Chili. L’inculpation de Ricardo Yáñez, de Mario Rozas et d’un autre haut responsable des carabineros est une étape importante vers la vérité et la justice
Amnistie Internationale se félicite de l’inculpation, par le parquet de la région Centre-Nord, mercredi 3 janvier, d’un actuel et de deux précédents hauts responsables des carabineros (police nationale en uniforme) chiliens pour leur rôle présumé dans les agissements disproportionnés et contraires au droit international de carabineros face aux manifestations de masse au Chili fin 2019.
Des poursuites ont été engagées contre l’actuel directeur général des carabineros, Ricardo Yáñez, qui était directeur de l’Ordre et de la sécurité lors des manifestations de 2019, ainsi que contre Mario Rozas, ancien directeur général des carabineros, et Diego Olate, général à la retraite et ancien sous-directeur, pour leur responsabilité présumée en tant que commandants des carabineros.
Amnistie Internationale salue cette mesure qui constitue un pas en avant vers la justice pour les violations graves et généralisées des droits humains commises en réponse aux manifestations.
« L’inculpation du général Ricardo Yáñez pour sa possible responsabilité dans les contraintes illégitimes ayant entraîné des blessures graves et un homicide, ainsi que d’autres hauts responsables des carabineros, constitue une avancée indispensable dans la lutte contre l’impunité au sein des autorités chiliennes, véritable fléau depuis des décennies, et en faveur de la justice pour des milliers de victimes », a déclaré Rodrigo Bustos, directeur exécutif d’Amnistie Internationale Chili.
Amnistie Internationale a fourni dans le cadre de cette enquête des informations relatives aux atteintes généralisées au droit à l’intégrité physique commises entre le 18 octobre et le 30 novembre 2019, rendues publiques dans le rapport intitulé Ojos sobre Chile: Violencia policial y responsabilidad de mando en el estallido. Ce rapport a en particulier montré comment, par des ordres tacites ou des omissions délibérées, plusieurs commandants des carabineros - notamment le directeur général actuel et directeur de l’ordre public et de la sécurité de l’époque - auraient mis en œuvre une stratégie visant à faire taire les manifestant·e·s, par exemple en utilisant sans discernement et de manière indue des fusils de chasse chargés de munitions aux effets hautement préjudiciables, faisant alors des milliers de blessés, parmi lesquels plus de 400 personnes souffrant d’un traumatisme oculaire.
« L’acte d’inculpation de plusieurs responsables stratégiques précédents et actuel des carabineros, qui ont estimé que faire des milliers de blessé·e·s et infliger un handicap à des centaines de personnes était un mal nécessaire pour mettre fin aux manifestations, pourrait annoncer une nouvelle ère dans la lutte contre l’impunité et la non-répétition de violations des droits humains au Chili. Nous espérons que l’audience de mise en accusation sera suivie du procès et du jugement de tous les responsables présumés de la souffrance de milliers de citoyen·ne·s, et que les garanties d’une procédure régulière et d’un procès équitable seront observées, afin que le droit des victimes à la vérité, à la justice, aux réparations et aux garanties de non-répétition soit pleinement respecté au Chili », a déclaré Ana Piquer, directrice pour les Amériques à Amnistie Internationale Chili.
« Nous réitérons que doivent être jugés non seulement ceux qui ont appuyé sur la gâchette, mais aussi ceux qui en ont donné l’ordre ou n’ont pas fait le nécessaire pour empêcher les graves violations des droits humains survenues dans le pays. L’étape de la procédure qui vient d’être annoncée constitue un tournant dans la lutte en faveur de droits accrus pour toutes les victimes des troubles sociaux. Toute la chaîne de commandement doit rendre des comptes pour ses actions et ses omissions au cours de cette période si difficile et transformatrice de notre histoire récente », a déclaré Rodrigo Bustos.