La Belgique déclarée coupable de crime contre l’humanité pour des actes commis pendant la colonisation
Dans le cadre d’une décision historique, la Belgique est reconnue coupable de crime contre l’humanité pour des actes commis pendant la colonisation, ce qui doit marquer un tournant pour les États européens, ont déclaré African Futures Lab et Amnistie internationale.
Le 2 décembre 2024, la cour d’appel de Bruxelles a reconnu la responsabilité de l’État belge dans l’enlèvement et la ségrégation raciale systématique d’enfants métis sous le régime colonial belge. Cinq femmes métisses nées entre 1948 et 1952 au Congo belge avaient engagé des poursuites contre l’État belge. Un tribunal bruxellois a rejeté leur requête en 2021, mais elles ont continué de demander réparation et ont fait appel de la décision, ce qui leur a permis d’aboutir aujourd’hui à ce jugement historique.
Comme des milliers d’enfants métis nés de pères européens et de mères africaines, Marie-Josée Loshi, Noëlle Verbeken, Léa Tavares Mujinga, Simone Ngalula et Monique Bintu Bingi ont été arrachées à leurs mères congolaises, placées de force dans des institutions religieuses, privées de leurs racines et de leur identité, puis livrées à elles-mêmes lorsque le Congo a accédé à l’indépendance. Les blessures de cette époque sont encore profondes. Les enfants métis de la colonisation sont toujours aux prises avec les conséquences de ces pratiques délétères, malgré les excuses officielles présentées en 2018 par le Premier ministre belge de l’époque, Charles Michel, et l’adoption par le Parlement fédéral de la résolution « métis » en 2019.
Lors de l’audience en appel, Léa Tavares Mujinga a déclaré : « L’État belge nous a déracinées, nous a coupées de notre peuple. Il nous a volé notre enfance, nos vies, nos prénoms, nos noms, nos identités et nos droits fondamentaux. »
Cette décision est une reconnaissance attendue de longue date et appuie les autres demandes de réparations pour les métis, victimes de la colonisation belge. African Futures Lab et Amnistie internationale saluent cette décision courageuse qui ouvre la voie à la pleine reconnaissance des violations commises pendant la colonisation et de leurs effets néfastes et durables sur la vie des victimes et de leurs descendants.
« Au-delà des excuses, cette décision historique souligne l’importance du droit à réparation tel que défini par l’Assemblée générale des Nations unies en 2005. Alors que la résolution " métis " se limitait à des réparations " par des moyens d’ordre moral et administratif ", ces cinq femmes métisses ont réussi à obtenir les réparations qu’elles considéraient comme nécessaires et appropriées pour les préjudices qu’elles ont subis pendant la colonisation », a expliqué Geneviève Kaninda, d’African Futures Lab.
« Depuis trop longtemps, des individus et des groupes, comme ces femmes métisses qui ont poursuivi l’État belge en justice, attendent des réparations. La décision rendue ce jour est un pas en avant s’agissant de réparer ces injustices historiques. Elle sera, nous le souhaitons, source d’espoir pour tous ceux qui demandent des comptes pour les répercussions durables du colonialisme européen sur les droits humains », a déclaré Rym Khadhraoui, chercheuse sur la justice raciale à Amnistie internationale.