• États-Unis

Cessez de révoquer les visas d’étudiant·e·s étrangers

CONTEXTE

Le 8 mars, les services d’immigration des États-Unis ont illégalement arrêté et arbitrairement placé en détention Mahmoud Khalil, en raison de son rôle dans les manifestations étudiantes à l’université de Columbia. Les autorités ont révoqué son statut de résident permanent en vertu d’une loi rarement utilisée, et ont entamé une procédure d’expulsion contre lui. On sait qu’au moins neuf autres étudiant·e·s ont été pris pour cible de la même manière en raison de leurs actions de protestation ou de leur discours. Pour des centaines d’autres dont le visa a été annulé, les diverses justifications avancées étaient sommaires. Nous demandons aux autorités américaines de mettre un terme aux annulations de visas et du statut de résident d’étudiant·e·s, qu’elles soient en représailles ou injustifiées, et de respecter leurs droits à la liberté d’expression, à la liberté de réunion pacifique, à une procédure régulière et à l’absence de discrimination.

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Le 8 mars 2025, le gouvernement des États-Unis a arrêté Mahmoud Khalil, un ancien étudiant diplômé de l’université de Columbia qui a servi de porte-parole/négociateur pour les manifestant·e·s du campus, et qui est résident permanent dans le pays. Peu après, l’arrestation et le placement en détention de neuf autres étudiant·e·s étrangers – qui avaient participé à des manifestations ou s’étaient exprimés contre la guerre dans la bande de Gaza occupée et le rôle des États-Unis dans le génocide en cours contre les Palestinien·ne·s de Gaza -, ainsi que la révocation de leur visa ou de leur statut de résident, ont été rendues publiques. Deux des étudiants titulaires d’un visa ont décidé de quitter le pays plutôt que d’être confrontés aux conditions inhumaines du système de détention des services d’immigration américains et à une éventuelle expulsion. Une vidéo de l’arrestation d’une doctorante montre six agents des services d’immigration en civil et pour la plupart masqués en train de l’intercepter dans la rue près de son domicile fin mars, avant de la faire monter dans une voiture banalisée. Ces fonctionnaires auraient refusé de s’identifier, et ne l’ont fait qu’après son arrestation. Elle a coécrit une tribune dans le journal de son école afin de critiquer l’absence de réponse de l’université aux demandes des étudiant·e·s concernant le génocide à Gaza. Un porte-parole du département de la Sécurité intérieure a ensuite affirmé que cette étudiante « s’était engagée dans des activités de soutien au Hamas », sans fournir aucune preuve. Un autre résident permanent, organisateur de manifestations pro-Palestine à l’université de Columbia, a été arrêté par des agents des services d’immigration alors qu’il se rendait à un entretien dans le cadre de sa demande de citoyenneté américaine.

Le 27 mars, Marco Rubio, secrétaire d’État américain, a annoncé qu’il avait révoqué les visas d’au moins 300 étudiant·e·s et visiteurs depuis janvier, affirmant que ces personnes avaient « vandalisé des universités, harcelé des étudiants, pris possession de bâtiments, provoqué le désordre », sans fournir aucune preuve. Des informations plus récentes indiquent qu’au moins 1 300 étudiant·e·s ont perdu leur visa. Un grand nombre des étudiant·e·s concernés affirment qu’ils n’ont jamais participé à des manifestations et n’ont jamais été informés de la révocation de leur visa, même si certains ont pu avoir des interactions avec les forces de l’ordre pendant leur séjour, y compris pour des raisons mineures telles qu’une contravention pour infraction au Code de la route. Selon une action en justice intentée au nom de deux étudiant·e·s en Californie, des étudiant·e·s ont été pris pour cible parce qu’ils étaient d’origine africaine, arabe, asiatique, moyen-orientale ou musulmans. En application d’un décret pris par le président Trump pour lutter contre l’antisémitisme, le gouvernement des États-Unis affirme disposer d’un large pouvoir, en vertu d’une section rarement invoquée de la loi sur l’immigration, l’habilitant à révoquer visas et statuts de résident pour des motifs de politique étrangère, et à expulser des étudiant·e·s étrangers qui ont participé à des manifestations contre le conflit en cours dans la bande de Gaza occupée. Le statut 8 USC 1251(a)(4)(C)(i) autorise le secrétaire d’État à expulser toute personne n’ayant pas la nationalité américaine dont il a des motifs raisonnables de penser que « [sa] présence ou [ses] activités [...] auraient des conséquences potentiellement graves pour la politique étrangère des États-Unis ». Selon un mémoire destiné à éclairer la cour, déposé par des avocats spécialisés dans le droit de l’immigration, des professeurs de droit et des universitaires soutenant Mahmoud Khalil, on a recensé quelque 11,7 millions de cas d’expulsion depuis l’entrée en vigueur de la loi actuelle, en 1990. Cette disposition n’a été invoquée que dans 15 de ces cas et seules quatre personnes ont au bout du compte fait l’objet d’une mesure d’éloignement ou d’expulsion après avoir été accusées d’être expulsables pour ce motif. Le ministère américain de la Justice a par ailleurs créé une unité d’intervention conjointe pour lutter contre l’antisémitisme, « afin d’éradiquer le harcèlement antisémite dans les écoles et sur les campus ». Cette unité a annoncé des visites dans des universités spécifiques dans le cadre de son enquête, ainsi que la suspension de subventions et de contrats fédéraux concernant certains établissements, au motif qu’ils ne protègent pas les droits civils des étudiant·e·s juifs.

Le gouvernement américain dispose d’un large pouvoir discrétionnaire en matière de refus d’octroi de visas aux demandeurs lorsque ceux-ci se trouvent à l’étranger. Une fois sur le territoire des États-Unis, ces personnes sont protégées par la Constitution du pays, qui inclut les droits à la liberté d’expression et à une procédure régulière. Toutes les personnes, quel que soit leur statut en matière d’immigration, ont droit à la liberté d’expression, à la liberté de réunion pacifique, au respect de la légalité et à l’absence de discrimination. Les étudiant·e·s qui refusent d’abandonner leurs études et de quitter le pays ou qui sont arrêtés par des agents des services d’immigration risquent d’être placés dans le système de détention des services de l’immigration des États-Unis, dont Amnistie Internationale a précédemment constaté qu’il ne respectait pas les normes internationales.