• Algérie

UN LANCEUR D’ALERTE CONDAMNÉ À LA RÉCLUSION À PERPÉTUITÉ

CONTEXTE

Mohamed Benhlima, ancien officier militaire, lanceur d’alerte et militant anticorruption, renvoyé de force en Algérie par l’Espagne le 24 mars 2022, purge actuellement une peine de réclusion à perpétuité à la prison militaire de Blida, en relation avec son exercice des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Il a signalé au tribunal avoir subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements, notamment des violences sexuelles, une détention à l’isolement prolongée et des coups violents à au moins six reprises depuis mai 2022, la dernière fois le 8 décembre 2024, mais les autorités algériennes n’ont pas annoncé l’ouverture d’une enquête. Les autorités doivent annuler les déclarations de culpabilité et les peines prononcées contre lui, abandonner toutes les autres poursuites liées à l’exercice de ses droits fondamentaux et le libérer immédiatement.

PASSEZ À L’ACTION : ENVOYEZ UN APPEL EN UTILISANT VOS PROPRES MOTS OU EN VOUS INSPIRANT DU MODÈLE DE LETTRE CI-DESSOUS

Mohamed Benhlima a dénoncé des faits présumés de corruption au sein de l’armée algérienne sur sa chaîne YouTube et son profil Facebook entre 2019 et 2022. Il a également participé au mouvement algérien de protestation du Hirak, qui a débuté en février 2019. Puis, craignant d’être poursuivi, il s’est réfugié en Espagne en septembre 2019. Le 24 mars 2022, les autorités espagnoles l’ont renvoyé de force en Algérie, ce qui constitue une violation flagrante de leurs obligations en matière de « non-refoulement ». Depuis son retour, les autorités algériennes ont engagé des dizaines de procédures contre lui, devant des tribunaux civils et militaires. 

Le 24 mars 2022, les autorités espagnoles ont rendu une décision finale de refus d’asile et l’ont renvoyé de force vers l’Algérie quelques heures plus tard, sans jamais notifier ses avocats de l’avis d’expulsion. Ces décisions ont été prises en dépit de craintes qu’il ne soit victime de détention arbitraire et de torture ou d’autres mauvais traitements en Algérie, exprimées par ses avocats et plusieurs organisations de défense des droits humains, dont Amnistie Internationale, qui a également demandé aux autorités espagnoles de ne pas l’expulser. Les autorités espagnoles ont par ailleurs fait fi d’un avis du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés le 21 mars 2022, qui a conclu qu’il avait droit à une protection internationale et qu’il existait des raisons de croire que le risque de torture était « prévisible, personnel, présent et réel ».  

Mohamed Benhalima a été informé le 8 mai 2022 que le tribunal militaire de Blida à Alger l’avait condamné à mort par contumace en 2021 pour divulgation d’informations confidentielles relatives à la défense nationale à une entité étrangère, en vertu de l’article 63 paragraphe 2 du Code pénal, une infraction à la définition trop large. Après son retour forcé en Algérie, il a fait appel et a obtenu un nouveau procès. Le 30 avril 2024, le tribunal militaire de Blida l’a condamné à 10 ans de prison, peine confirmée par la Cour d’appel militaire de Blida le 23 janvier 2025. Dans une autre affaire, le 12 juillet 2023, le tribunal de première instance de Dar El Beïda à Alger l’a condamné à sept ans de prison pour plusieurs infractions, notamment « adhésion et participation à un groupe terroriste » (article 87 bis 3 du Code pénal), pour association présumée avec Rachad, et « atteinte à l’intégrité du territoire national », « incitation à un attroupement non armé », « outrage aux institutions publiques », et « publication de fausses nouvelles susceptibles de porter atteinte à la sécurité et à l’ordre publics », respectivement en vertu des articles 79, 100, 146 et 196 bis du Code pénal. Ces charges découlent de propos critiques qu’il a tenus en ligne sur des représentants du gouvernement et sur l’armée, ainsi que de sa participation aux manifestations du Hirak. Il a été condamné sur la base de ses « aveux » forcés, qu’il a ensuite rétractés devant le tribunal en affirmant qu’ils avaient été obtenus sous la torture. Il attend actuellement le jugement de son appel dans cette affaire. Dans une autre affaire, la Cour d’appel militaire de Blida a confirmé en appel  le 28 août 2024 la condamnation de Mohamed Benhlima à une peine de réclusion à perpétuité pour avoir divulgué des informations confidentielles à une entité étrangère (article 63 du Code pénal, paragraphe 1), sur la base de publications en ligne concernant la corruption de l’armée. Le militant a déposé un recours devant la Cour de cassation. Le 28 août 2024, la Cour d’appel militaire de Blida l’a également condamné à cinq ans de prison en appel pour désertion (articles 259 et 262 du Code de justice militaire) pour son départ vers l’Espagne.  

Le 8 décembre 2024, Mohamed Benhlima a déclaré devant le tribunal criminel de Dar El Beïda, à la Cour d’Alger : « [des agents militaires] m’ont torturé, harcelé et violé », en détention à la prison militaire de Blida en 2022. Mohamed Benhalima a formulé des allégations de torture devant un juge au moins six fois entre mai 2022 et décembre 2024, et a révélé à sa famille et à ses avocats des informations sur des actes de torture et d’autres mauvais traitements, notamment des violences sexuelles, auxquels il a été soumis à la fois à la prison militaire et au centre du renseignement de Shawla à Alger. Il a notamment été roué de coups et aspergé d’eau glacée après avoir été déshabillé. Après son retour forcé d’Espagne, les autorités ont soumis Mohamed Benhlima à une disparition forcée jusqu’à sa comparution devant le tribunal le 5 avril 2022. Les autorités l’ont maintenu à l’isolement entre avril et juin 2022, période pendant laquelle le militant a été autorisé à sortir de sa cellule une fois par jour pendant 10 minutes, sans contact avec d’autres prisonniers, et s’est vu refuser l’accès à des livres ou à d’autres supports de lecture. Les autorités algériennes n’ont jamais annoncé l’ouverture de la moindre enquête sur ses allégations, bien que sa famille ait officiellement demandé une enquête dans une lettre adressée aux autorités algériennes le 25 juin 2022, déposé une plainte auprès du procureur général d’Alger en septembre 2022 et de nouveau écrit au procureur général en 2023 et 2024. Les proches de Mohamed Benhlima ont dit craindre pour sa vie en décembre 2022, après qu’il leur a révélé qu’il envisageait de se suicider. Avant son retour forcé, le militant avait reçu un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique, de dépression sévère et d’anxiété. 

Les droits de Mohamed Benhlima à un procès équitable ont été bafoués, notamment son droit de ne pas témoigner contre soi-même et son droit à la présomption d’innocence. En mars 2022, il est apparu dans des vidéos diffusées par les services de radiodiffusion algériens, dans lesquelles il « avouait » avoir pris part à un complot contre l’État, fomenté par Rachad, le Maroc et Israël.  

Amnistie Internationale a appris de source informée que la famille et les avocats de Mohamed Benhlima ont fait l’objet d’actes d’intimidation. Le 28 août 2024, des agents militaires ont arrêté le frère de Mohamed Benhlima avant une visite en prison et l’ont privé de liberté pendant une journée, l’accusant d’avoir pris une photo de la prison militaire. 

LETTRE À ENVOYER


 

Monsieur le Président,

Je vous écris afin de vous faire part de mon inquiétude concernant la détention arbitraire et le harcèlement judiciaire dont Mohamed Benhlima, lanceur d’alerte, militant et ancien responsable militaire, continue à faire l’objet depuis son retour forcé d’Espagne en mars 2022. Ses affirmations selon lesquelles il a été soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements, notamment des violences sexuelles, lors de sa détention à la prison militaire de Blida en juillet 2022, n’ont pas fait l’objet d’une enquête malgré ses déclarations et doléances en ce sens devant la justice, le plus récemment devant le tribunal criminel d’appel près la cour d’Alger de Dar El Beïda le 8 décembre 2024.

Des tribunaux civils et militaires ont reconnu Mohamed Benhlima coupable dans au moins quatre affaires distinctes, sur la base d’accusations découlant uniquement de son exercice des droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association. Il a été condamné pour des activités pourtant protégées par le droit international relatif aux droits humains, notamment des publications en ligne dénonçant la corruption présumée au sein de l’armée algérienne et critiquant le gouvernement, son adhésion et son soutien au mouvement de protestation pro-démocratie du « Hirak » et des communications en ligne avec d’autres militants ainsi qu’avec des membres avérés ou présumés du groupe d’opposition politique Rachad -, qualifié de « terroriste » par les autorités algériennes sur la base d’un processus de désignation qui n’est pas conforme aux normes internationales en matière de droits humains. Le 23 janvier 2025, à l’issue d’un nouveau procès, la Cour d’appel militaire de Blida, à Alger, l’a condamné à une peine de 10 ans de prison après l’avoir déclaré coupable de divulgation à une entité étrangère d’informations confidentielles relatives à la défense nationale, infraction à la définition large. Il a initialement été reconnu coupable et condamné à mort par contumace en 2021 dans cette affaire. Dans deux affaires distinctes, la Cour d’appel militaire de Blida a confirmé le 28 août 2024 la condamnation de Mohamed Benhlima à la réclusion à perpétuité et à une autre peine d’emprisonnement de cinq ans, également pour des accusations liées à la désertion et à l’espionnage. Mohamed Benhlima attend l’issue de son appel dans une autre affaire dans laquelle il a été reconnu coupable et condamné à sept ans d’emprisonnement le 12 juillet 2023 pour de multiples chefs d’accusation, notamment « adhésion et participation à un groupe terroriste », « atteinte à l’intégrité du territoire national » et « incitation à un attroupement non armé », sur la base de déclarations arrachées sous la torture à titre de « preuves ». Il est visé par des dizaines d’autres enquêtes pénales liées à l’exercice de ses droits humains.

Mohamed Benhlima est incarcéré à la prison militaire de Blida, où les autorités pénitentiaires lui ont parfois refusé la visite de sa famille sans fournir de raison, ou ne l’ont autorisé à voir ses proches que pendant 10 minutes en présence de gardiens.

Je vous demande instamment de libérer Mohamed Benhlima, d’annuler ses déclarations de culpabilité et ses condamnations, et d’abandonner les charges retenues contre lui en raison de l’exercice de ses droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association. Dans l’attente de sa libération, je vous demande instamment de veiller à ce qu’il soit détenu dans des conditions conformes aux normes internationales en la matière et d’ouvrir immédiatement une enquête impartiale, efficace et indépendante sur ses plaintes pour torture et autres mauvais traitements. Enfin, je vous demande instamment de lui permettre de voir sa famille et ses avocats, et de vous abstenir de tout acte d’intimidation à leur égard.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.

APPELS À  

Président de la République algérienne
Abdelmadjid Tebboune
Présidence de la République
Place Mohammed Seddik Benyahiya, El Mouradia,
Alger 16000 Algérie Fax : +213 021691595
Courriel : President@el-mouradia.dz 

COPIES À  

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca  

Son Excellence M. Noureddine SIDI ABED
Ambassadeur
Ambassade de la République algérienne démocratique et populaire
500, rue Wilbrod
Ottawa, ON K1N 6N2
Tel: (613) 789-8505; -0282 Fax: (613) 789-1406
Courriel : info@embassyalgeria.ca