Cette prétendue amélioration par le Conseil mondial du diamant de ses directives d’autorégulation ressemble plus à un geste symbolique visant à apaiser les critiques concernant les manquements du secteur diamantaire qu’à une véritable mesure pour veiller à ce que le commerce des diamants ne continue pas d’alimenter des atteintes aux droits humains. Nous appelons les entreprises à reconnaître et assumer leur responsabilité individuelle de lutter contre le commerce des diamants associés à des méfaits », a déclaré Sophia Pickles, directrice de campagne à Global Witness.

Les entreprises du secteur diamantaire sont tenues individuellement de mettre en place des mesures pour respecter les droits humains dans leur chaîne d’approvisionnement, conformément aux normes internationales relatives à la responsabilité des entreprises en matière de droits humains, telles que les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et le Guide OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque.

Selon ces normes, les entreprises ont l’obligation d’identifier les risques pour les droits humains, de prendre des mesures pour prévenir ou diminuer ces risques et de rendre compte de l’impact de leurs activités sur les droits humains. Pour être crédible et légitime, tout mécanisme du secteur des minerais – comme le système de garanties du Conseil mondial du diamant – doit être conforme aux normes internationales et garantir que le respect des droits humains soit intégré dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Néanmoins, malgré l’existence de ces normes de responsabilité des entreprises, qui permettraient de remédier aux failles du Processus de Kimberley concernant les responsabilités en matière de droits humains si elles étaient appliquées, le secteur diamantaire lui-même persiste à ne pas prendre de véritables mesures pour assainir le commerce des diamants.

Bien que les nouvelles directives du système de garantie fassent référence aux Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et au texte de référence de l’OCDE sur l’approvisionnement et le commerce responsables des minerais, les membres sont seulement « encouragés » à éviter de causer ou de favoriser des atteintes aux droits humains, à « rejeter » les pires formes de travail des enfants et à « s’informer sur » le texte de référence de l’OCDE plutôt qu’à le mettre en œuvre. Le « document explicatif » du Conseil mondial du diamant sur les nouvelles directives dispose clairement que la prise en considération des « aspects liés aux droits humains et aux droits du travail » est « volontaire » et non pas obligatoire.

« Le secteur diamantaire a beau avoir été considéré à un moment donné comme un pionnier sur la scène internationale pour avoir abordé les problèmes des chaînes d’approvisionnement des diamants entachées par les conflits en soutenant la création du Processus de Kimberley, il ne parvient pas aujourd’hui à combler son retard par rapport aux normes internationales pour des pratiques responsables au sein des entreprises, malgré une multitude d’occasions de réforme ces dix dernières années. La position internationale est pourtant claire : le respect des droits humains n’est pas facultatif pour les entreprises. Le Conseil mondial du diamant doit exiger de ses membres qu’ils appliquent les normes internationales », a déclaré Lucy Graham, chercheuse à Amnistie internationale.

« Au lieu d’apporter la garantie que les diamants sont acquis de manière responsable conformément aux normes internationales, ces nouvelles directives laisseront des personnes et des communautés face à un risque très réel d’exploitation et d’autres graves atteintes, et les consommateurs avec un faux sentiment de certitude que leurs bijoux n’ont pas contribué à ces atteintes. C’est loin d’être le maximum que peut faire le secteur diamantaire », a déclaré Brad Brooks-Rubin, directeur général du projet Enough et de son initiative The Sentry.

Lorsque se présente l’opportunité de se réformer, le secteur diamantaire fuit ses responsabilités à l’égard des populations qui produisent et transforment les diamants, et de toutes les personnes qui achètent ses diamants. Elle ne tient pas la promesse affichée par le Conseil mondial du diamant, selon laquelle les consommateurs « peuvent être certains que les diamants qu’ils achètent ont été acquis de manière responsable et éthique ».

« Pour que cette promesse soit prise au sérieux et aille au-delà des belles paroles, le secteur diamantaire doit de toute urgence prendre de véritables mesures pour se conformer aux normes internationales », a déclaré Juliane Kippenberg de Human Rights Watch.

Organisations signataires de cet appel :

Amnistie internationale

Enough Project

Global Witness

Human Rights Watch

IMPACT

 

[i] La définition étroite du Processus de Kimberley concernant les diamants du conflit est l’une des principales failles du système de certification car elle ne couvre pas l’ensemble bien plus vaste des problèmes de droits humains qui continuent d’être liés à la chaîne d’approvisionnement des diamants.