Les entreprises pharmaceutiques et les pays riches mettent des vies en danger alors que les inégalités en termes d’accès aux vaccins se creusent
- Amnistie internationale lance une campagne mondiale réclamant l’accès universel aux vaccins anti-Covid-19
- Les pays riches ont acheté plus de la moitié des stocks de vaccins mondiaux, alors qu’ils ne représentent que 16 % de la population mondiale
- Les grands groupes pharmaceutiques refusent de partager les connaissances et la technologie
Du fait des agissements des grands groupes pharmaceutiques et des pays riches, des milliards de personnes exposées à la COVID-19 ne recevront probablement pas une seule dose de vaccins propices à sauver des vies cette année, a déclaré Amnistie internationale en démarrant sa nouvelle campagne mondiale qui réclame l’accès universel aux vaccins anti-Covid-19.
Intitulée Une dose d'équité : Pour un accès universel aux vaccins anti-Covid-19, cette campagne invite les entreprises pharmaceutiques à partager leurs connaissances et leur technologie afin de maximiser le nombre de doses de vaccins disponibles de par le monde. Elle demande aussi aux États de se départir de tout « nationalisme vaccinal » et de collaborer afin de garantir que les plus exposés à la COVID-19 dans tous les pays puissent avoir accès immédiatement aux vaccins propices à sauver des vies.
« Qui aura accès au vaccin, quand et à quel prix, voici des questions particulièrement importantes et polémiques auxquelles les sociétés sont aujourd’hui confrontées. Mais les réponses sont façonnées par les intérêts des grandes puissances et des grands groupes, a déclaré Stephen Cockburn, responsable Justice économique et sociale à Amnistie internationale.
« Ils ont jusqu’à présent créé une situation dangereuse, les inégalités mondiales en termes d’accès au vaccin échappant à tout contrôle. Une poignée de pays riches sont en tête, tandis que le reste du monde n’a toujours pas pris le départ. Tout le monde mérite une dose d’équité : lorsqu’il s’agit de notre droit à la santé, il n’y a pas de place pour la discrimination. »
Les pays riches ont acheté plus de la moitié des stocks de vaccins, alors qu’ils ne représentent que 16 % de la population mondiale. Ces mêmes pays ont administré plus de 60 % des doses mondiales, tandis que 100 pays n’ont pas encore vacciné une seule personne.
« Nul ne doit être privé de l'accès aux soins de santé, y compris aux vaccins, en raison de son lieu de résidence, de son identité ou de ses revenus. En exerçant une pression suffisante sur les bonnes personnes, nous pouvons faire en sorte que les systèmes de vaccination anti-COVID-19 garantissent le respect des droits humains », a déclaré Stephen Cockburn.
Partage des connaissances et de la technologie
L’argent des contribuables a été dépensé à coups de milliards pour aider des entreprises comme AstraZeneca, Moderna et Pfizer BioNTech à développer et produire des vaccins. Or, elles refusent, et ne sont pas les seules, de partager leurs recherches, leurs savoirs et leur technologie. Ainsi, d’autres entreprises pharmaceutiques ne peuvent pas s’appuyer sur ces avancées de la science pour accélérer leur production de vaccins, ce qui permettrait pourtant d’augmenter les stocks et de les rendre accessibles aux pays disposant de budgets moindres.
En mai 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis sur pied le Groupement d’accès aux technologies contre la COVID-19 (C-TAP), afin que les entreprises puissent regrouper données et connaissances, et favoriser l’octroi de licences de production et le transfert de technologie à d’autres fabricants potentiels, dans le but de s’assurer que tout le monde, partout, ait accès aux vaccins plus rapidement. Or, pas un seul groupe pharmaceutique n’a pour l’instant rejoint le C-TAP.
Les gouvernements doivent s’acquitter de leurs obligations en termes de droits humains et soutenir la proposition de dérogation à certaines dispositions de l’accord sur les ADPIC, traité mondial qui régit les droits de propriété intellectuelle et qui restreint bien souvent où, quand et comment les médicaments sont produits. Cette dérogation permettrait de lever l’application de brevets et de protections de propriété intellectuelle, autant d’obstacles à la production de vaccins par de nouveaux fabricants. Toutefois, si cette proposition emporte le soutien de la grande majorité des pays à revenus faibles et intermédiaires, elle se heurte à l’opposition des pays riches.
Certains États refusant de faire assumer aux producteurs de vaccins leur responsabilité en termes de droits humains pour étendre l’accès aux vaccins à un maximum de gens, les profonds clivages et inégalités entre pays et communautés se font plus marqués. Et ce sont les personnes les plus exposées qui souffrent, pendant que des États et des groupes pharmaceutiques privilégient les accords bilatéraux au lieu de veiller à ce que tous, dans tous les pays, aient un accès équitable aux vaccins anti- COVID-19.
« Alors que la pandémie de la COVID-19 s’est déclarée il y a un an, nous ne pouvons rester inactifs et observer passivement cette tragédie alors que des solutions sont sur la table, a déclaré Tamaryn Nelson, conseillère en matière de santé à Amnistie internationale. Dans la course des gouvernements pour vacciner toute leur population en premier, et au regard de la mainmise de l’industrie pharmaceutique sur les brevets, nous oublions que des vies sont en jeu. Nul n’est en sécurité tant que nous ne sommes pas tous en sécurité. »
Il est temps que les groupes pharmaceutiques et les États assument leurs responsabilités et respectent leurs obligations en termes de droits humains. Amnistie internationale fait campagne pour que les entreprises, notamment AstraZeneca, Pfizer, BioNTech et Moderna, partagent leurs savoirs et leur technologie, afin que chacun·e dans le monde ait une dose d’équité dans l’accès aux vaccins. Enfin, les États doivent se mobiliser et inciter les entreprises à faire leur part et à travailler collectivement pour que les plus exposés autour du globe soient vaccinés dès que possible.
Notes aux rédacteurs
Cliquez ici pour plus d’informations sur C-TAP, une mise en commun de licences volontaires pour des produits liés à la COVID-19 sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui permettraient à d’autres fabricants de les produire, et sur son Appel à la solidarité pour un accès équitable partout dans le monde aux technologies sanitaires contre la COVID-19 grâce à la mise en commun de savoirs, de biens de propriété intellectuelle et de données.
Cliquez ici pour plus d’informations sur la proposition de dérogation à certains aspects de l’Accord sur les ADPIC à l’OMC.
Tous les chiffres se fondent sur l’analyse de données recueillies par l'Université Duke et Our World In Data.