Amnistie internationale conclut que l’asile n’existe pas à la frontière entre les États-Unis et le Mexique
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Amnistie internationale a constaté que l'asile n'existe pas à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, ce qui constitue une violation des droits fondamentaux des personnes migrantes, qui ont le droit de solliciter l'asile. Elle expose ses conclusions dans une nouvelle synthèse publiée le 19 février 2025, qui rend compte du traitement réservé à des personnes cherchant à se réfugier aux États-Unis et interrogées entre le 3 et le 9 février.
Ce constat inquiétant découle des décrets exécutifs pris par le gouvernement de Donald Trump et de la militarisation accrue de la frontière initiée par le gouvernement mexicain.
Cette synthèse, intitulée Lives in Limbo : Devastating Impacts of Trump's Migration and Asylum Policies, dévoile le démantèlement complet du droit de demander l'asile opéré par le gouvernement américain à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, les personnes en quête de sécurité n’ayant quasiment plus aucun moyen de passer par la procédure légale. Selon la législation américaine relative à l'immigration, les demandeurs·euses d'asile doivent déposer leur demande à un point d'entrée.
Aux termes de ses recherches, Amnistie internationale a conclu que l'utilisation obligatoire de l'application CBP One pour demander l'asile était illégale, mais que la fin de son utilisation était synonyme de dizaines de milliers de personnes bloquées au Mexique sans nulle part où aller – même les mineur·e·s non accompagnés sont coincés sans moyen de demander refuge.
En l'absence de rendez-vous via CPB One, certains se retrouvent piégés dans des situations dangereuses et précaires du côté sud de la frontière, ce qui est particulièrement dangereux pour les demandeur·euse·s d'asile mexicains. Amnistie internationale a interrogé des dizaines de personnes qui subissent les conséquences de ce changement de politique frontalière et a repris ces témoignages dans sa synthèse.
Parallèlement à l’application ciblée du contrôle de l’immigration et des douanes (ICE) à travers les États-Unis, le gouvernement de Donald Trump a démantelé le programme d'admission de réfugiés, mis fin à des droits inscrits dans la Constitution des États-Unis, comme la citoyenneté par la naissance, et a pris d'autres mesures anticipées empreintes de racisme et de suprématie blanche.
« Le gouvernement de Donald Trump fait de la frontière une zone ouvertement hostile aux droits humains et affiche un mépris total pour l'humanité et la dignité des personnes en mouvement, a déclaré Amy Fischer, directrice du programme Droits des personnes réfugiées et migrantes à Amnistie internationale États-Unis. Le droit de demander l'asile n'existe tout simplement pas à la frontière et des personnes vulnérables sont bloquées, tandis que les organisations frontalières – elles-mêmes susceptibles de faire l'objet de représailles et de poursuites pénales de la part du gouvernement américain – luttent pour éviter une dégradation de la catastrophe humanitaire. »
Cette recherche est publiée alors que le gouvernement américain vient de suspendre le financement accordé à des organisations humanitaires cruciales travaillant à la frontière, qui recevaient des fonds de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), et à d'autres programmes gouvernementaux dont le financement est désormais gelé.
Les organisations humanitaires et d'immigration qui s’activent à la frontière pour fournir un abri, des conseils juridiques et des soins humanitaires aux personnes en quête de sécurité sont elles aussi en crise, car elles n'ont plus les moyens financiers de continuer à fonctionner et de poursuivre leur travail vital.
« Les centres d'accueil situés à la frontière s'efforcent de dire aux enfants qu'ils n'ont pas d'autre choix, a ajouté Mary Kapron, chercheuse à Amnistie internationale. Beaucoup d'enfants comprennent à peine ce qui leur arrive. Et ceux qui le comprennent se retrouvent face à un dilemme : soit retourner dans le pays qu’ils ont fui tout en sachant qu'ils risquent de ne pas survivre, soit remettre leur vie entre les mains des passeurs. »
Au Mexique, le gouvernement a déployé 10 000 membres de l'armée à la frontière, ce qui attise un climat de peur parmi les personnes en quête de sécurité et donne lieu à des détentions et des expulsions massives.
« Le fait qu'il soit désormais impossible de demander l'asile à la frontière entre les États-Unis et le Mexique expose tout particulièrement les Mexicain·e·s en quête de sécurité, a déclaré Mónica Oehler Toca, chercheuse à Amnistie internationale. Contrairement aux ressortissants d'autres pays, ils fuient les persécutions dont ils sont victimes au Mexique et n'ont aucun moyen de demander une protection internationale aux États-Unis. »
Amnistie internationale engage les États-Unis à adopter sans attendre des solutions qui respectent les obligations en matière de droits humains et à cesser de faire de la politique et d'attiser la peur en jouant avec la vie des gens pour faciliter l'adoption de politiques de plus en plus draconiennes en matière de contrôle des frontières et d’immigration qui bafouent les droits des personnes en quête de sécurité, alimentent la violence contre les populations noires, métisses et autochtones, et aggravent les dysfonctionnements d'un système d'immigration déjà en difficulté.
Elle demande également au gouvernement mexicain de cesser de collaborer avec les États-Unis dans le cadre de politiques migratoires néfastes et de mettre immédiatement en œuvre des mesures visant à garantir la sécurité des demandeur·euse·s d'asile qui transitent par le Mexique.
Enfin, Amnistie internationale continuera de recueillir des informations sur les atteintes aux droits humains, de défendre les droits fondamentaux de tous les immigrés et de toutes les personnes cherchant à se mettre en sécurité aux États-Unis, et de demander des comptes aux représentants des gouvernements américain et mexicain.