• 8 mai 2025
  • Myanmar
  • Communiqué de presse

Myanmar. Le financement de l’éducation doit être rétabli après les coupes budgétaires de l’USAID

Les États-Unis et les autres gouvernements doivent trouver de toute urgence des financements pour les programmes éducatifs au Myanmar qui constituaient une bouée de sauvetage pour les élèves et étudiant·e·s, les enseignant·e·s et les familles de ce pays déchiré par la guerre, a déclaré Amnistie Internationale le 8 mai, mettant en garde contre un risque de « génération perdue » si aucune mesure n’est prise.

Les témoignages d’enseignant·e·s et d’élèves recueillis par Amnistie Internationale montrent les effets sur les jeunes du Myanmar des coupes opérées par le président des États-Unis Donald Trump dans l’aide à l’étranger, notamment avec la suppression d’un financement de plus de 70 millions de dollars des États-Unis pour des programmes éducatifs au Myanmar, selon des personnes concernées.

« La mise à mal du secteur de l’éducation au Myanmar depuis le coup d’État militaire de 2021 a privé de perspectives des millions de jeunes. Les coupes réalisées par les États-Unis dans les programmes d’éducation renforcent la probabilité d’une génération perdue, a déclaré Joe Freeman, chercheur à Amnistie Internationale sur le Myanmar.

« Mais il n’est pas trop tard pour combler ce vide dans le secteur de l’éducation au Myanmar. Les gouvernements et les universités des États-Unis et d’ailleurs doivent trouver un moyen de permettre aux élèves de poursuivre leurs études et d’éviter qu’ils ne soient renvoyés dans une zone de conflit, où ils risquent d’être confrontés à une arrestation arbitraire, à la torture et à d’autres mauvais traitements, à des attaques aériennes et terrestres contre leurs communautés, et à l’enrôlement forcé dans une armée qui recourt régulièrement à des atteintes aux droits humains en tant que stratégie de guerre. »

Les programmes d’éducation financés par les États-Unis, mis en place après le coup d’État, apportaient une aide aux élèves du Myanmar qui étudiaient dans des universités d’Asie du Sud-Est, soutenaient des initiatives d’enseignement supérieur en ligne et des services d’éducation de base pour les enfants de communautés ethniques, isolées et rurales.

Ils ont représenté un rare point positif dans un contexte où les droits humains n’ont cessé de se dégrader dans ce pays, où, à ce jour, plus de 6 000 civil·e·s ont été tués et plus de 20 000 arrêtés. En 2025, près de 20 millions de personnes, selon les estimations, auront besoin d’une aide humanitaire.

Le tremblement de terre de magnitude 7,7 qui a frappé le centre du Myanmar le 28 mars 2025, tuant près de 4 000 personnes et détruisant des hôpitaux, des habitations, des monastères et au moins un millier d’écoles, n’a fait qu’exacerber ces besoins. Cela créera également des obstacles supplémentaires pour les jeunes qui veulent faire des études après plus de quatre ans de conflit armé dans le pays.

« Les coupes dans l’aide fournie par les États-Unis à l’étranger ont aggravé une situation déjà mauvaise. Le gouvernement de Donald Trump doit faire marche arrière et ne pas abandonner les élèves au Myanmar qui travaillent pour réaliser leurs rêves dans des circonstances extrêmement difficiles. Mais si les États-Unis continuent de ne plus apporter leur soutien aux jeunes du Myanmar, d’autres gouvernements, universités et donateurs doivent alors intervenir et apporter leur aide », a déclaré Joe Freeman.

Le secteur de l’éducation au Myanmar dans la tourment

Après la prise de pouvoir par l’armée du Myanmar le 1er février 2021, les enseignant·e·s et les élèves ont quitté les établissements d’enseignement en signe de protestation pour rejoindre un système éducatif parallèle sous le gouvernement civil déchu, avec de nouvelles écoles construites à partir de zéro en utilisant des bâtiments existants tels que des logements, et avec des cours en ligne.

L’armée a réagi en arrêtant des enseignant·e·s et en attaquant des écoles avec des frappes aériennes, tandis que le conflit armé s’intensifiait dans tout le pays, en particulier là où des écoles fonctionnaient dans des zones ne se trouvant pas sous le contrôle de l’armée. La situation générale a entraîné une forte baisse des taux de scolarisation, un accès limité aux écoles en état de fonctionnement et une pénurie de matériel pédagogique. Dans ce contexte, les programmes d’éducation financés par les États-Unis ont accompli une tâche essentielle pour combler le vide tout en contribuant à protéger les élèves, les enseignant·e·s et les parents contre les atteintes aux droits humains.

Amnistie Internationale a mené depuis la fin de l’an dernier des entretiens à distance et en présentiel avec plus de 50 personnes travaillant dans le domaine de l’éducation au Myanmar, dans les États chin, d’Arakan et kayah, ainsi que dans les régions de Magway, Sagaing et Mandalay, et avec des personnes vivant en exil.  Figurent au nombre de ces personnes des étudiant·e·s, des enseignant·e·s, des responsables du secteur éducatif, des parents et des victimes de frappes aériennes sur des écoles. Toutes ont souligné l’importance vitale de l’éducation pour l’avenir du pays, malgré les perturbations constantes que rencontre le système éducatif.

Un enseignant a déclaré à Amnistie Internationale : « Même lorsque je suis en train d’enseigner, je suis toujours sur le qui-vive, surtout lorsque j’entends des avions au-dessus de ma tête. Il m’est arrivé d’entendre le bruit de l’artillerie pendant que j’étais en cours, ce qui est très déstabilisant. »

Un autre a déclaré : « L’objectif principal est maintenant d’éviter toute perturbation de l’apprentissage pour les enfants, alors les écoles ont été rouvertes quand c’était possible. Mais la qualité de l’enseignement n’est pas aussi bonne qu’avant le coup d’État, principalement en raison de la nécessité constante de déménager pour des raisons de sécurité. Les enseignant·e·s et les élèves doivent souvent fuir de jour comme de nuit, ce qui perturbe le processus d’apprentissage. »

Parmi les personnes interrogées tout récemment figurent des bénéficiaires d’une initiative financée par les États-Unis, le Diversity and Inclusion Scholarship Program (DISP, Programme de bourses pour la diversité et l’inclusion). Lancé en 2024, ce programme de 45 millions de dollars des États-Unis financé par l’USAID visait à aider un millier d’étudiant·e·s du Myanmar à étudier dans des universités en ligne et dans l’Asie du Sud-Est au Cambodge, en Indonésie, aux Philippines et en Thaïlande.

Mais il a été la cible des attaques du président Donald Trump contre tout ce qui touche à la diversité, à l’équité et à l’inclusion. L’une de ses premières annonces en tant que président a été d’annuler ce programme, qu’il a de nouveau pointé du doigt dans ses remarques conjointes au Congrès, en mars.

« Le gouvernement américain a qualifié ce programme de parfait exemple de dépenses inutiles, mais il n’en est rien. Les étudiant·e·s avec lesquels nous nous sommes entretenus décrivent ce programme comme un havre de paix en temps de guerre dans leur pays et comme un moyen de ranimer leurs rêves », a déclaré Joe Freeman.

Miranda, 18 ans, était au lycée lorsque le coup d’État a eu lieu et, comme d’autres élèves, elle a participé aux manifestations. Sa famille s’est ensuite réfugiée dans l’est du Myanmar, où elle a été témoin de fusillades et de bombardements, avant de passer en Thaïlande pour se mettre à l’abri.

« Lorsque j’ai obtenu la bourse [du DISP], cela a représenté pour moi une chance inouïe de recommencer ma vie », a déclaré Miranda, qui poursuivait des études de gestion touristique aux Philippines.

Elle n’avait terminé que le premier semestre du cursus lorsque le programme a été annulé, ce qui fait d’elle l’une des centaines de personnes dans la région ne bénéficiant pas d’une aide.

« Si nous devions retourner dans notre pays [...] nous serions à nouveau perdus. »

Oakley, un étudiant originaire du centre du Myanmar, est confronté à des difficultés similaires. Lorsqu’il a reçu la bourse du DISP, cela lui a donné l’espoir d’un avenir meilleur 

« J’ai vu beaucoup de bombes exploser, beaucoup de combats autour de mon village. C’est vraiment dévastateur, a-t-il déclaré à Amnistie International. J’ai pensé que c’était l’occasion de changer de vie. Je suis choqué et désespéré. »

Des étudiants comme Miranda et Oakley craignent de retourner au Myanmar, où ils pourraient être arrêtés pour avoir soutenu des manifestations contre le coup d’État ou faire partie des nombreuses victimes des frappes aériennes au Myanmar. 

« Nous voudrions retourner au Myanmar, mais nous ne le pouvons pas, a déclaré Oakley. La situation au Myanmar n’est plus sûre. »