Thaïlande. La décision du tribunal sur l’action en justice dans le cadre de la manifestation à Tak Bai est un premier pas crucial vers la justice
En réaction à la décision rendue le 23 août 2024 par le tribunal faisant droit à la requête des victimes et de leurs familles d’intenter une action en justice contre les membres des forces de sécurité qui seraient responsables de la dispersion meurtrière d’une manifestation à Tak Bai en 2004, Chanatip Tatiyakaroonwong, spécialiste de la Thaïlande à Amnistie internationale, a déclaré :
« Cette décision de justice est une première étape importante pour rendre enfin justice aux victimes de l’usage excessif de la force par les forces de sécurité thaïlandaises pour disperser la manifestation de Tak Bai. Les victimes et leurs proches attendent depuis près de 20 ans que justice soit rendue et que les responsables rendent compte de leurs actes odieux.
« Les autorités thaïlandaises doivent appliquer sans délai cette décision de justice et prendre les mesures nécessaires pour que le délai de prescription dans cette affaire n’expire pas. Les victimes et leurs familles doivent avoir accès à la justice et disposer de recours utiles. La vérité sur les violations des droits humains commises lors des événements de Tak Bai doit être officiellement reconnue. »
Complément d’information
Le tribunal de la province de Narathiwat a statué ce 23 août 2024 en faveur d’une requête déposée par les victimes et leurs familles en vue d’intenter une action en justice contre les membres des forces de sécurité soupçonnés d’être responsables de violations des droits humains lors de la manifestation de Tak Bai, y compris les militaires et les policiers de haut rang. Sur les neuf agents poursuivis par les victimes et leurs familles, le tribunal a déterminé qu’il existait des motifs juridiques de poursuivre sept d’entre eux pour les infractions d’homicide et de détention illégale.
Le délai de prescription pour cette affaire doit expirer le 25 octobre. Après la décision de justice rendue ce jour, au moins l’un des accusés doit comparaître devant le tribunal pour reconnaître l’action en justice et ainsi permettre que l’affaire débute, conformément à l’article 95 du Code pénal thaïlandais qui régit le délai de prescription des infractions pénales.
Le 25 octobre 2004, plus de 2 000 manifestants s’étaient rassemblés devant le commissariat de Tak Bai, dans la province de Narathiwat, l’une des provinces frontalières du sud du pays, afin d’exiger la libération de six musulmans appartenant à l’ethnie malaise, supposément détenus de manière arbitraire par les autorités thaïlandaises.
Les forces de sécurité ont utilisé des gaz lacrymogènes, des canons à eau et des balles réelles, tuant sept manifestants sur place – dont cinq ont reçu une balle dans la tête. Par la suite, environ 1 370 musulmans malais détenus ont été transportés au camp militaire d’Ingkayut Borihan à Pattani, à 150 kilomètres de là. Contraints de se coucher les uns sur les autres dans des camions de l’armée, 78 sont morts par écrasement ou asphyxie pendant le transfert, tandis qu’un grand nombre a subi des blessures graves et des incapacités permanentes.
Une commission d’enquête indépendante, mise sur pied par le gouvernement de l’époque, a condamné l’usage d’une force excessive et le manque de discernement lors du transport des détenus. Les victimes ont été indemnisées, mais aucun agent identifié par la commission n’a été déféré à la justice.
En octobre 2023, Amnistie internationale a diffusé une déclaration publique sur les conséquences de l’incapacité des autorités thaïlandaises à rendre justice aux victimes de la violente répression de la manifestation de Tak Bai et à leurs familles.