LA MARCHE DES FIERTÉS DOIT POUVOIR SE DÉROULER LIBREMENT

CONTEXTE
Le 18 mars, le Parlement hongrois a adopté à la hâte une loi qui interdit dans les faits les marches des fiertés. En effet, elle interdit les rassemblements considérés comme enfreignant la Loi relative à la propagande, hostile aux personnes LGBTI, qui présente à tort la visibilité de ces personnes comme « préjudiciable pour les enfants ». En vertu de cette loi, les autorités peuvent interdire la marche des fiertés ou d’autres événements LGBTI, infliger des amendes aux participant·e·s et condamner les organisateurs·trices à une peine de prison pouvant aller jusqu’à un an. Elles peuvent également utiliser les technologies de reconnaissance faciale pour tracer et identifier les participant·e·s, ce qui représente une grave menace pour la vie privée et répand la peur. Cette loi constitue une grave violation des droits humains, notamment des droits à la liberté de réunion pacifique et d’expression, ainsi que des droits à la vie privée et à la non-discrimination. Les autorités hongroises doivent faire respecter le droit de manifester pacifiquement et veiller à ce que la marche des fiertés de Budapest du 28 juin puisse se dérouler sans restrictions injustifiées, ni actes d’intimidation ou de violence. Enfin, elles doivent abroger cette loi discriminatoire et protéger les droits des personnes et des communautés LGBTI.
Au cours de la dernière décennie, le gouvernement hongrois a mené une campagne contre les droits des personnes LGBTI en employant des discours stigmatisants et en ciblant les membres de la société civile qui défendent l'égalité. Le 11 mars, les député·e·s du parti au pouvoir Fidesz, qui détient la majorité, ont soumis une série d'amendements à la Loi fondamentale de la Hongrie (équivalent de la Constitution) en vue d'établir une base constitutionnelle permettant d’interdire les marches des fiertés annuelles. Le 17 mars, un autre projet de loi a été adopté par les mêmes député·e·s, modifiant la législation existante sur les rassemblements. Adopté à la hâte par le Parlement le lendemain, sans consultation, le projet de loi a été promulgué en tant que Loi III de 2025, et est entré en vigueur le 15 avril.
Cette nouvelle législation (Loi III de 2025) est formulée en termes vagues, ce qui permet aux autorités d’interdire tout rassemblement prônant les droits des personnes LGBTI et représentant des thèmes LGBTI. Ainsi, organiser des événements qui enfreignent la Loi hongroise relative à la propagande, interdisant la « représentation ou la promotion » de l’homosexualité et des diverses identités de genre auprès des moins de 18 ans, est un délit et le fait d’y participer est une infraction mineure. Précisément, elle introduit de lourdes sanctions, dont des amendes allant jusqu’à 200 000 florins hongrois (490 euros), pour les personnes participant à une marche des fiertés interdite. Celles et ceux qui accueillent ou organisent un rassemblement interdit s’exposent, selon le Code pénal déjà en vigueur, à des poursuites pénales et à une peine de prison maximale d’un an. En outre, la nouvelle loi élargit le champ d’application dans lequel la police peut disperser un rassemblement notifié. Elle maintient que le fait de promouvoir publiquement un rassemblement avant que la déclaration ne soit présentée et acceptée par la police constitue, en soi, une infraction mineure. Elle modifie le délai de notification d'un rassemblement : il doit être déclaré dans un délai d’un mois. Pour la Pride de Budapest, les organisateurs·trices peuvent entamer la procédure de notification au plus tôt le 28 mai.
Par ailleurs, la nouvelle loi élargit le champ d’application de l’utilisation des technologies de reconnaissance faciale à toutes les infractions mineures, y compris liées à des rassemblements. Elle donne carte blanche à la police et à d'autres autorités pour identifier les visages des personnes dans les rues et les espaces publics, si elles l’estiment « nécessaire afin de prévenir, dissuader et détecter les infractions et de traduire les auteurs en justice » en lien avec une infraction mineure. D’autant plus préoccupant que ces technologies pourraient être utilisées pour identifier les personnes soupçonnées de participer à des rassemblements susceptibles d'être interdits par les autorités, comme les marches des fiertés.
Ces modifications, prises toutes ensemble, portent atteinte aux droits fondamentaux des personnes LGBTI et de leurs alliés, notamment à leur droit de réunion pacifique. Elles visent en fait à écarter les personnes LGBTI loin des regards, en classant la « promotion » et la « représentation » de l'homosexualité et des identités transgenres dans les « contenus » interdits lors des manifestations. Cette loi discriminatoire véhicule aussi une atteinte grave aux droits à la vie privée de chaque citoyenne et citoyen en Hongrie. Elle cherche à susciter une atmosphère de peur et à réduire au silence celles et ceux qui osent exprimer la dissidence. Ces dispositions, qui menacent la vie privée mais aussi l’essence même de la liberté d’expression et du droit à la liberté de réunion pacifique, doivent être abrogées.
En amont de la Budapest Pride, Amnistie Internationale rappelle aux autorités hongroises que les États ont l’obligation positive de protéger, respecter et faciliter les réunions pacifiques, dans la législation et dans la pratique. Le droit à la liberté de réunion pacifique est protégé par des dispositions du droit international et des normes internationales figurant dans des instruments auxquels la Hongrie est partie et ne doit pas être soumis à l’autorisation préalable des pouvoirs publics. Ce type de condition obligatoire ne doit pas être considéré comme un moyen de contrôler les manifestations, mais au contraire comme un simple moyen d'informer de la tenue d’un rassemblement.
Toute restriction aux rassemblements doit être prescrite par la loi, mais aussi, de manière cumulative, viser à protéger un intérêt public légitime, et être nécessaire et proportionnée – le même résultat ne pouvant être atteint par des moyens moins restrictifs. L'interdiction au préalable d'un rassemblement public précis doit donc toujours être une mesure de dernier recours, fondée sur une évaluation au cas par cas tenant compte des circonstances particulières de chaque événement.
Enfin, la décision de disperser un rassemblement ne doit être prise qu’en dernier recours et dans le plein respect des principes de nécessité et de proportionnalité, c’est-à-dire uniquement lorsqu’aucun autre moyen ne permet de poursuivre un but légitime primant sur le droit des personnes de se réunir pacifiquement. Dans une telle situation, la police et les autorités responsables de l’application des lois doivent, dans la mesure du possible, éviter tout usage de la force et, dans tous les cas, limiter cet usage au minimum nécessaire, et respecter les principes fondamentaux de proportionnalité, de précaution et de non-discrimination.