TROIS HOMMES RISQUENT D’ÊTRE AMPUTÉS DES DOIGTS DANS LES PROCHAINS JOURS

CONTEXTE
Trois prisonniers – Hadi Rostami, Mehdi Sharfian et Mehdi Shahivand – risquent de voir leurs peines d’amputation des doigts appliquées dès le 11 avril 2025 à la prison centrale d’Ourmia (province de l’Azerbaïdjan occidental). Depuis leur condamnation en 2019 à l’issue d’un procès d’une iniquité flagrante, sur la base d’« aveux » obtenus sous la torture, les autorités ont menacé à plusieurs reprises de les amputer, une forme de torture qui constitue un crime de droit international. Les projets précédents d’application de leurs peines ont été suspendus grâce à la pression internationale.
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Hadi Rostami, Mehdi Sharfian et Mehdi Shahivand ont été accusés d’être entrés par effraction aux domiciles de quatre personnes et d’avoir volé de l’or et des espèces enfermés dans des coffres-forts. Le 19 novembre 2019, à l’issue d’un procès manifestement inique devant le premier tribunal pénal de la province de l’Azerbaïdjan occidental, ils ont été condamnés à l’amputation de leurs doigts. Leur procès s’est fondé sur des « aveux » qui, selon ces hommes, ont été obtenus sous la torture alors qu’ils étaient détenus et soumis à des interrogatoires, sans bénéficier des services d’un avocat, dans un centre de détention géré par le Service des enquêtes de la police iranienne (Agahi). Selon une source bien renseignée, des agents de ce service ont forcé Mehdi Sharfian et Mehdi Shahivand à « avouer » des cambriolages dont ils n’étaient pas les auteurs et à impliquer Hadi Rostami dans ces mêmes cambriolages. Dans une lettre adressée au responsable du pouvoir judiciaire en septembre 2020, qu’Amnistie Internationale a pu examiner, Hadi Rostami a indiqué que les agents chargés de l’interroger lui avaient asséné des coups de poing et de pied et l’avaient frappé avec divers instruments. Il a ajouté que l’un d’eux avait exigé qu’il signe une feuille de papier blanche et qu’il avait fini par obtempérer, à bout de forces sur le plan physique et mental. Selon lui, les autorités de poursuite ont ensuite détaillé sur cette feuille blanche, sans qu’il en ait connaissance et qu’il y ait consenti, la nature des faits qui lui était reprochés, pour faire croire qu’il les avait reconnus. Les trois hommes se sont rétractés devant le tribunal et ont informé les juges que leurs « aveux » leur avaient été extorqués sous la torture. Toutefois, le tribunal pénal comme la Cour suprême ont manqué à leur obligation de ne pas retenir ces « aveux » à titre de preuves et d’ordonner des investigations sur leurs allégations de torture.
La décision rendue par la Cour suprême, qu’Amnistie Internationale a examinée, évoquait brièvement et en termes vagues le fait que Hadi Rostami s’était plaint de torture, mais elle ne développait pas le sujet. Hadi Rostami a déposé de nombreuses plaintes officielles auprès d’organes judiciaires, mais elles sont restées lettre morte. En mars 2021, il s’est plaint auprès d’un représentant du responsable du pouvoir judiciaire en visite dans sa prison, qui lui a assuré faussement qu’il serait remédié à sa situation. Hadi Rostami a également évoqué son cas directement auprès de l’actuel responsable du pouvoir judiciaire, Gholamhossein Mohseni Ejei, quand celui-ci s’est rendu à la prison d’Ilam (province d’Ilam), où Hadi Rostami était alors détenu, mais cette démarche est elle aussi restée sans suite. Les autorités iraniennes ont déjà envisagé à plusieurs reprises d’appliquer les peines d’amputation des trois hommes entre 2020 et 2022, mais elles y ont renoncé à la suite de pressions internationales.
En mars 2025, Hadi Rostami a écrit une lettre depuis sa prison pour demander de l’aide à la communauté internationale :
« Je [...] suis emprisonné à la prison centrale d’Ourmia depuis 2017 pour “vol” et j’ai été condamné à l’amputation de quatre doigts de ma main droite, en dépit de mon innocence [...]. Lors d’un séjour dans un centre de détention géré par le Service des enquêtes de la police iranienne (Agahi), j’ai été forcé à signer des feuilles blanches au moyen de violentes tortures. Je continuais, même à ce moment-là, de clamer mon innocence, mais ma voix a été ignorée... »
Au moins deux autres hommes – Kasra Karami et Morteza Esmaeilian – détenus à la prison centrale d’Ourmia ont également été condamnés à une amputation des doigts. Le 29 octobre 2024, les autorités de cette prison ont appliqué les peines d’amputation prononcées contre deux frères kurdes, Mehrdad Teimouri et Shahab Teimouri. Après leur avoir amputé les doigts, elles les ont transférés dans un hôpital extérieur à la prison pour qu’ils y soient soignés, mais elles les ont ramenés en prison au bout de quelques heures alors qu’ils avaient besoin de soins de suite. Elles les ont ensuite placés plusieurs jours à l’isolement en les privant d’accès aux soins.
En vertu du droit international, l’Iran est tenu d’interdire et de sanctionner la torture en toutes circonstances et sans exception. Cependant, le Code pénal islamique iranien prévoit toujours l’imposition à titre de sanction pénale de châtiments corporels constituant des actes de torture, notamment l’amputation, la flagellation, l’aveuglement, le crucifiement et la lapidation. Selon le Centre Abdorrahman Boroumand pour les droits humains en Iran, les tribunaux iraniens ont prononcé au moins 384 peines d’amputation depuis 1979, dont au moins 223 ont été appliquées. Les nombres réels sont sans doute bien plus élevés car les autorités ne publient pas de données officielles sur les peines d’amputation prononcées et appliquées. La législation iranienne prévoit qu’un médecin doit être présent lors de l’application des châtiments corporels, ce qui viole directement les lignes directrices en matière d’éthique et les normes internationales qui interdisent expressément la participation du personnel médical à des actes de torture. Les médecins présents lors de l’application des peines d’amputation sont complices du crime de torture.
LETTRE À ENVOYER
Monsieur le Responsable du pouvoir judiciaire,
Je vous écris pour vous faire part de ma vive inquiétude pour Hadi Rostami (38 ans), Mehdi Sharfian (42 ans) et Mehdi Shahivand (29 ans), détenus à la prison centrale d’Ourmia, dans la province de l’Azerbaïdjan occidental, qui risquent sérieusement de voir leurs peines d’amputation des doigts appliquées à l’aide d’une guillotine dans les prochains jours. Le 13 mars 2025, ils ont été convoqués au bureau d’application des peines de la prison, où on leur a remis une lettre du parquet d’Ourmia indiquant que leurs peines pourraient être appliquées à partir du 11 avril 2025. Hadi Rostami a alors rédigé une lettre depuis la prison pour appeler à l’aide. Il a écrit : « [Les autorités] veulent me couper la main pour une infraction que je n’ai pas commise. J’appelle les organisations de défense des droits humains, les Nations unies et la communauté internationale à prendre des mesures urgentes pour empêcher l’application de cette peine inhumaine. »
Hadi Rostami, Mehdi Sharfian et Mehdi Shahivand ont été arrêtés en 2017 et déclarés coupables de vol en 2019 après un procès manifestement inique. Ils ont été privés du droit de bénéficier des services d’un·e avocat·e pendant la phase d’instruction de leur dossier et les tribunaux se sont fondés sur des « aveux » forcés pour les déclarer coupable. Tous trois disent que leurs « aveux » ont été arrachés sous la torture et les ont rétractés pendant leur procès. Selon des sources bien informées, ils ont été roués de coups, notamment de pied et de câble, et suspendus par les poignets et les pieds pendant les interrogatoires. Hadi Rostami a eu la main cassée, et les agents chargés de l’interrogatoire de Mehdi Shahivand lui ont ôté son pantalon et ont menacé de le violer au moyen d’un morceau de bois s’il refusait de faire des « aveux » l’incriminant ainsi que ses coaccusés. Les autorités ont rejeté leurs allégations de torture et n’ont pas ordonné d’enquête sur celles-ci. Selon leur jugement, qu’Amnistie Internationale a pu consulter, ils sont condamnés à « subir une ablation totale de quatre doigts de la main droite, ne laissant subsister que la paume de la main et le pouce ». Depuis leur condamnation, ils ont observé de multiples grèves de la faim pour protester contre leurs conditions de détention inhumaines et les menaces répétées d’application de leur peine d’amputation. Hadi Rostami a fait plusieurs tentatives de suicide, notamment en avalant du verre brisé, qui lui ont laissé de graves séquelles pour lesquelles les autorités lui ont refusé des soins médicaux adéquats. En février 2021, il s’est vu infliger 60 coups de fouet en prison après avoir été déclaré coupable de « trouble à l’ordre au sein de la prison » en représailles à ses grèves de la faim.
Les victimes des amputations judiciaires sont très majoritairement issues de milieux pauvres et vulnérables. En les mutilant de manière délibérée, les autorités iraniennes réduisent leurs possibilités de trouver un emploi et de subvenir à leurs besoins, dans une société où les personnes souffrant de handicaps physiques subissent une discrimination généralisée.
Je vous appelle à cesser immédiatement tout projet d’appliquer les peines d’amputation de Hadi Rostami, Mehdi Sharfian et Mehdi Shahivand, d’annuler leur déclaration de culpabilité et leur condamnation et de les faire bénéficier d’un nouveau procès, équitable cette fois-ci et excluant le recours à des châtiments corporels. Je vous prie instamment de les protéger contre toute autre forme de torture, de leur permettre d’accéder aux soins médicaux dont ils ont besoin et d’enquêter sur leurs allégations de torture pour que toute personne soupçonnée d’en être responsable soit traduite en justice dans le cadre d’un procès équitable. De façon plus générale, je vous engage à abolir toutes les formes de châtiments corporels en droit et en pratique.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Responsable du pouvoir judiciaire, l’expression de ma haute considération.
APPELS À
Responsable du pouvoir judiciaire, Gholamhossein Mohseni Ejei
C/o Ambassade d’Iran auprès des Nations unies à Genève,
chemin du Petit-Saconnex 28
1209 Genève
Suisse
COPIES À
Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel: melanie.joly@parl.gc.ca
Ambassade de la République islamique d'Iran
245, rue Metcalfe
Ottawa, ON K2P 2K2
Canada