Thaïlande. Il faut abandonner la charge de « lèse-majesté » retenue contre un mineur ayant participé à un défilé de mode parodique
Avant la décision devant être rendue jeudi 20 juillet contre Noppasin « Sainam » Treelayapewat, un jeune militant encourant jusqu’à 15 ans d’emprisonnements après avoir été accusé de lèse-majesté - ou insulte à la monarchie - pour avoir pris part à un faux défilé de mode quand il avait 16 ans, Chanatip Tatiyakaroonwong, spécialiste de la Thaïlande à Amnistie internationale, a déclaré :
« Sainam ne devrait pas être poursuivi ni sanctionné, et pourtant cette procédure pourrait se solder par des années de privation de liberté, après qu’il a simplement pris part à un défilé de mode satirique durant une manifestation pacifique alors qu’il avait moins de 18 ans. Les diverses charges retenues contre Sainam montrent une nouvelle fois que les autorités thaïlandaises privent de nombreux mineur·e·s de leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.
« Les autorités thaïlandaises doivent abandonner immédiatement et sans condition les charges retenues contre Sainam, ainsi que contre les plus de 100 jeunes inculpés pour leur participation à des manifestations pacifiques. »
Le rapport d’Amnistie internationale intitulé We Are Reclaiming Our Future, publié en février 2023, a souligné que les autorités ont manqué à leur devoir consistant à garantir la sécurité de nombreux mineur·e·s durant les manifestations, ainsi que dans des cas où des arrestations violentes et des détentions illégales ont compromis l’intégrité physique et mentale de manifestant·e·s mineurs.
« Les enfants et les jeunes gens de Thaïlande continuent à subir de graves répercussions pour avoir pris la parole. Cela inclut les 286 mineur·e·s ayant récemment été visés par des poursuites, des actes d’intimidation de la part de l’État et la surveillance des autorités, ainsi que par un recours injustifié et excessif à la force par la police lors de manifestations.
« En sa qualité d’État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Convention relative aux droits de l’enfant, la Thaïlande doit faire en sorte que les mineur·e·s puissent s’exprimer librement lors de manifestations pacifiques dans un environnement sûr et favorable. »
Contexte :
Le 29 octobre 2020, des manifestants pro-démocratie se sont rassemblés autour de Silom Road à Bangkok pour réclamer des réformes politiques. Dans le cadre de cette action de protestation, les manifestant·e·s ont organisé le « Défilé du peuple », un faux défilé de mode visant à présenter une vision satirique du rôle de la monarchie en Thaïlande. Noppasin « Sainam » Treelayapewat était l'un des mannequins vêtus d’un crop top noir ayant défilé sur le podium.
Sainam doit répondre de plusieurs chefs d'accusation pour avoir participé à cette action satirique, notamment de lèse-majesté, en vertu de l'article 112 du Code pénal thaïlandais. Selon ce texte de loi, toute personne déclarée coupable de diffamation, d’insulte ou de menace envers le roi, la reine, le prince héritier ou le régent est passible d’une peine de trois à 15 ans d’emprisonnement. Les autres chefs d'accusation retenus contre Sainam comprennent des atteintes au décret d'urgence aujourd'hui disparu, à la Loi relative aux maladies contagieuses, à la Loi relative aux réunions publiques et à la Loi relative au contrôle de la publicité effectuée au moyen d'amplificateurs sonores.
Le 12 septembre 2022, le tribunal pénal de Bangkok a condamné la militante Jatuphon « Niw » Saeung, âgée de 23 ans, qui avait participé au même défilé, à deux ans d'emprisonnement pour « insulte à la monarchie ». Si le tribunal déclare également Sainam coupable, il sera la deuxième personne condamnée pour avoir participé à ce défilé de mode parodique.
Entre le 1er janvier 2020 et le 11 juillet 2023, un groupe d’avocat·e·s thaïlandais spécialisés dans la défense des droits humains a indiqué qu'au moins 286 mineur·e·s, dont Sainam, ont fait l'objet de poursuites pénales pour leur participation à des manifestations pacifiques. Au moins 20 d'entre eux ont été inculpés au titre de la Loi relative au lèse-majesté.
Amnistie internationale exhorte les autorités thaïlandaises à s'acquitter de l’obligation qui leur est faite, en vertu du droit international, de respecter, de protéger et de promouvoir l'exercice pacifique du droit à la liberté d’expression, en abandonnant les poursuites engagées au titre de cette disposition contre toute personne exerçant pacifiquement ses droits, notamment dans le cadre d'une manifestation.