• 26 fév 2025
  • Salvador
  • Communiqué de presse

Salvador. Des modifications de la législation pénale aggravent les atteintes aux droits fondamentaux des enfants et des adolescent·e·s

Les atteintes graves aux droits humains ont atteint des niveaux alarmants au Salvador dans le contexte de l’état d’urgence, avec plus de 84 000 placements en détention, souvent arbitraires, et des centaines de signalements d’actes de torture, de disparitions forcées et de morts en détention sous la responsabilité de l’État

C’est dans ce contexte que le 12 février 2025, l’Assemblée législative a approuvé des réformes qui renforcent et facilitent la commission de violations généralisées des droits humains, en particulier à l’égard des personnes qui n’ont pas encore atteint l’âge de la majorité - 18 ans -, comme l’ont indiqué des organisations de la société civile et des mécanismes régionaux et internationaux de défense des droits humains.

Les modifications apportées à la Loi pénitentiaire, à la Loi sur la délinquance juvénile et à la Loi contre le crime organisé aggravent les conditions de vie des personnes privées de liberté et établissent un traitement carcéral disproportionné et punitif, en particulier pour les enfants et les adolescent·e·s. Ces réformes consacrent une répression de grande ampleur sans garanties adéquates, ce qui pourrait mener à de nouvelles violations des droits humains.

Ana Piquer, directrice du programme Amériques d’Amnistie internationale, a déclaré à ce propos :

« Depuis l’imposition du régime d’urgence en mars 2022, le gouvernement du Salvador a démantelé les garanties procédurales et normalisé la détention de masse même en l’absence de preuves suffisantes. Avec ces réformes, entrées en vigueur le 22 février, la privation de liberté est institutionnalisée comme seule réponse de l’État, même concernant les mineur·e·s, ce qui constitue une violation flagrante des normes internationales relatives aux droits humains. »

« Le recours à l’appareil législatif pour entériner un modèle de répression sans aucun contrôle démontre que le régime d’exception n’est plus une mesure temporaire, mais une stratégie permanente du gouvernement. »

Des enfants traités comme des adultes dans un système punitif

Depuis l’introduction de l’état d’urgence au Salvador, il a été signalé qu’un nombre élevé d’enfants et d’adolescent·e·s ont été placés en détention.

Des organisations de défense des droits humains ont indiqué que plus de 1 000 enfants et adolescent·e·s ont été condamnés, principalement pour réunion illicite, à l’issue de procès caractérisés par des preuves insuffisantes, des pressions visant à les inciter à plaider coupable et des conditions de détention inhumaines.  

Les réformes de la Loi pénale relative aux mineur·e·s permettront désormais le transfert d’adolescent·e·s condamnés pour des faits de criminalité organisée vers des prisons pour adultes, sous l’administration de la Direction générale des centres pénitentiaires, en violation directe des normes internationales. La Convention relative aux droits de l’enfant et les Règles de Beijing diposent que les mineur·e·s en conflit avec la loi doivent bénéficier d’un traitement différencié et axé sur la réinsertion, et non d’un simple emprisonnement punitif. 

La Loi pénitentiaire permettra par ailleurs la création de quartiers spéciaux au sein des prisons pour les moins de 18 ans et les adultes jusqu’à l’âge de 21 ans, sans garantir de régime adéquat de protection et de réinsertion. La simple séparation en fonction de l’âge ne protège pas contre la violence et les abus, et ne garantit pas l’accès à l’éducation ni aux programmes de réinsertion.

« Avec ces réformes, l’État salvadorien condamne les adolescent·e·s à un système carcéral conçu pour des adultes, dans lequel la torture, la surpopulation extrême et la mort en détention de plus de 300 personnes sont des faits avérés. Au lieu de garantir leur protection et leur réinsertion, les autorités exposent des enfants et des adolescent·e·s à des conditions inhumaines susceptibles de constituer des actes de torture et d’autres traitements cruels, inhumains et dégradants. » 

La privation de liberté devrait être une solution de dernier recours, dans des circonstances exceptionnelles, comme le prévoient les normes internationales. Ces réformes vont directement à l’encontre de ce principe et mettent en péril la sécurité de milliers de jeunes dans le pays.

Des peines plus lourdes

Les réformes de la Loi sur la criminalité organisée suppriment par ailleurs l’accès à certains avantages pénitentiaires, tels que la libération conditionnelle, pour les personnes condamnées pour des crimes visés par ce texte, qu’elles soient âgées de moins de 18 ans ou adultes. Cela compromet la possibilité d’une resocialisation, en contradiction avec les règles Mandela et la Convention américaine relative aux droits de l’homme.

« Les modifications de la législation pénitentiaire consacrent un modèle d’incarcération s’appuyant sur la sanction et la répression, sans mécanismes efficaces de contrôle judiciaire. Au lieu de garantir la justice, ces réformes renforcent les atteintes existantes aux droits de la défense, et accroissent le risque de torture et de traitements inhumains dans les centres de détention. »

Appel urgent à la communauté internationale 

Amnistie internationale réitère son appel aux autorités salvadoriennes afin qu’elles autorisent des organismes internationaux de défense des droits humains à accéder aux prisons, et à la communauté internationale pour qu’elle favorise la mise en place de mécanismes de suivi indépendant pour recueillir des informations sur la crise carcérale dans le pays.

Le Salvador doit revenir de toute urgence sur ces réformes et veiller à ce que son système pénitentiaire soit conforme aux normes internationales en matière de droits humains. L’incarcération de masse et l’affaiblissement de la législation qui garantit la protection des droits de la population ne peuvent pas constituer la base de la politique de sécurité du pays.