23 DISPARITIONS, LES RECHERCHES AU POINT MORT
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CONTEXTE
On ignore toujours ce qu’il est advenu de 23 hommes disparus à la suite d’opérations militaires au cours de l’année 2024 dans les provinces de Los Rios, d’Esmeraldas et de Guayas, d’après les dernières recherches menées par une ONG locale. Selon des familles et des témoins, des membres de l’armée seraient responsables de ces actes et des informations dénoncent le fait que les recherches sont au point mort. Nous demandons au bureau du procureur général de rechercher sans plus attendre les victimes et d’enquêter sur ces événements en tant que possibles cas de disparitions forcées.
La violence en Équateur a considérablement augmenté ces dernières années, dans le contexte d’une flambée des affrontements entre des bandes criminelles organisées se disputant le contrôle de territoires, et entre ces bandes et les forces de sécurité. La région côtière du pays est particulièrement touchée. En réponse à ce fléau, les autorités équatoriennes se sont appuyées encore davantage sur les forces armées sans assurer une supervision civile suffisante.
Amnistie Internationale s’inquiète des allégations de possibles violations des droits humains et crimes relevant du droit international en lien avec les déclarations d’état d’urgence (Décret n° 110 du 8 janvier 2024) et de conflit armé interne (Décret n° 111 du 9 janvier 2024) qui ont fait suite à la flambée de violence en Équateur. Ces décrets initiaux ont été prolongés dans plusieurs provinces de la région côtière du pays. Ces mesures, qui s’inscrivent dans le cadre de la politique du président Daniel Noboa en matière de sécurité, ou « plan Phénix », ont permis dans les faits le déploiement généralisé et continu de l’armée dans les rues pour mener des missions de sécurité publique, depuis plus d'un an.
Dans ce contexte, les organisations de la société civile dénoncent la multiplication des violations des droits humains et des crimes de droit international, notamment de possibles actes de torture, exécutions extrajudiciaires et disparitions forcées, semble-t-il commis par des membres des forces armées.
Le 8 décembre 2024, quatre enfants ont été portés disparus après une opération militaire menée à Guayaquil, dans la province de Guayas. Ils ont été retrouvés morts le 24 décembre et leurs corps présentaient des signes de torture. Le bureau du procureur a inculpé 16 membres des forces armées de disparition forcée le 31 décembre 2024. Cette affaire a eu un fort retentissement dans les médias et a été condamnée par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et l’UNICEF.
À la suite de ces événements, les familles de 23 personnes disparues ont contacté CDH Guayaquil, l’ONG qui défend le dossier des quatre enfants, afin de solliciter un accompagnement, selon l’organisation. Au total, l’ONG prend aujourd’hui en charge 27 cas de disparitions. Dans un rapport recensant ces cas, CDH Guayaquil a identifié une pratique de disparitions perpétrées au cours d’opérations militaires et notait que le bureau du procureur général n’avait pas mené d’enquête véritable sur ces faits en tant que possibles disparitions forcées, mais les avait classées en tant que « disparitions involontaires ». Ceci en dépit des obligations inscrites dans la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, à laquelle l’Équateur est partie. Dans le même rapport, CDH Guayaquil dénonçait l’absence d’opérations de recherche menées par l’État pour retrouver les victimes. Le Comité des disparitions forcées de l’ONU a publié des actions urgentes pour plusieurs de ces cas, réclamant la tenue de recherches et des mesures de protection pour les familles des victimes.
Selon les articles 12 et 24 (2) de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, l’obligation de rechercher et de localiser les victimes de disparitions forcées découle de la reconnaissance inscrite dans la Convention du droit de savoir la vérité. En outre, les principes directeurs de l’ONU pour la recherche des personnes disparues établissent que la recherche est une obligation continue qui doit commencer sans délai, être régie par des protocoles publics, menée en présumant que les personnes sont en vie et coordonnée entre les différentes institutions étatiques concernées.
LETTRE À ENVOYER
Madame la Procureure générale,
Je suis vivement préoccupé·e par la disparition d’au moins 23 hommes dans les provinces de Los Rios, Guayas et Esmeraldas, dans la région côtière de l’Équateur, situation dénoncée par des familles des personnes disparues et confirmée par les documents de l’ONG locale CDH Guayaquil (Comité permanent pour la défense des droits humains). D’après leurs familles, les victimes ont été vues pour la dernière fois après des opérations militaires menées au cours de l’année 2024 dans le cadre de la politique sécuritaire du président Daniel Noboa baptisée « plan Phénix ». Dans tous ces cas de disparitions, des proches et des témoins ont désigné des membres des forces armées comme les responsables présumés.
Les victimes sont : Bruno Rodríguez, Fardi Muñoz, Cirilo Minota, Oswaldo Morales, Neivi Quiñonez, Ariel Cheme, Jordy Morales, Dave Robin Loor Roca, Juan Santillan, Jairo Tapia, Dalton Ruiz, Cristian Sandoya, Oscar Adrihan, Jonathan Adrihan, Jeampier Castañeda, Justin Valverde, Justin Alvarez, Fabricio Alvarado, Jason Franco, Miguel Morán, Kleiner Pisco, Carlos Pisco, et Jonathan Villon Velazco, selon CDH Guayaquil.
CDH Guayaquil condamne le fait que le bureau du procureur n’a pas examiné les allégations de disparitions forcées, une obligation que les autorités équatoriennes sont tenues de respecter au titre de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
Je demande au bureau du procureur d’entreprendre sans délai des recherches approfondies pour retrouver les disparus et d’enquêter sur ces agissements en tant que possibles cas de disparitions forcées, en vertu de l’article 84 du Code pénal équatorien et conformément au droit international et aux normes afférentes.
Veuillez agréer, Madame la Procureure générale, l’expression de ma haute considération.
APPELS À
Procureure générale de l’État – Diana Salazar Méndez
Fiscalía General del Estado
Juan León Mera N19-36 and Av. Patria,
Quito, Équateur
Courriel : salazarmd@fiscalia.gob.ec
COPIES À
Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel: melanie.joly@parl.gc.ca
Son Excellence M. Esteban Jabier CRESPO POLO
Ambassadeur
Ambassade de la République de l'Équateur
99 rue Bank, bureau 230
Ottawa, ON K1P 6B9
Tel: (613) 563-8206
Courriel : eecucanada@cancilleria.gob.ec