• 12 juin 2024
  • Canada
  • Lettre ouverte

La révision du Programme des travailleurs étrangers temporaires doit faire des droits humains une priorité

Les organisations soussignées sont profondément préoccupées par les réalités et violations des droits humains des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires au Québec et au Canada. Nous nous désolons de constater que les changements proposés au Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) en avril dernier par le gouvernement canadien ne répondent pas aux préoccupations exprimées de longue date en matière de droits humains.  

Des années de recherche et d’études ont permis de mettre en évidence deux facteurs sous-jacents qui exposent les travailleuses et travailleurs migrants au risque d’être exploités et de subir d’autres violations des droits humains : les permis de travail fermés , qui les lient à un seul employeur, et un statut migratoire temporaire et précaire, qui les dissuade de dénoncer les mauvais traitements dont ils sont victimes de peur d’être licenciés, de perdre leur statut et d’être contraints de regagner prématurément leur pays d’origine, souvent avec d’énormes dettes à la clé.  

Les abus résultant des permis de travail fermés ont amené le professeur Tomoya Obokata, rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage, à décrire ce système comme « un terrain propice aux formes contemporaines d’esclavage », en septembre 2023. Pourtant, plutôt que de répondre à ces préoccupations légitimes en matière de droits humains, les changements proposés semblent avoir pour objectif d’offrir aux employeurs du secteur de la transformation des aliments les mêmes avantages financiers et administratifs que ceux dont bénéficient actuellement les entreprises du secteur agricole primaire.  

L’extension du Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) à d’autres secteurs du système alimentaire, dont la transformation, est au cœur des changements proposés par Emploi et développement social Canada. Or, le PTAS est un programme reconnu pour être à l’origine de violations flagrantes des droits, qu’il s’agisse d’infractions aux normes du travail telles que le vol de salaire, de manquements aux normes de santé et de sécurité ou encore du non-respect du droit à un logement adéquat. Ce programme permet depuis longtemps aux employeurs agricoles de renvoyer les travailleuses et les travailleurs dans leur pays sans aucun recours et de dresser une liste noire des personnes qui dénoncent des conditions de travail et de vie inadéquates, ou encore des personnes qui contractent des maladies ou se blessent. Il ne s’agit pas, tant s’en faut, d’un modèle à reproduire.  

Les travailleuses et les travailleurs migrants et les organisations qui défendent leurs droits réclament depuis longtemps la mise en place d’un permis de travail ouvert, qui leur permettrait de changer d’employeur à leur gré afin de ne plus être aussi vulnérable. Il est grand temps que le gouvernement tienne compte de cette revendication. Tant que les travailleuses et les travailleurs migrants n’auront pas la même mobilité sur le marché du travail que les citoyens et les résidents permanents, les disparités en matière de droits, d’opportunités et de protections persisteront.  

De plus, les travailleuses et les travailleurs migrants qui occupent des emplois essentiels dits « peu qualifiés » se voient systématiquement refuser la possibilité de s’installer de manière permanente au Canada. Ces personnes subissent des séparations familiales longues et éprouvantes afin de venir au Canada de façon temporaire, et leur statut précaire les rend vulnérables aux mauvais traitements. Toute réforme du PTET devrait s’attaquer à ces inégalités systémiques, en veillant d’une part à ce que ces personnes aient accès à la résidence permanente et, d’autre part, à ce que leurs employeurs n’exercent plus de contrôle sur leur statut migratoire. L’annonce récente du gouvernement de l’octroi d’un statut dès l’arrivée pour les aides familiales constitue néanmoins un certain progrès vers la reconnaissance de la contribution essentielle de certains travailleurs migrants et de leur droit de vivre dans la dignité au Canada.  

En accordant la priorité aux droits et au bien-être des travailleuses et des travailleurs migrants, le Canada pourra aspirer à une société plus juste et plus équitable pour toutes et tous. 

* Cosignataires: 

Amnistie internationale Canada francophone
Amnistie internationale Canada – section anglophone 
Association pour les Droits des Travailleuses.rs de Maison et de Ferme (DTMF-RHFW)  
Central des syndicats démocratiques (CSD)  
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)  
Centre canadien pour mettre fin à la traite des personnes 
Centre des travailleuses et travailleurs immigrants (CTTI)  
Citizens for Public Justice  
Clinique pour la justice migrante 
Confédération des syndicats nationaux (CSN) 
Conseil canadien pour les réfugiés  
Conseil Central du Montréal métropolitain – CSN   
FCJ Refugee Centre (Ontario)  
Fédération des syndicats de l’action collective – Centrale des syndicats du Québec (FSAC-CSQ)  
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)  
Legal Assistance of Windsor (Ontario)  
Migrante Canada  
Migrant Workers Centre (Colombie-Brittanique)  
Observatoire pour la justice migrante  
OCASI - Ontario Council of Immigrant Serving Agencies  
RATTMAQ (Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs agricoles du Québec) 
Sisters of St.Joseph of Toronto  
Syndicat canadien de la fonction publique  
Table de concertation des organismes au service des personnes immigrantes et réfugiées (TCRI)  
UNIFOR 
Union nationale des fermiers