• Honduras

CONDAMNATIONS EN MASSE DE MILITANT·E·S DE L’OPPOSITION

CONTEXTE

Le 19 avril 2025, le tribunal de première instance de Tunis a condamné 37 personnes, dont des figures de l’opposition politique, des avocat·e·s, des militant·e·s et des défenseur·e·s des droits humains, à de lourdes peines, allant de quatre à 74 ans d’emprisonnement, à l’issue d’un simulacre de procès. Ces personnes ont été déclarées coupables de complot contre la sûreté de l’État et d’infractions liées au terrorisme, sur la base d’accusations sans fondement découlant de leurs réunions pour organiser des actions d’opposition politique, ainsi que de rencontres avec des ressortissant·e·s étrangers, notamment des diplomates. Leur procès a été entaché de violations du droit à un procès équitable et à une procédure régulière. Les autorités tunisiennes doivent annuler le verdict et les peines injustes prononcés dans l’« affaire du complot » et libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes détenues dans le cadre de cette affaire uniquement parce qu’elles ont exercé pacifiquement leurs droits fondamentaux.

PASSEZ À L’ACTION : ENVOYEZ UN APPEL EN UTILISANT VOS PROPRES MOTS OU EN VOUS INSPIRANT DU MODÈLE DE LETTRE CI-DESSOUS

Le 4 mars, s’est ouvert le procès de 40 personnes poursuivies dans le cadre de l’« affaire du complot », dont des opposant·e·s politiques de tous bords, des hommes d’affaires, des avocat·e·s, des militant·e·s et des défenseur·e·s des droits humains, plus de deux ans après le début de l’enquête en février 2023. Les accusé·e·s ont été jugés sur la base d’accusations infondées de complot au titre de 10 articles du Code pénal tunisien, notamment l’article 72, qui prévoit la peine de mort obligatoire pour les tentatives visant à « changer la forme du gouvernement ». Ils sont également inculpés de plusieurs infractions au titre de 17 articles de la loi antiterroriste de 2015, notamment de son article 32, qui prévoit une peine allant jusqu’à 20 ans d’emprisonnement pour la « formation d’une organisation terroriste ». Les poursuites reposaient exclusivement sur leur participation à l’organisation d’actions d’opposition politique ou à des réunions, donc certaines avec des ressortissant·e·s étrangers – qui ne constituent aucunement des infractions pénales.

Huit des accusé·e·s étaient maintenus en détention provisoire de manière arbitraire depuis leur arrestation en février 2023, ce qui excède la limite légale de 14 mois que prévoit le Code de procédure pénale : l’homme politique Khayam Turki et l’homme d’affaires Kamel Ltaief, arrêtés le 11 février ; l’homme politique Abdelhamid Jelassi, arrêté le 12 février ; le militant de l’opposition Issam Chebbi, arrêté le 22 février ; le militant de l’opposition Jaouhar Ben Mbarek, arrêté le 24 février ; et enfin les avocats et militants politiques Ghazi Chaouachi et Ridha Belhaj, arrêtés le 25 février. Les forces de sécurité ont également arrêté Chaima Issa et Lazhar Akremi en février 2023, mais ceux-ci ont été remis en liberté provisoire le 13 juillet 2023, après avoir passé près de cinq mois en détention arbitraire. À la suite de leur libération, les autorités leur ont interdit de voyager à l’étranger et d’« apparaître dans des lieux publics ». 

Le procès, entaché de vices de procédure et de violations des garanties prévues par la loi, a débuté le 4 mars 2025 en l’absence des accusé·e·s. À l’issue de la première audience, il a été ajourné au 11 avril, puis au 18 avril. L’Ordre des avocats avait précédemment reçu un avis de la cour indiquant que tous les procès pour terrorisme de mars et d’avril se dérouleraient en l’absence des accusé·e·s détenus, qui suivraient le déroulement en ligne depuis la prison, invoquant sans plus de précisions l’existence d'un « danger réel ». Cette décision a été contestée par les détenu·e·s et leurs avocat·e·s, qui ont fait valoir leur droit de comparaître en personne. Ils ont refusé de participer au procès à moins d’être physiquement présents dans la salle d’audience.

En plus de ces violations, le procès a manqué de transparence. Les éléments à charge n’ont été ni présentés publiquement, ni soumis à un contre-interrogatoire, et l’accès à la salle d’audience a été refusé à plusieurs journalistes indépendants, représentant·e·s de la société civile et membres du corps diplomatique. Les accusé·e·s n’ont pas été autorisés à assister à leur procès physiquement ni même à parler, et leurs avocat·e·s n’ont pas pu présenter leurs arguments avant que la cour rende son verdict.

Le 24 avril 2025, le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a qualifié le jugement de « coup dur pour la justice et l’état de droit ». Il avait déjà fait part en février 2023 de ses préoccupations concernant l’arrestation de figures de l’opposition accusées de complot. Le 22 février 2023, le président Kaïs Saïed a déclaré que quiconque « osait exonérer » ce qu’il décrivait comme étant « des réseaux criminels » était fondamentalement leur « complice ». Cette déclaration, associée à la révocation arbitraire de 57 juges ordonnée par le président en 2022, a contribué à renforcer le climat d’intimidation pour la magistrature. 

Le 8 octobre 2024, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a publié un avis concluant que « les violations du droit des huit individus à une procédure régulière et à un procès équitable sont d’une gravité telle qu’elles confèrent un caractère arbitraire à leur détention » et recommandant leur libération immédiate.

LETTRE À ENVOYER


 

Monsieur le Président,

Je vous écris pour vous faire part de ma vive inquiétude après la condamnation injuste de 37 personnes à de lourdes peines d’emprisonnement, allant jusqu’à 74 années, à l’issue d’un simulacre de procès pour des accusations infondées de « complot » liées à leurs activités politiques légitimes ou leur appartenance politique.

Parmi les 37 personnes condamnées, six figures de l’opposition – Jaouhar Ben Mbarek, Khayyam Turki, Issam Chebbi, Ghazi Chaouachi, Ridha Belhaj et Abdelhamid Jelassi – ainsi que l’homme d’affaires Kamel Ltaief sont détenus arbitrairement depuis leur arrestation en février 2023. Tous les autres accusé·e·s ont également été condamnés, dont plusieurs déjà détenus dans le cadre d’autres affaires à caractère politique – comme les hauts responsables de l’opposition Noureddine Bhiri, Sahbi Atig et Said Ferjani, membres de l'ancien parti au pouvoir, Ennahdha. L'affaire concerne en outre les défenseur·e·s des droits humains Ayachi Hammami et Bochra Bel Haj Hmida, ainsi que des hommes d'affaires et des actionnaires de médias privés, qui ont été déclarés coupables et condamnés mais restent libres ou en exil.

Leur procès a été entaché de violations flagrantes du droit à l’équité des procès, notamment par l’absence physique des accusé·e·s dans la salle d’audience. Lors de la troisième et dernière audience, le 18 avril, des observateurs de la société civile, des ambassades, des ONG internationales et des médias indépendants n’ont pas été autorisés à y assister ; seul un membre de la famille de chaque accusé a pu entrer dans la salle. Malgré les objections des avocat·e·s contre les violations de la procédure et l’absence des accusé·e·s, le juge a ouvert le procès par la lecture de l’acte d’accusation. L’audience en elle-même n’a duré que quelques minutes ; les accusé·e·s n’ont pas eu la possibilité d’être entendus, les avocat·e·s de la défense n’ont pas pu faire de déclarations et aucun contre-interrogatoire n’a pu être mené. Parmi les personnes condamnées à des peines très lourdes figurent l'homme d'affaires Kamel Ltaeif (74 années d’emprisonnement) et les figures de l’opposition Noureddine Bhiri (43 années), Khayyam Turki (38 années), Jaouhar Ben Mbarek, Issam Chebbi, Ghazi Chaouachi et Chaima Issa (18 années chacun), Abdelhamid Jelassi, Sahbi Atig, Said Ferjani (13 années chacun), ainsi que des défenseur·e·s des droits humains comme Bochra Bel Haj Hmida (43 années) et Ayachi Hammami (huit années).

Je vous demande donc instamment d’annuler le verdict et les peines injustes prononcés contre tous les accusé·e·s et de libérer immédiatement et sans condition les personnes détenues uniquement parce qu’elles ont exercé pacifiquement leurs droits fondamentaux. Je vous appelle également à cesser d’engager des poursuites à caractère politique contre les détracteurs, les opposant·e·s politiques, les militant·e·s et les défenseur·e·s des droits humains.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.

APPELS À  

Président de la République, Kaïs Saïed
Courriel : contact@carthage.tn
Facebook : https://www.facebook.com/Presidence.tn
Twitter/X : @TnPresidency 

COPIES À  

Anita Anand
Ministre des Affaires étrangères
229, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  Anita.Anand@parl.gc.ca   

Son Excellence M. Lassaad BOUTARA
Ambassade de la République tunisienne
515, rue O'Connor
Ottawa, ON K1S 3P8
Tel: (613) 237-0330, -0332 Fax: (613) 237-7939
Courriel: tunisianembassycanada@diplomatie.gov.tn