ÉGYPTE. DES MEMBRES DE LA MINORITÉ AHMADIE ONT ÉTÉ TORTURÉS
CONTEXTE
Plus d’une dizaine de membres de la religion ahmadie de la paix et de la lumière sont détenus arbitrairement depuis plus de sept mois, uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté de religion ou de croyance. Depuis leur arrestation en mars 2025, trois membres de cette minorité religieuse, Hussein Mohammed Al Tenawi, Omar Mahmoud Abdel Maguid et Hazem Saied Abdel Moatame, ont subi des actes de torture ou des mauvais traitements, et sont détenus dans des conditions déplorables à la prison du 10 de ramadan, selon des membres de leur famille. Ils sont inculpés d’« appartenance à un groupe établi en violation du droit et de la Constitution ». Les autorités égyptiennes doivent libérer immédiatement et sans condition tous les Ahmadi·e·s arbitrairement placés en détention, et cesser toute discrimination à l’encontre des membres de minorités religieuses qui n’épousent pas les convictions religieuses autorisées par l’État.
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Le 11 mars 2025, des policiers en civil ont arrêté Ahmed Mohammed Al Tenawi et son frère Hussein Mohammed Hassan Al Tenawi, deux demandeurs d'asile syriens enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), à leur domicile dans la Ville du 6 Octobre, dans le gouvernorat de Guizeh, sans présenter de mandat d’arrêt, selon un membre de la famille. Ahmed Mohammed Al Tenawi a été détenu au secret au premier poste de police de la Ville du 6 Octobre pendant 28 jours avant d’être illégalement expulsé vers la Syrie le 9 avril. Le 10 mars, les forces de sécurité ont arrêté Omar Mahmoud Abdel Maguid, lui aussi adepte de la communauté ahmadie, à la suite d'une violente descente à son domicile au Caire. Un membre de sa famille a déclaré que des policiers ont à nouveau perquisitionné la maison le même jour afin d’arrêter le beau-frère d'Omar Mahmoud Abdel Maguid, Hazem Saied Mohamed Abd El Moatamed, également membre de cette minorité religieuse, qui s'était enfui. Toutefois, il a été interpellé trois jours plus tard, le 13 mars, dans la 10e Ville de Ramadan, dans le gouvernorat de Sharqiya, selon sa famille.
Les forces de sécurité ont ensuite soumis Hussein Mohammed Al Tenawi, Omar Mahmoud Abdel Maguid et Hazem Saied Abdel Moatamed à une disparition forcée pour des durées allant de 29 à 34 jours avant de les présenter au parquet. Leurs proches ont porté plainte auprès du parquet le 25 mars, notamment afin d’obtenir des renseignements sur le lieu où ils se trouvaient, mais n’ont pas reçu de réponse. Les 10 et 13 avril 2025, les autorités ont conduit Omar Mahmoud Abdel Maguid, Hazem Saied Abdel Moatamed et Hussein Mohammed Al Tenawi devant le service du procureur général de la sûreté de l'État, où les procureurs les ont interrogés sans leur permettre de s’entretenir avec un avocat de leur choix. Le parquet a enquêté sur ces hommes et sur 10 autres membres de cette minorité religieuse pour « appartenance à un groupe établi en violation du droit et de la Constitution ».
L’état de santé de ces Ahmadis est préoccupant. Omar Mahmoud Abdel Maguid souffre d’hypertension et de maux de tête. Les problèmes médicaux prééxistants de Hussein Mohamed Al Tenawi se sont fortement dégradés à la suite de son arrestation. Avant son incarcération, il souffrait d'une lésion discale cervicale et d'une sinusite chronique, qui nécessitaient un traitement et une intervention chirurgicale. En outre, les trois détenus sont soumis à des conditions de détention extrêmement éprouvantes : il fait très froid dans leurs cellules, ce qui provoque de graves maladies respiratoires récurrentes. Ils ne bénéficient pas de soins médicaux adaptés, malgré la gravité de leurs problèmes de santé, qui requièrent des soins urgents. Enfin, ces trois hommes reçoivent une quantité de nourriture très insuffisante, à savoir quelques cuillères de riz et quelques morceaux de pain.
En Égypte, les minorités religieuses, notamment les chrétiens coptes, les musulmans chiites et les baha’is, sont constamment en butte à la discrimination dans la législation et dans la pratique. Des membres de minorités religieuses, des personnes athées ou n’embrassant pas les convictions religieuses autorisées par l’État sont fréquemment convoqués et interrogés par l’Agence de sécurité nationale. D’autres sont menacés ou harcelés, notamment par leur établissement d’enseignement et en ligne. Le courant de la religion ahmadie de la paix et de la lumière a été créé en 1993. Il suit les enseignements de l’imam Mahdi et considère l’imam Ahmed al Hassan comme son guide spirituel. La dernière vague de répression contre les Ahmadis a été déclenchée lorsque l'un d’entre eux a accroché une banderole faisant la publicité d’une chaîne de télévision ahmadie sur un pont piétonnier à Guizeh, début mars. Amnesty International a pu voir une photographie de la banderole accrochée au pont, sur laquelle figurait la fréquence de Zahra al Mahdi (« Le Mahdi est apparu »), une chaîne de télévision affiliée à la religion ahmadie, avec la photo de son dirigeant.
Le 8 mars 2025, les forces de sécurité ont arrêté l’homme qui avait accroché la banderole. Il a été libéré plus tard dans la journée sans inculpation, selon Imran Ali, l'évêque de la religion ahmadie en Égypte qui vit au Royaume-Uni, et un autre Ahmadi qui a été en contact avec cet homme après sa libération. Les forces de sécurité auraient identifié Hussein Mohammed Al Tenawi, Omar Mahmoud Abdel Maguid et Hazem Saied Abdel Moatamed après l’avoir arrêté et avoir fouillé son téléphone ; ils ont alors découvert un groupe Telegram dédié aux adeptes du groupe religieux en Égypte, dont les trois hommes étaient membres, selon leurs proches et Imran Ali.
Le 22 avril, Hussein Mohammed Al Tenawi a informé ses avocats que des agents de l’Agence de sécurité nationale l’avaient torturé pendant qu’il était détenu au siège de l’Agence. Selon Imran Ali, lors de faits distincts, au moins quatre autres membres de la minorité religieuse ont été arrêtés au cours du mois de mars. L’évêque installé au Royaume-Uni a déclaré que trois d'entre eux lui auraient envoyé un message pour lui dire qu'ils étaient sur le point d'être arrêtés. Depuis lors, il n’a reçu aucune nouvelle d’eux.
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LETTRE À ENVOYER
Monsieur le Procureur,
Je vous écris afin de vous faire part de ma vive inquiétude au sujet du maintien en détention arbitraire de plus d’une dizaine de membres de la religion ahmadie de la paix et de la lumière, détenus uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté de religion ou de croyance. En outre, je suis vivement préoccupé·e par les allégations selon lesquelles Hussein Mohammed Al Tenawi, Omar Mahmoud Abdel Maguid et Hazem Saied Abdel Moatamed ont subi des actes de torture ou des mauvais traitements en détention.
Des proches de deux de ces hommes ont déclaré à Amnesty International qu’entre le 10 mars et le 8 avril 2025, ces derniers avaient subi des actes de torture et des mauvais traitements dans les centres de détention de l’Agence de sécurité nationale, aux mains de ses agents. Omar Mahmoud Abdel Maguid a notamment reçu des décharges électriques sur les parties génitales et des coups de bâton sur tout le corps, ce qui lui a occasionné des lésions au niveau de deux vertèbres en bas de la colonne vertébrale. Depuis lors, il a du mal à se déplacer. Des agents de l’Agence de sécurité nationale ont soumis Hazem Saied Abdel Moatamed à des décharges électriques sur les organes génitaux et l’ont frappé avec un objet en fer, ce qui a entraîné la rupture d'un tendon de la main. Après son arrestation, l’état de santé de Hussein Mohammed Al Tenawi s’est encore détérioré, à tel point qu’il avait besoin de soins médicaux d’urgence.
Tous les membres de la minorité ahmadie placés en détention sont accusés d’« appartenance à un groupe établi en violation du droit et de la Constitution » par le bureau du procureur général de la sûreté de l'État, uniquement en lien avec leurs croyances religieuses. En outre, Hussein Mohamed Al Tenawi est inculpé d’avoir « fondé et dirigé un groupe établi en violation du droit et de la Constitution », également par le bureau du procureur général de la sûreté de l'État. Ils sont inculpés au titre de l’article 86 bis du Code pénal qui prévoit jusqu’à cinq ans d’emprisonnement ; Hussein Mohamed Al Tenawi encourt jusqu’à 15 ans de prison. Leurs avocats n'ont pas été autorisés à assister aux interrogatoires de l’enquête initiale. Bien qu’ils puissent désormais assister aux audiences de renouvellement en visio, les détenus ne peuvent toujours pas communiquer avec les avocats de leur choix, ni les consulter.
Je vous engage à relâcher immédiatement et sans condition Hussein Mohammed Al Tenawi, Omar Mahmoud Abdel Maguid, Hazem Saied Abdel Moatamed et tous les autres membres de la minorité religieuse ahmadie détenus de manière arbitraire au seul motif qu'ils ont exercé leur droit à la liberté de religion ou de conviction. Dans l’attente de leur libération, ils doivent être autorisés à voir régulièrement leurs avocats et à recevoir une nourriture suffisante et tous les soins médicaux nécessaires, y compris dans des hôpitaux extérieurs à la prison si besoin, et doivent être détenus dans des conditions conformes aux normes internationales relatives au traitement des prisonniers. Les disparitions forcées et les allégations de torture et d'autres mauvais traitements en détention doivent donner lieu sans délai à des enquêtes indépendantes et impartiales. Enfin, je vous demande de cesser de poursuivre les adeptes de la foi ahmadie au seul motif qu’ils pratiquent sans violence leur religion.
Veuillez agréer, Monsieur le Procureur, l’expression de ma haute considération.
APPELS À
Procureur Mohamed Shawky Ayyad
Office of the Public Prosecutor, Madinat al-Rehab
Cairo, Égypte
Fax : +202 2577 4716
X : @EgyptianPPO