Zambie | Le président élu Hakainde Hichilema doit changer de cap en matière de répression
L’investiture du nouveau président zambien, l’ancien leader de l’opposition Hakainde Hichilema, est l’occasion d’inverser la tendance quant à la situation des droits humains qui se dégrade dans le pays, a déclaré Amnistie internationale le 24 août 2021. Elle engage le président élu à accorder la priorité à la protection de la liberté d’expression et d’association, à prendre des mesures décisives afin de mettre un terme aux atteintes commises par la police et à inscrire à l’ordre du jour les droits socioéconomiques, notamment en luttant contre les inégalités, la pauvreté, le chômage, l’effondrement du système de santé et le maigre financement de l’éducation. La cérémonie d’investiture du président Hakainde Hichilema aura lieu le 24 août à Lusaka.
Sous le régime du président sortant Edgar Lungu, le bilan de la Zambie en termes de droits humains s’est nettement détérioré. Des leaders et des militants de l’opposition ont été arrêtés et détenus, de grands médias ont été fermés et les répressions policières contre les manifestations pacifiques ont fait plusieurs morts.
« L’investiture de Hakainde Hichilema doit marquer la fin d’un sombre chapitre de répression en Zambie, a déclaré Deprose Muchena, directeur régional d'Amnistie internationale pour l'Afrique australe et l'Afrique de l’Est.
« Nous demandons aux nouveaux dirigeants de placer les droits humains au cœur de leur action, notamment en levant les restrictions imposées à l’exercice pacifique des droits fondamentaux et en mettant en œuvre l’obligation de rendre des comptes pour les violations des droits humains commises par le passé afin de mettre un terme à la culture de l’impunité. Des années de répression de plus en plus intense ont amené la Zambie au bord d’une crise des droits humains, et il est désormais temps de rompre clairement avec le passé. »
Répression systématique des droits humains
Les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique sont la cible d’attaques redoublées en Zambie, particulièrement ces cinq dernières années : des leaders et militants de l’opposition ont été incarcérés et au moins cinq personnes ont été tuées par la police depuis 2016.
Sous le gouvernement du président Edgar Lungu, les autorités ont utilisé la loi à mauvais escient pour sanctionner pénalement la dissidence pacifique, en engageant des poursuites contre leurs détracteurs au titre de dispositions du Code pénal telles que la diffamation, l’incitation aux troubles à l’ordre public et la sédition.
Ainsi, le 9 mars 2020, des policiers ont arrêté un adolescent de 15 ans à Kapiri Mposhi. Il a été inculpé de trois chefs d’accusation de diffamation passible de poursuites pénales pour avoir, selon les autorités, critiqué le président Edgar Lungu sur Facebook.
Des organes de presse ont également été la cible d’attaques sous la présidence d’Edgar Lungu. En juin 2016, l’un des principaux quotidiens du pays, The Post, a été contraint de fermer et liquidé en raison d’une dette fiscale qu’il contestait. La fermeture de ce journal, réputé pour son travail d’enquête critique à l’égard du gouvernement, a été précédée par des brutalités contre des membres de son personnel, cautionnées par les autorités. Le propriétaire du Post, Fred M'membe, et sa femme, Mutinta M'membe, ainsi que le directeur adjoint de la rédaction, Joseph Mwenda, ont notamment été frappés.
Violences policières
La répression s’est également traduite par une escalade du recours excessif à la force par la police, qui s’est parfois avéré fatal. Le 22 décembre 2020, des policiers ont abattu deux personnes non armées lors d’un rassemblement de sympathisants de l’opposition.
Plusieurs personnes s’étaient réunies pour montrer leur solidarité envers Haikainde Hichilema, chef du Parti uni pour le développement national (UPND), qui avait été convoqué pour un interrogatoire au siège de la police à Lusaka.
Le procureur général Nsama Nsama, qui ne participait pas à ce rassemblement, a été tué par balle alors qu’il achetait son repas dans un restaurant à proximité, tandis que Joseph Kaunda, sympathisant de l’UPND, a été abattu par des policiers lorsqu’ils ont dispersé la foule. La veille, le gouvernement avait publiquement appelé la police à employer « tous les moyens nécessaires pour faire respecter l’ordre et la loi » face aux sympathisants de l’opposition.
Une enquête de la Commission des droits humains de Zambie a conclu que l’ordre de tirer émanait du commissaire de Lusaka, Nelson Phiri, qui a été démis de ses fonctions sans faire l’objet d’aucune poursuite judiciaire.
En 2018, une étudiante, Vesper Shimuzhila, a été tuée par une grenade lacrymogène lancée par la police dans sa chambre au cours de la dispersion violente d’une manifestation étudiante. Sa famille a obtenu 21 000 euros d’indemnités mais aucun policier n’a été poursuivi.
« Le président élu Hakainde Hichilema doit adopter une stratégie audacieuse et décisive en matière de droits humains afin de garantir le respect des droits de tous les Zambiens, notamment en luttant contre l’impunité et en déférant à la justice les auteurs de violations commises par le passé, a déclaré Deprose Muchena.
« Hakainde Hichilema doit saisir l’occasion d’éloigner la Zambie du gouffre. Remédier aux injustices du passé est une étape cruciale vers la construction d’un avenir meilleur pour le pays. »