LES DÉFENSEUR·E·S PRIS POUR CIBLE

CONTEXTE
Depuis le 9 mai, date à laquelle il a été vu pour la dernière fois à Caracas, on ignore où se trouve Eduardo Torres, défenseur des droits humains connu. Son arrestation et sa disparition forcée s’inscrivent dans le cadre d’une intensification des attaques contre les ONG et la société civile, notamment par le biais de lois répressives et de campagnes de diffamation. Les défenseur·e·s Javier Tarazona, Rocío San Miguel, Carlos Julio Rojas et Kennedy Tejeda se trouvent toujours en détention. Nous demandons à Nicolás Maduro de mettre fin à la pratique des disparitions, de veiller à ce que tous les défenseur·e·s et toutes les personnes soumises à une détention arbitraire pour des raisons politiques soient immédiatement libérés et, pendant leur détention, de respecter leur droit à la vie, à l’intégrité, à l’accès aux membres de leur famille et aux garanties d’un procès équitable.
PASSEZ À L’ACTION : ENVOYEZ UN APPEL EN UTILISANT VOS PROPRES MOTS OU EN VOUS INSPIRANT DU MODÈLE DE LETTRE CI-DESSOUS
La politique répressive du gouvernement de Nicolás Maduro, menée de longue date pour réduire au silence toute forme d’opposition réelle ou présumée, a atteint un niveau inédit après l’élection du 28 juillet 2024, avec plus de 2 000 personnes détenues arbitrairement pour des raisons politiques, dont beaucoup ont été accusées de terrorisme et d’incitation à la haine, sans aucun fondement, semble-t-il, et appartiennent à des catégories vulnérables de la population telles que les enfants et les personnes en situation de handicap. Selon l’organisation locale Foro Penal, au 9 mai 2025, au moins 894 personnes se trouvaient toujours en détention arbitraire pour des raisons politiques, dont 89 femmes, quatre adolescent·e·s et 66 personnes dont on ne connaissait ni le sort qui leur a été réservé, ni le lieu où elles se trouvaient.
Dans le cadre de cette politique, le gouvernement n’a cessé de harceler, de poursuivre et de censurer des militant·e·s et les organisations de la société civile qui s’efforcent de protéger les droits des Vénézuélien·ne·s, tandis que la situation complexe d’urgence humanitaire et la profonde crise des droits humains dans le pays les poussent à fuir dans des proportions jamais vues, en quête de sécurité et de protection. Au mois de décembre 2024, 7,9 millions de personnes avaient fui le pays.
Comme l’a dénoncé Amnistie Internationale à maintes reprises, les défenseur·e·s des droits humains au Venezuela sont constamment exposés à un risque de harcèlement, d’agressions et d’arrestations. Le gouvernement de Nicolás Maduro mène actuellement plusieurs initiatives visant à contrôler et réduire au silence les organisations de défense des droits humains et de la société civile. La loi adoptée en août 2024 baptisée « Loi relative à l’audit, à la régularisation, à l’action et au financement des organisations non gouvernementales et associées », surnommée « loi anti-ONG », impose des contrôles stricts nécessitant de remettre la liste de leurs membres et de leur personnel, celle de leurs avoirs, celle de leurs donateurs et d’enregistrer tous les mouvements financiers. En cas de non-respect de ces obligations, les organisations de la société civile pourraient être fermées et faire l’objet de poursuites pénales. Cette loi est entrée en vigueur en février 2025.
Depuis 2020, plusieurs rapports de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur la République bolivarienne du Venezuela ont fourni des informations détaillées sur des centaines de cas d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, de détentions arbitraires, d’actes de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants commis dans le pays depuis 2014, ainsi que d’exemples d’instrumentalisation de la justice par le gouvernement dans le cadre de sa politique répressive, en concluant que certains de ces crimes de droit international et violations des droits humains pourraient constituer des crimes contre l’humanité. Dans l’un des rapports publiés en 2024, la Mission a indiqué avoir « des motifs raisonnables de croire que le crime de persécution a été commis en République bolivarienne du Venezuela tout au long de la période considérée ».
Depuis novembre 2021, le Bureau du procureur de la Cour pénale internationale mène une enquête pénale sur la situation au Venezuela, précisément pour « [c]rimes contre l’humanité de privation de liberté ou toute grave privation de liberté physique (…) ; torture (…) ; viol et/ou autres formes de violence sexuelle d’une gravité comparable (…) ; et persécution à caractère politique contre des personnes détenues (…), qui ont été commis depuis au moins avril 2017, par des membres des forces de sécurité de l’État, des autorités civiles et des personnes pro-gouvernementales (ou groupes appelés « collectifs ») ».
LETTRE À ENVOYER
Monsieur le Président,
La disparition forcée d’Eduardo Torres, membre de l’ONG locale PROVEA, dont on ignore où il se trouve depuis le 9 mai, renforce les inquiétudes suscitées par l’escalade des attaques contre les défenseur·e·s des droits humains au Venezuela. Le 13 mai, le procureur général a déclaré que Torres avait été arrêté « pour son implication dans un complot », l’une des nombreuses fabrications du gouvernement vénézuélien pour punir les défenseur·e·s des droits humains. Aucune information n’a été donnée sur le lieu où il se trouve.
Les menaces du procureur général à l’encontre du coordinateur général de PROVEA, Óscar Murillo, après qu’il a dénoncé la disparition forcée d’Eduardo Torres, sont également très préoccupantes.
D’autres défenseur·e·s des droits humains sont malheureusement toujours détenus arbitrairement en raison de leur travail, notamment Javier Tarazona, arrêté en juillet 2021, Rocío San Miguel, arrêtée en février 2024, Carlos Julio Rojas, arrêté en avril 2024, et Kennedy Tejeda, arrêté en août 2024.
Près de 900 personnes ayant fait l’objet d’une arrestation arbitraire pour des raisons politiques - dont ces défenseur·e·s des droits humains - sont injustement maintenues dans des centres de détention vénézuéliens, et la plupart d’entre elles sont victimes d’une liste interminable d’autres violations des droits humains. Celles-ci incluent les disparitions forcées, la torture, la privation du droit de bénéficier d’une défense, la privation de soins médicaux, la détention au secret et l’accusation de crimes infondés.
Le harcèlement, les menaces et la détention visant les défenseur·e·s des droits humains, ainsi que les attaques contre la société civile en général, doivent cesser immédiatement, notamment par le biais de l’abrogation de la loi dite « anti-ONG » ainsi que d’autres lois abusives et arbitraires. Défendre les droits humains au Venezuela - ou ailleurs - ne constitue pas un crime.
La disparition forcée est un crime de droit international d’une extrême gravité, compte tenu du risque de torture et de mort, et de la soustraction de la victime à la protection de la loi. Une fois de plus, nous devons vous rappeler, ainsi qu’à toutes les autorités vénézuéliennes, que ces possibles crimes au regard du droit international et ces graves violations des droits humains font l’objet d’un suivi et d’un examen minutieux de la part de la justice internationale et de mécanismes d’obligation de rendre des comptes, notamment des Nations unies et de la Cour pénale internationale.
Nous réclamons la communication immédiate d’informations sur le lieu où se trouve Eduardo Torres, ainsi que la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les victimes de détention arbitraire. Nous demandons que leurs droits à la vie, à l’intégrité, à l’accès aux membres de leur famille et à un procès équitable soient respectés tant qu’elles seront détenues par l’État.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.
APPELS À
Président de la République, Nicolás Maduro
Palacio de Miraflores,
Av. Nte. 10, Caracas 1012
Caracas, Venezuela
COPIES À
Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel: melanie.joly@parl.gc.ca
Ambassade de la République bolivarienne du Venezuela
32, chemin Range
Ottawa, ON K1N 8J4
Canada
Tel: (613) 235-5151/ (613) 447-4576 (24h) Fax: (613) 235-3205
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