Iran | L’exécution secrète d’un jeune homme arrêté à 15 ans est une atteinte cruelle aux droits de l’enfant
Les autorités iraniennes ont exécuté en secret un jeune homme qui était mineur au moment de son arrestation et avait passé près d’une décennie dans le quartier des condamnés à mort, a appris Amnistie internationale. Sajad Sanjari a été pendu à la prison de Dizelabad, dans la province de Kermanshah à l’aube du 2 août. Sa famille n’en a été informée que lorsqu’un responsable de la prison leur a demandé de venir récupérer son corps plus tard dans la journée.
En août 2010, la police a interpellé Sajad Sanjari, alors âgé de 15 ans, dans le cadre de l’affaire d’un homme mortellement poignardé. Sajad Sanjari a déclaré que cet homme avait tenté de le violer et qu’il avait agi en état de légitime défense. En 2012, il a pourtant été déclaré coupable de meurtre et condamné à mort.
« En exécutant Sajad Sanjari en secret, les autorités iraniennes font une nouvelle fois la preuve de la cruauté de leur système de justice pour mineurs. Le recours à la peine de mort contre des personnes âgées de moins de 18 ans au moment des faits est totalement prohibé au titre du droit international et constitue une atteinte cruelle aux droits de l’enfant, a déclaré Diana Eltahawy, directrice adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnistie internationale.
« Le fait que Sajad Sanjari ait été exécuté en secret, le privant et privant sa famille de la possibilité de se dire adieu, s’inscrit dans le cadre de la pratique alarmante à laquelle se livrent les autorités iraniennes en procédant à des exécutions en secret ou sans préavis, neutralisant ainsi toute possibilité d’intervention publique ou privée pour sauver la vie des condamnés. Nous leur demandons de mettre fin sans plus attendre à ces violations du droit à la vie et des droits des mineurs en modifiant le Code pénal, afin d’interdire le recours à la peine de mort contre toute personne âgée de moins de 18 ans au moment du crime. »
Sajad Sanjari a été reconnu coupable et condamné à mort une première fois en janvier 2012. Lors de son procès, il a admis avoir poignardé l’homme, mais a affirmé qu’il s’agissait d’un cas de légitime défense car celui-ci avait tenté de le violer. Il a ajouté que cet homme avait menacé de l’agresser la veille, et qu’il avait donc emporté un couteau de cuisine pour le faire fuir.
Le tribunal a rejeté ses allégations de légitime défense après avoir entendu plusieurs témoins attester de la moralité du défunt. Le tribunal a ajouté que Sajad Sanjari ne pouvait pas faire valoir la légitime défense puisqu’il avait été averti à l’avance et avait donc amplement le temps de porter le problème à la connaissance des autorités ou de demander l’aide des habitants de son village.
Sa déclaration de culpabilité et sa condamnation à mort ont tout d’abord été rejetées par la Cour suprême en décembre 2012, en raison des irrégularités ayant entaché la procédure, avant d’être finalement confirmées en février 2014.
Sajad Sanjari s’est vu accorder un nouveau procès en juin 2015, après l’ajout dans le Code pénal islamique de 2013 de nouvelles dispositions relatives à la condamnation de mineurs, qui permettent aux juges de remplacer la peine capitale par une autre sanction s’ils estiment que le mineur concerné n’a pas compris la nature de son acte ou ses conséquences, ou s’il existe des doutes quant à « son développement et sa maturité psychologiques » au moment des faits.
Cependant, un tribunal pénal de la province de Kermanshah a une nouvelle fois condamné Sajad Sanjari à la peine de mort le 21 novembre 2015 après avoir conclu, sans justifier sa décision, que l’accusé avait atteint un certain degré de « maturité » au moment des faits. Pour parvenir à cette conclusion, le tribunal n’a pas envoyé Sajad Sanjari devant l’Organisation iranienne de médecine légale, institut médicolégal public, afin d’évaluer sa maturité et a ignoré l’opinion d’un consultant auprès des tribunaux spécialiste en pédopsychologie, qui avait affirmé que Sajad Sanjari manquait de maturité psychologique au moment des faits. Lors de son premier procès en 2012, le tribunal avait conclu qu’il avait atteint un certain degré de « maturité » à 15 ans, sur la base du « développement de ses poils pubiens ».
La Cour suprême a par la suite confirmé la sentence et la requête déposée pour un nouveau procès a été rejetée.
En janvier 2017, les autorités iraniennes ont suspendu l’exécution programmée de Sajad Sanjari, à la suite du tollé international qu’elle avait suscitée.
Exécutions imminentes d’autres jeunes hommes arrêtés alors qu’ils étaient mineurs
Deux jeunes hommes, Hossein Shahbazi et Arman Abdolali, arrêtés et condamnés à mort pour des crimes qui se sont déroulés lorsqu’ils avaient 17 ans, risquent d’être exécutés de manière imminente. Leurs procès ont été entachés de graves violations des droits humains – notamment l’utilisation d’« aveux » extorqués sous la torture.
L’exécution de Hossein Shahbazi était programmée pour le 25 juillet 2021, mais a été repoussée à la dernière minute du fait du tollé mondial qu’elle a suscitée. Son exécution pourrait être reprogrammée à tout moment.
Amnistie internationale a identifié au moins 80 personnes qui se trouvent actuellement sous le coup d’une condamnation à mort en Iran pour des crimes perpétrés avant leurs 18 ans.
En 2020, elle a recensé au moins trois exécutions de personnes déclarées coupables de crimes qui se sont déroulés alors qu’elles avaient moins de 18 ans, ce qui fait de l’Iran le seul pays au monde à procéder à de telles exécutions.
Depuis janvier 2005, elle a recensé l’exécution d’au moins 95 personnes âgées de moins de 18 ans au moment des crimes dont elles avaient été reconnues coupables.
Le nombre réel de prisonniers exécutés et risquant d’être exécutés est probablement plus élevé.
Aux termes de la loi iranienne, les garçons âgés de plus de 15 années lunaires et les filles âgées de plus de neuf années lunaires sont présumés coupables au même titre que les adultes en cas d’homicide ou de certains autres crimes passibles de la peine capitale et peuvent par conséquent être condamnés à mort.
Or, en tant qu’État partie à la Convention relative aux droits de l’enfant et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), l’Iran est légalement tenu de traiter toutes les personnes ayant moins de 18 ans comme des mineurs, et de s’assurer qu’elles ne soient jamais condamnées à mort ni à la réclusion à perpétuité.