DEUX HOMMES RISQUENT D’ÊTRE EXÉCUTÉS APRÈS AVOIR ÉTÉ TORTURÉS

CONTEXTE
Behrouz Ehsani, 69 ans, et Mehdi Hassani, 48 ans, risquent d’être exécutés à tout moment à la prison de Ghezel Hesar, dans la province d’Alborz, après que la Cour suprême a rejeté leur demande de révision judiciaire. Ils ont été condamnés à mort en septembre 2024 à l’issue d’un procès manifestement inique, qui n’a duré que cinq minutes et a été entaché d’allégations de torture et d’autres mauvais traitements visant à leur arracher des « aveux » forcés.
Behrouz Ehsani et Mehdi Hassani ont également été reconnus coupables de plusieurs autres chefs d’accusation, notamment « diffusion de propagande contre le régime », « rassemblement et collusion en vue de commettre des infractions compromettant la sécurité nationale » et « appartenance à un groupe formé dans le but de porter atteinte à la sécurité nationale », pour lesquels ils ont été condamnés à des peines d’emprisonnement. Selon des sources bien informées, lorsqu’ils étaient détenus à la prison d’Evin, à Téhéran, des responsables de celle-ci leur ont dit que leur condamnation à mort serait annulée s’ils écrivaient une lettre de repentir et exprimaient des remords, mais ils ont refusé, insistant sur leur innocence. Le 26 janvier 2025, sans qu’eux-mêmes, leurs avocats ou leurs familles n’en aient été informés au préalable, ils ont été transférés de la prison d’Evin à la prison de Ghezel Hesar, où les autorités transfèrent les prisonniers en vue de leur exécution.
Depuis février 2024, Behrouz Ehsani et Mehdi Hassani observent une grève de la faim tous les mardis, dans le cadre de la campagne Non aux exécutions menée par des Iranien·ne·s, notamment des personnes détenues pour des raisons politiques. En janvier 2024, des personnes condamnées à mort emprisonnées en Iran ont entamé une grève de la faim tous les mardis et réclamé publiquement des interventions afin que cessent les exécutions dans le pays. Cet acte courageux a incité des défenseur·e·s des droits humains à mener des grèves de la faim en signe de solidarité, notamment la lauréate du prix Nobel de la paix Narges Mohammadi, remise en liberté à titre provisoire en décembre 2024, et 60 autres femmes emprisonnées pour des motifs politiques à la prison d’Evin, ainsi que des militant·e·s des droits du travail et des proches de victimes des massacres de prisonniers en Iran dans les années 1980. Le 18 septembre 2024, une lettre écrite par Behrouz Ehsani, sortie clandestinement de prison et publiée en ligne, faisait référence aux grèves de la faim que lui, Mehdi Hassani et des dizaines d’autres personnes condamnées à mort dans tout le pays avaient entamées et soulignait la nécessité d’un soutien international pour mettre fin aux exécutions cruelles et inhumaines en Iran. Cette lettre contient notamment le passage suivant :
« Après 22 mois d’incertitude, elles [les autorités] ont prononcé une condamnation à mort contre moi, sans aucune preuve. Nous n’attendons rien d’autre de ce système axé sur les exécutions [...] Outre les prisonniers politiques, des prisonniers ordinaires sont exécutés chaque jour [...] qui sont les victimes sans défense de ce système et de ses conditions. Nous venons d’achever la 34e semaine des grèves de la faim Non aux exécutions du mardi, aux côtés de [détenu·e·s de] 21 autres prisons à travers le pays. Nous poursuivrons ces grèves de la faim tous les mardis tant que des exécutions auront lieu. J’appelle mes chers compatriotes, les organisations internationales et les institutions de défense des droits humains à agir aujourd’hui contre les exécutions en Iran, car demain il sera trop tard. Rejoignez-nous dans le mouvement Non aux exécutions du mardi. Les personnes qui aspirent à la liberté et à la démocratie ne méritent pas d’être exécutées. Le silence de la communauté internationale encourage ce régime à procéder à des exécutions. »
Amnistie Internationale a déjà montré que les procès qui se déroulent devant les tribunaux révolutionnaires sont systématiquement inéquitables et débouchent sur des exécutions arbitraires. L’organisation a recensé des centaines de cas, sur plusieurs décennies, dans lesquels des procédures pénales menées devant des tribunaux révolutionnaires, aboutissant à des peines d’emprisonnement ou de mort, ont gravement bafoué le droit à un procès équitable. Ce droit comporte notamment l’accès à une assistance juridique lors de la phase d’enquête et à un avocat de son choix dès l’arrestation puis tout au long du procès et de la procédure d’appel ; la protection contre la torture et les autres formes de mauvais traitements ; le droit de ne pas être contraint de témoigner contre soi-même ou de s’avouer coupable ; la présomption d’innocence ; la possibilité de contester véritablement la légalité de sa détention ; le droit d’être jugé par un tribunal indépendant, compétent et impartial ; et celui de bénéficier d’un réexamen en bonne et due forme par une juridiction supérieure.
Au cours des deux dernières années, à la suite du soulèvement « Femme. Vie. Liberté », les autorités iraniennes ont intensifié leur recours à la peine capitale afin de semer la peur au sein de la population et de renforcer leur emprise sur le pouvoir. En 2023, Amnistie Internationale a recensé l’exécution d’au moins 853 personnes par les autorités iraniennes, soit une augmentation de 48 % par rapport à 2022. La majorité de ces personnes ont été exécutées arbitrairement à l’issue de procès manifestement iniques devant des tribunaux révolutionnaires. En 2024, les autorités ont poursuivi leur vague d’exécutions, notamment contre des manifestant·e·s, des dissident·e·s et des membres de minorités ethniques, mettant à mort des centaines de personnes, dont un grand nombre de manière arbitraire à l’issue de procès manifestement inéquitables qui s’étaient déroulés devant des tribunaux révolutionnaires. Le nombre réel d’exécutions est probablement beaucoup plus élevé, car les autorités iraniennes ne sont pas transparentes et ne fournissent pas d’informations accessibles au public sur les exécutions.
Amnistie Internationale s’oppose catégoriquement à la peine de mort, en toutes circonstances. La peine capitale est une violation du droit à la vie tel qu’il est proclamé par la Déclaration universelle des droits de l’homme et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.
LETTRE À ENVOYER
Monsieur le Responsable du pouvoir judiciaire,
Le 23 février 2025, les avocats de Behrouz Ehsani, 69 ans, et de Mehdi Hassani, 48 ans, ont appris que la neuvième chambre de la Cour suprême avait rejeté leur demande de révision judiciaire. Ces deux hommes risquent maintenant d’être exécutés à tout moment. Au cours des deux dernières semaines, les autorités les ont privés de contact avec leurs proches, ce qui laisse craindre à ceux-ci qu’elles ne prévoient de procéder à leur exécution en secret.
Behrouz Ehsani et Mehdi Hassani ont été jugés ensemble lors d’un procès ayant duré cinq minutes, le 10 août 2024, dans le cadre d’une procédure manifestement inique, devant la 26e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran. Ils n’ont pas pu s’entretenir avec leurs avocats pendant près de deux ans, depuis leur arrestation jusqu’à quelques semaines avant leur procès. Leurs allégations de torture n’ont pas fait l’objet d’une enquête, ils n’ont pas été autorisés à parler durant leur procès et ils n'ont pas été jugés par un tribunal indépendant, compétent et impartial. Le 15 septembre 2024, ils ont été condamnés à mort pour « rébellion armée contre l’État » (baghi), « inimitié à l’égard de Dieu » (moharebeh) et « corruption sur terre » (efsad-e fel-arz) en raison de leur soutien présumé à l’Organisation des moudjahidin du peuple d’Iran (OMPI), un groupe d’opposition interdit. Le 7 janvier 2025, les autorités ont fait savoir à leurs avocats que leurs condamnations à mort avaient été confirmées par la Cour suprême.
Des agents du ministère du Renseignement ont arrêté Behrouz Ehsani le 28 novembre 2022 à Téhéran, et Mehdi Hassani le 9 septembre 2022 dans la province de Zanjan. Selon des sources bien informées, des fonctionnaires les ont privés de contact avec leurs familles, les ont questionnés en l’absence d’avocats et les ont soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements, notamment des coups répétés et un isolement prolongé, afin de leur extorquer des déclarations dans lesquelles ils s’incriminaient eux-mêmes. Des agents ont maintenu Behrouz Ehsani à l’isolement pendant 50 jours dans la section 240 de la prison d’Evin et ont fait pression sur lui pour qu’il « avoue » en ayant recours à la torture et à d’autres mauvais traitements, notamment en le menaçant de le fouetter et de l’exécuter ainsi que d’arrêter ses proches et de leur faire du mal, ce qu'il a refusé. Il a ensuite été transféré à la section 209 pendant 75 jours avant d’être transféré dans une unité générale avec d’autres prisonniers. Selon une source bien informée également, pendant les six mois qui ont suivi son arrestation, des agents ont maintenu Mehdi Hassani à l'isolement et l'ont forcé à rédiger des déclarations dans lesquelles il s’incriminait, en le soumettant à la torture et à d’autres mauvais traitements, dont des passages à tabac et des menaces de nuire à sa famille. Cette source a indiqué à Amnistie Internationale que, dans ces déclarations écrites, Mehdi Hassani avait précisé avoir été forcé à les écrire sous la torture et par d’autres formes de mauvais traitements.
Je vous appelle à mettre immédiatement fin à tout projet d’exécution concernant Behrouz Ehsani et Mehdi Hassani, à annuler leurs déclarations de culpabilité et leurs condamnations et à les libérer, car leur détention est arbitraire en raison de graves violations de leurs droits à un procès équitable. Je vous demande également de faire le nécessaire pour qu’ils puissent immédiatement voir leurs familles, consulter des avocats indépendants et recevoir les soins médicaux dont ils pourraient avoir besoin, de les protéger contre toute forme de torture ou d’autres mauvais traitements et d’enquêter sur leurs allégations de torture, en traduisant en justice toute personne jugée responsable dans le cadre de procès équitables, sans requérir la peine capitale. Enfin, je vous engage à instaurer immédiatement un moratoire officiel sur les exécutions, en vue d'abolir la peine de mort.
Veuillez agréer, Monsieur le Responsable du pouvoir judiciaire, l’expression de ma haute considération
APPELS À
Responsable du pouvoir judiciaire, Gholamhossein Mohseni Eje
c/o Ambassade d’Iran auprès des Nations unies à Genève,
chemin du Petit-Saconnex 28, 1209 Genève, Suisse
COPIES À
Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel: melanie.joly@parl.gc.ca
Ambassade de la République islamique d'Iran
245, rue Metcalfe
Ottawa, ON K2P 2K2
Canada