• Iran

DES MILLIONS D’AFGHAN·E·S VIVANT EN IRAN SONT MENACÉS D’EXPULSION

CONTEXTE

Plus d’un million d’Afghan·e·s, dont certains sont nés en Iran ou y vivaient depuis des décennies, ont été renvoyés de force en Afghanistan en 2025, dans le cadre d’une campagne d’expulsion illégale menée par les autorités iraniennes. Ces expulsions de masse se sont intensifiées avec la montée des hostilités entre Israël et l’Iran, plus d’un demi-million d’Afghan·e·s ayant été expulsés depuis le 1er juin 2025, dont plusieurs milliers de mineur·e·s non accompagnés. Des millions d’autres personnes sont en danger, notamment des femmes et des filles qui doivent être considérées comme des réfugiées prima facie (ou réfugiées « de prime abord ») et qu’il ne faut pas renvoyer en Afghanistan, où les talibans commettent à leur égard des crimes contre l’humanité prenant la forme de persécutions fondées sur le genre.

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Selon le HCR, en 2022, on recensait plus de 4,5 millions d’Afghan·e·s en Iran, et au moins un million d’entre eux ont fui vers l’Iran depuis le retour des talibans au pouvoir en 2021, notamment des défenseur·e·s des droits humains, des militantes et des manifestantes, des journalistes et d’autres opposant·e·s. Les Afghan·e·s se trouvant en Iran, qu’il s’agisse de personnes arrivées récemment, vivant dans le pays depuis des décennies, ou nées en Iran de parents afghans, risquent d’être exposés à des discriminations généralisées, en droit et en pratique, prenant notamment la forme d’obstacles entravant leur accès à l’éducation, au logement, à l’emploi, aux soins de santé et aux services bancaires, et les empêchant de bénéficier du droit de circuler librement. Ils sont par ailleurs confrontés à un climat généralisé de racisme et de xénophobie, alimenté par des discours de haine et se traduisant par des actes de violence contre eux de la part d’acteurs étatiques et non étatiques restant souvent impunis.

Les lois iraniennes n’offrent pas de voie fiable vers la naturalisation, sauf par le mariage avec un·e citoyen·ne iranien ou dans quelques autres circonstances exceptionnelles. En conséquence, la plupart des Afghan·e·s résidant en Iran conservent une situation précaire au regard de la législation relative à l’immigration, même après avoir vécu dans le pays pendant des décennies, et leurs enfants, bien qu’ils soient nés en Iran, ne se voient pas automatiquement accorder la nationalité iranienne. Jusqu’en mars 2025, plusieurs millions d’Afghan·e·s avaient été autorisés à faire temporairement légaliser leur séjour en Iran en obtenant un document de « recensement » (bargeh-e sarshomari). Les personnes auxquelles ce document a été délivré pouvaient accéder à des services socio-économiques limités, notamment au système de santé publique, à l’éducation publique, à un permis de travail, à des services bancaires et à la possibilité de souscrire un bail de location. Le 12 mars 2025, le Centre iranien pour les étrangers et les affaires d’immigration, qui relève du ministère de l’Intérieur, a annoncé que les documents de « recensement » des Afghan·e·s expireraient automatiquement dès le début de l’année 1404 du calendrier iranien (soit le 20 mars 2025) et que l’accès à tous les services socio-économiques serait supprimé. Au cours des mois suivants, les autorités iraniennes ont déclaré leur intention de renvoyer en Afghanistan, avant le mois de juin 2025, les Afghan·e·s dont les documents de « recensement » avaient expiré. Entre le 1er juin et le 10 juillet 2025, les autorités iraniennes ont expulsé au moins 546 000 personnes, dont 5 000 « mineur·e·s non accompagnés et séparés » en juin 2025.

Amnesty International a recueilli les témoignages de sept Afghan·e·s démontrant les violations systématiques commises par les autorités iraniennes à l’égard de cette population par le biais d’expulsions accélérées. Un Afghan qui se trouvait encore en Iran lorsqu’il s'est entretenu avec Amnesty International début juillet 2025 a déclaré qu’il n’avait pas pu inscrire ses enfants à l’école publique car leurs documents de « recensement » avaient expiré, et qu’il ne pouvait pas quitter librement son domicile pendant la journée par crainte d’être arrêté arbitrairement et expulsé. Il a déclaré : « J’ai l'impression d’être assigné à résidence. Je ne sors que la nuit pour marcher un peu. Je dors pendant la journée pour passer le temps. » Il a ajouté que sa carte SIM ne fonctionnait plus et que, comme il avait fui en Iran après la prise du pouvoir par les talibans en 2021, il risquait que ceux-ci le soumettent à une arrestation arbitraire en raison de son ancien travail dans les médias en Afghanistan. S’il était arrêté en Afghanistan, il pourrait être victime de graves violations des droits humains. D’autres personnes qui se sont entretenues avec Amnesty International ont été contraintes de quitter l’Iran en raison de l’expiration de leurs documents de « recensement ». Elles ont déclaré que les autorités iraniennes leur avaient facturé des frais exorbitants pour leur transfert forcé vers l’Afghanistan, et qu’elles avaient également été contraintes à payer des impôts locaux pour chacun des membres de leur famille, avant d’être envoyées à la frontière afghane, sous peine d'être placées en détention arbitraire si ces frais n’étaient pas acquittés.

Après l’escalade des hostilités entre Israël et l’Iran le 13 juin 2025, les responsables iraniens, qui ont toujours qualifié les Afghan·e·s d’« étrangers » ou de « ressortissants non autorisés », ont intensifié les discours racistes, xénophobes et déshumanisants à l’égard de cette communauté. Ils ont appelé à plusieurs reprises à un « nettoyage » rapide des « ressortissants étrangers », leur ordonnant de quitter l’Iran, les désignant comme boucs émissaires pour les échecs du gouvernement sur le terrain de la protection sociale, et leur imputant la responsabilité des tensions qui pèsent sur l’éducation publique, les soins de santé publics et le secteur de l’emploi. Les autorités ont par ailleurs porté des accusations non fondées contre des Afghan·e·s, les accusant d’« espionnage » pour le compte d’Israël. Au moins cinq personnes identifiées comme afghanes ont été arrêtées depuis le 14 juin 2025 sur la base d’accusations de ce type, et les médias d’État ont diffusé les « aveux » forcés d’au moins quatre de ces hommes. Amnesty International a recensé des exécutions extrajudiciaires, des arrestations arbitraires, des actes de torture et des mauvais traitements, des disparitions forcées et des crimes de guerre sous le régime taliban. Les talibans ont privé les femmes et les filles de presque tous leurs droits, y compris l’accès à l’éducation au-delà de l’école primaire, et l’accès au travail. Cette situation, associée à la torture et aux mauvais traitements, aux disparitions forcées et à la privation de liberté visant les femmes et les filles, constitue un crime contre l’humanité de persécution fondée sur le genre. L'Afghanistan est le seul État au monde où les femmes et les filles sont interdites d’accès à l’éducation au-delà de l’école primaire. Les talibans ont également imposé des restrictions contre les minorités religieuses et ethniques

Crédit photo : © Kiana Hayeri / Amnesty International

LETTRE À ENVOYER

Monsieur le Ministre,

 

Je déplore vivement les expulsions de masse sans précédent menées par les autorités iraniennes depuis le début de l’année 2025, qui ont touché plus d’un million d’Afghan·e·s, dont des mineur·e·s non accompagnés et séparés, des réfugié·e·s et des demandeurs et demandeuses d’asile, des personnes nées en Iran de parents afghans et des Afghan·e·s vivant en Iran depuis des décennies. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), cette tendance s’est aggravée depuis le 1er juin 2025, mettant des millions d’autres Afghan·e·s en danger. Cela survient dans un contexte de graves crises humanitaire et des droits humains en Afghanistan, où un grand nombre des personnes renvoyées sont exposées à un risque imminent de persécution et de violations des droits humains par les talibans.

 

Après la montée des hostilités entre Israël et l’Iran le 13 juin 2025, les expulsions de masse se sont encore intensifiées. Le 22 juin 2025, les médias d'État ont cité un responsable de la police iranienne des frontières, déclarant que « tous les ressortissants non autorisés doivent quitter l'Iran », une expression souvent utilisée par les autorités pour désigner les Afghan·e·s. Cette campagne d’expulsions illégales s’est accompagnée de descentes, de contrôles et de fouilles, d’arrestations arbitraires et de retours forcés de personnes qui n’avaient pour seuls biens que les habits qu’elles portaient. Les responsables iraniens ont intensifié l’emploi de paroles déshumanisantes à l’égard des Afghan·e·s, alimentant ainsi les discours et les crimes de haine. Ils privent également les Afghan·e·s, y compris les mineur·e·s, de leurs droits socio-économiques, notamment l’accès à l’enseignement primaire et secondaire, et l’accès aux soins de santé.

 

Il existe un risque réel que les talibans bafouent les droits fondamentaux des personnes renvoyées de force en Afghanistan, notamment les femmes et les filles, les artistes, les opposant·e·s, les anciens fonctionnaires, les journalistes et les défenseur·e·s des droits humains. En vertu du principe de « non-refoulement », tel qu'énoncé dans le droit international, il est interdit aux États de renvoyer quiconque dans un pays où cette personne courrait un risque réel de violations. Si elles étaient renvoyées en Afghanistan, les femmes et les filles seraient privées de leurs droits fondamentaux, notamment les droits à la liberté d’expression et de croyance, à l’éducation, au travail, à la liberté de circulation, à la protection contre la torture et autres mauvais traitements, et à l’autonomie corporelle. Tous les États, y compris l’Iran, doivent reconnaître les femmes et les filles afghanes comme réfugiées et ne pas les renvoyer en Afghanistan, où les talibans les persécutent sur la base de leur genre, ce qui constitue un crime contre l’humanité.

 

Je vous demande de mettre immédiatement fin à l’expulsion de masse des Afghan·e·s, et d’accorder à tous les Afghan·e·s se trouvant en Iran une protection, notamment un statut migratoire régulier qui les protège contre le refoulement. J’appelle en outre les autorités iraniennes à protéger tous les Afghan·e·s en Iran contre les arrestations arbitraires, la torture et autres mauvais traitements, et les discriminations, notamment en matière d’accès au logement, aux soins de santé et à l’éducation. Toutes les femmes et filles afghanes doivent être reconnues comme réfugiées, et toute personne détenue arbitrairement en raison de son identité et/ou de sa nationalité afghane doit être immédiatement libérée.

 

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.
 

APPELS À  

Eskandar Momeni, Ministre de l’Intérieur

 C/o Ambassade d’Iran auprès des Nations unies à Genève

Chemin du Petit-Saconnex 28, 1209 Genève, Suisse