NON À LA DÉTENTION ARBITRAIRE D’UN JOURNALISTE DE RENOM !
CONTEXTE
Le journaliste Mohamed Boughalleb est maintenu en détention arbitraire depuis son arrestation par les forces de sécurité le 22 mars 2024, à la suite d’une plainte déposée par un haut fonctionnaire du ministère des Affaires religieuses. La plainte s’appuyait sur des commentaires que Mohamed Boughalleb avait fait publiquement sur sa page de réseaux sociaux, ainsi que dans des émissions de télévision et de radio, remettant en question les dépenses du ministère des Affaires religieuses. Il a ensuite été déclaré coupable et condamné à huit mois de prison pour diffamation envers ce fonctionnaire. Il est également maintenu arbitrairement en détention provisoire dans une affaire distincte au titre du décret-loi n° 2022-54 sur la cybercriminalité, également en relation avec ses commentaires publics. Son état de santé s’est fortement dégradé au cours de sa détention, les autorités ne lui ayant pas permis de recevoir des soins adéquats. Les autorités tunisiennes doivent libérer Mohamed Boughalleb immédiatement et sans condition, car il est détenu uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression.
PASSEZ À L’ACTION : ENVOYEZ UN APPEL EN UTILISANT VOS PROPRES MOTS OU EN VOUS INSPIRANT DU MODÈLE DE LETTRE CI-CONTRE
Mohamed Boughalleb est un journaliste tunisien de premier plan. Il a fréquemment critiqué le président et d’autres responsables lors d’émissions télévisées et radiophoniques, les accusant notamment de mauvaise gouvernance et de corruption. Bien qu’il ait purgé sa peine injuste de huit mois de prison, Mohamed Boughalleb est maintenu arbitrairement en détention dans le cadre d’une autre affaire. En avril 2024, un juge a ordonné sa détention provisoire sur la base de fausses accusations de diffusion de fausses nouvelles, en vertu de l’article 24 du décret-loi 2022-54 sur la cybercriminalité. Il est accusé d’avoir insulté une personne sur les réseaux sociaux. Selon ses avocats, cependant, il n’est pas l’auteur du message en question ni le propriétaire du compte sur le réseau social. Le 11 février 2025, la Cour de cassation de Tunis devrait décider de renvoyer l’affaire en jugement ou d’abandonner les charges retenues contre lui. Il encourt cinq ans de prison et une amende de 50 000 dinars (environ 16 000 dollars étatsuniens) en vertu de l’article 24, qui érige en infraction l’utilisation des réseaux de télécommunications pour produire, envoyer ou diffuser de « fausses nouvelles », de « fausses données », de « fausses rumeurs » ou des « documents faux, falsifiés ou faussement attribués » pour nuire, diffamer ou inciter à la violence contre autrui, ou pour porter atteinte à la sécurité publique ou à la défense nationale, répandre la peur ou inciter à la haine.
Depuis mai 2024, les autorités tunisiennes ont encore intensifié leur répression contre les médias et le droit à la liberté d’expression, en condamnant deux journalistes et le fondateur d’une chaîne de médias à des peines de prison, en arrêtant et en poursuivant une autre personnalité des médias et en intimidant des médias privés. Le 22 mai, le tribunal de première instance de Tunis a condamné Borhen Bsaies et Mourad Zeghidi, deux journalistes de premier plan, à un an de prison, en vertu de l’article 24 du décret-loi 2022-54 sur la cybercriminalité, dans des affaires distinctes. Le lendemain, le même tribunal a condamné Houssem Hajlaoui, créateur de médias et militant dans le domaine de la technologie, à neuf mois de prison avec sursis pour ses propos en ligne, après l’avoir maintenu en détention pendant 11 jours. Le 11 mai 2024, Sonia Dahmani, avocate s’exprimant régulièrement dans les médias, collègue de Borhen Bsaies et Mourad Zeghidi dans l’émission quotidienne populaire « Emission Impossible » sur la station de radio privée IFM, a également été arrêtée en vertu du décret-loi 2022-54 sur la cybercriminalité. Le 6 juillet 2024, le tribunal de première instance de Tunis a condamné Sonia Dahmani à un an de prison, ramené à huit mois en appel, pour avoir fait un commentaire ironique sur la situation des migrant·e·s en Tunisie lors d’une émission télévisée. Le 24 octobre, ce même tribunal l’a condamnée à deux ans supplémentaires dans le cadre d’une autre affaire, pour avoir mis en lumière des pratiques racistes et discriminatoires en Tunisie. Ces trois personnes se trouvent toujours en détention.
Depuis sa promulgation en septembre 2022, les autorités invoquent le décret-loi 2022-54 pour s’en prendre à des personnes qui exercent leur droit à la liberté d’expression. Ce décret-loi est contraire aux traités relatifs aux droits humains, notamment aux dispositions de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auxquels la Tunisie est partie. L’article 9 de la Charte et l’article 19 du PIDCP garantissent le droit à la liberté d’expression. Les restrictions imposées à ce droit sur la base de termes ambigus et très généraux tels que « fausses nouvelles », et les dispositions répressives de la loi relative à la cybercriminalité ne répondent pas aux exigences de légalité, de nécessité et de proportionnalité.
Le 25 juillet 2021, le président Kaïs Saïed a invoqué des pouvoirs d’exception, affirmant qu’ils lui sont conférés par la Constitution tunisienne de 2014. Depuis février 2022, la situation des droits humains en Tunisie se dégrade rapidement : des figures de l’opposition, des dissident·e·s, des personnes perçues comme des ennemis du président et des détracteurs du gouvernement sont pris pour cibles et harcelés. Les autorités ont procédé à des vagues successives d’arrestations visant les opposants politiques et ceux qui sont perçus comme des critiques du président Kais Saied. Plus de 70 personnes, dont des opposant·e·s politiques, des avocat·e·s, des journalistes, des militant·e·s et des défenseur·e·s des droits humains, ont fait l’objet de poursuites arbitraires et/ou de détentions arbitraires depuis fin 2022, dans le cadre de l’exercice de leurs droits internationalement garantis, tels que les droits à la liberté d’expression, à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association. La répression de l’opposition et des critiques constitue une attaque flagrante contre l’état de droit et les droits humains, notamment les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique en Tunisie, droits protégés par les articles 19, 21 et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et les articles 9, 10 et 11 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
LETTRE À ENVOYER
Monsieur le Président,
Je vous écris afin de vous faire part de ma profonde inquiétude concernant la détention arbitraire prolongée de Mohamed Boughalleb, journaliste âgé de 60 ans, depuis mars 2024, au seul motif qu’il a exercé pacifiquement ses droits humains. Les forces de sécurité l’ont arrêté le 22 mars sur la base d’une plainte déposée par un haut fonctionnaire du ministère des Affaires religieuses, après que Mohamed Boughalleb a publiquement remis en cause les dépenses du ministère.
Le 26 mars 2024, le procureur de la République près le tribunal de première instance de Tunis a accusé Mohamed Boughalleb d’avoir « imputé à un fonctionnaire public [...] des faits illégaux » sans preuve et d’avoir « sciemment nuit aux tiers ou perturbé leur quiétude à travers les réseaux publics des télécommunications », en vertu des articles 128 du Code pénal et 86 du Code des télécommunications, respectivement. Le 17 avril, Mohamed Boughalleb a été déclaré coupable et condamné à six mois de prison ; sa peine a été portée à huit mois par la Cour d’appel de Tunis le 28 juin 2024. Le 5 avril 2024, un juge d’instruction du tribunal de première instance de Tunis a inculpé Mohamed Boughalleb dans une affaire distincte, en vertu de l’article 24 du décret-loi 2022-54 sur la cybercriminalité pour avoir « utilisé des réseaux de communication en vue de produire, envoyer ou répandre de fausses nouvelles ou des rumeurs dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui », après une plainte déposée par une professeure affirmant que Mohamed Boughalleb l’avait « insultée » sur Facebook. Mohamed Boughalleb a soutenu que les commentaires qu’elle a qualifiés d’« insultants » n’ont pas été faits à partir de son compte. Le juge a délivré une ordonnance de détention provisoire en rapport avec ces accusations.
La santé de Mohamed Boughalleb s’est gravement détériorée au cours de sa détention injuste. Il souffre de maladies chroniques telles que le diabète et l’hypertension artérielle, et a développé des problèmes de prostate. Son diabète s’est aggravé en prison, provoquant des infections répétées. Sa vue et son ouïe ont été gravement affectées. Malgré cela, il n’a pas eu accès à des soins médicaux adéquats en prison, notamment à ses médicaments quotidiens et à des examens médicaux réguliers. Le 4 novembre 2024, Mohamed Boughalleb a été transféré de sa cellule dans une autre aile de la prison de Mornaguia, où les conditions sont pires en raison de la surpopulation.
Je vous exhorte instamment à faire en sorte que Mohamed Boughalleb soit libéré immédiatement et sans condition, car il est détenu uniquement pour avoir exercé ses droits humains de manière pacifique. En attendant sa libération, je vous demande de veiller à ce qu’il soit détenu dans des conditions conformes aux normes internationales relatives au traitement des prisonniers et qu’il bénéficie d’un accès régulier à des soins de santé adéquats. J’appelle en outre les autorités tunisiennes à mettre un terme aux arrestations ciblées de personnes qui les critiquent, de journalistes et d’opposant·e·s politiques, qui font seulement l’exercice pacifique de leur droit à la liberté d’expression.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.
APPELS À
Président de la République, Kaïs Saïed
Route de la Goulette,
Site archéologique de Carthage, Tunisie
Courriel : contact@carthage.tn.
X : @TnPresidency
COPIES À
Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel: melanie.joly@parl.gc.ca
Son Excellence M. Lassaad BOUTARA
Ambassadeur
Ambassade de la République tunisienne
515, rue O'Connor
Ottawa, ON K1S 3P8
Tel: (613) 237-0330, -0332 Fax: (613) 237-7939
Courriel : unisianembassycanada@diplomatie.gov.tn