Indonésie. Au moins 130 morts lors d’un mouvement de foule dans un stade de foot : il faut enquêter sur l’usage des gaz lacrymogènes par la police
En réaction à la mort d’au moins 130 personnes à la suite d’une bousculade au stade Kanjuruhan à Malang, dans la province de Java-Est, le 1er octobre, Usman Hamid, directeur d’Amnistie internationale Indonésie, a déclaré :
« Nous adressons nos plus sincères condoléances aux familles des victimes. Personne ne devrait perdre la vie en assistant à un match de football.
« Nous engageons les autorités à mener dans les meilleurs délais une enquête approfondie et indépendante sur l’utilisation des gaz lacrymogènes dans le stade et à faire en sorte que ceux qui sont soupçonnés d’avoir commis des violations soient jugés en audience publique et ne reçoivent pas simplement des sanctions internes ou administratives.
« Nous demandons également à la police de revoir sa politique d’utilisation des gaz lacrymogènes et autres " armes à létalité réduite " afin qu’une telle tragédie ne se reproduise plus jamais.
« Ces morts ne sauraient rester sans réponse. La police elle-même a déclaré que les décès sont survenus après qu’elle a tiré des grenades lacrymogènes, provoquant une bousculade aux sorties du stade.
« Le gaz lacrymogène ne doit être utilisé pour disperser la foule qu’en cas de violences généralisées et lorsque d’autres méthodes ont échoué. Les forces de l’ordre doivent avertir les gens qu’elles vont utiliser du gaz lacrymogène et leur permettre de se disperser.
« Les gaz lacrymogènes ne doivent jamais être tirés dans des lieux fermés. Aux termes des directives de la FIFA sur la sécurité dans les stades, il est interdit aux stadiers ou aux policiers sur le terrain de porter ou d'utiliser des " gaz de contrôle des foules ". »
Complément d’information
Dans la soirée du 1er octobre, après qu’un match de foot entre Arema et Persebaya au stade Kanjuruhan, à Malang, dans la province de Java-Est, s’est terminé sur une défaite d’Arema, des dizaines de supporters de cette équipe ont envahi le terrain et attaqué des joueurs et des policiers. Pour disperser la foule, la police a tiré des gaz lacrymogènes dans les tribunes.
L’inspecteur général de la police de Java-Est, le général Nico Afinta, a déclaré à la presse que les gaz lacrymogènes ont conduit les supporters à se diriger vers une sortie : « Ce fut la cohue et à cause de cette bousculade, des gens ont été asphyxiés. »
Au moment où nous rédigeons ces lignes, le bilan fait état d’au moins 130 morts, dont deux policiers, et au moins 180 blessés.
Le Comité des droits de l'homme des Nations unies indique clairement dans son Observation générale n° 37 que, dans tous les cas, les règles de maintien de l’ordre relatives au recours à la force doivent être strictement respectées. L'utilisation de gaz lacrymogène n’est proportionnée qu'en cas de violence généralisée, et uniquement lorsque d'autres méthodes de dispersion d'un rassemblement ont échoué ou risquent d'échouer.
Le type d'équipement utilisé pour disperser une foule doit être soigneusement étudié et déployé uniquement lorsque cela est nécessaire, proportionné et légal. Les équipements de maintien de l'ordre et de sécurité – tels que les gaz lacrymogènes, souvent qualifiés d’« armes à létalité réduite » – peuvent entraîner des blessures graves, voire la mort.
Le recours à la force a un impact direct sur le droit à la vie, protégé par l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que l'Indonésie est tenue de respecter en tant qu'État partie. L’usage de la force est donc encadré par des garanties strictes en matière de droits humains, énoncées dans le Code de conduite des Nations Unies pour les responsables de l’application des lois (1979) et dans les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation d’armes à feu par les responsables de l’application des lois (1990). En Indonésie, l’emploi de la force par les forces de l’ordre est également régi par le Règlement du chef de la police indonésienne sur l’usage de la force par la police (n° 1/2009).
Si Amnistie internationale reconnaît que les forces de l’ordre se retrouvent fréquemment dans des situations complexes lors de l’accomplissement de leurs fonctions, elles se doivent toutefois de remplir ce rôle en respectant pleinement le droit à la vie et à la sûreté de toutes les personnes, y compris celles soupçonnées d’infractions.