DES MILITANTS ET UN POÈTE ENCOURENT LA PEINE DE MORT
CONTEXTE
Le 30 novembre 2025, un nouveau procès s’ouvrira pour le militant et poète Mohamed Tadjadit et 12 autres militants, tous visés par des charges en relation avec la sécurité de l’État, passibles de lourdes peines de prison et de la peine de mort, sur la seule base de leur militantisme pacifique et de conversations privées en ligne en faveur de réformes politiques. Mohamed Tadjadit est détenu arbitrairement depuis janvier 2025, et soumis à des procédures arbitraires répétées depuis 2019. Dans un cas distinct, un tribunal d’Alger l’a condamné à cinq ans de prison le 11 novembre 2025 sur la base de charges infondées de terrorisme. Les autorités algériennes doivent le relâcher immédiatement et sans condition, ainsi que ses coaccusés.
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Le 20 janvier 2025, le tribunal de première instance de Rouiba, à Alger, a condamné le militant Mohamed Tadjadit, 31 ans, également connu sous le nom de « poète du Hirak », à cinq ans de prison et à une amende de 200 000 dinars algériens (environ 1 322 euros), à l’issue d’une procédure accélérée n’ayant pas accordé suffisamment de temps à la présentation d’une défense adéquate. Sa déclaration de culpabilité s’est appuyée sur des contenus qu’il a publiés sur Facebook et TikTok, notamment des poèmes, dans lesquels il critiquait les mesures politiques et socio-économiques du gouvernement algérien, et sur des conversations en ligne privées avec d’autres militants. Le 22 mai 2025, la Cour d’Alger a confirmé sa condamnation en appel mais a ramené sa condamnation de cinq ans à un an de prison. Dans un autre cas pour lequel il a passé neuf mois en détention provisoire arbitraire entre janvier et novembre 2024, Mohamed Tadjadit a aussi été jugé seul le 11 novembre 2025. Le tribunal de première instance de Dar El Beïda l’a condamné à cinq ans de prison et à une amende de 200 000 dinars algériens (environ 1 322 euros), ainsi qu’à 500 000 dinars (3 305 euros) de dommages et intérêts. Le parquet l’a accusé d’« apologie du terrorisme », d’« utilisation des technologies de l’information pour soutenir des entités terroristes », d’« incitation à un attroupement non armé » et d’« outrage à corps constitué », en vertu des Articles 87bis 4, 87bis 12, 100 et 146 du Code pénal, respectivement. Une date d’appel doit encore être fixée.
Dans un troisième cas pour lequel la première audience aura lieu le 30 novembre 2025, Mohamed Tadjadit et 12 autres militants – notamment les lanceurs d’alerte et anciens militaires Mohamed Benhlima et Mohamed Abdellah, ainsi que Malik Riahi, Noureddine Khimoud, Souheib Debbaghi, Ahmed Tarek Debbaghi, Mustapha Guira et Sofiane Rebai, militants du Hirak - sont accusés de « complot ayant pour but d’inciter les citoyens contre l’autorité de l’État et de porter atteinte à l’unité nationale », infraction passible de prison et de la peine de mort, en vertu des articles 77 para 1, 78 et 79 du Code pénal. Ils sont également accusés d’avoir « reçu des fonds dans le but de commettre des actes portant atteinte à la sécurité ou la stabilité de l’État et au fonctionnement normal des institutions de l’État, ou l’unité nationale, ou l’intégrité territoriale nationale, ou les intérêts fondamentaux de l’Algérie, ou la sécurité et l’ordre public, dans le cadre d’un plan prémédité à l’intérieur ou l’extérieur du pays », « publié des contenus nuisant à l’intérêt national » et « incité à un attroupement non armé », respectivement en vertu des Articles 95bis, 95bis 1, 96 et 100 du Code pénal, qui, pris ensemble, prévoient au moins 11 ans d’emprisonnement. Parmi les 12 coaccusés, deux se trouvent en détention provisoire et quatre sont déjà incarcérés pour d’autres affaires. Deux sont exilés à l’étranger. Les autres comparaissent libres.
Dans ces deux derniers cas, les charges découlent de propos tenus par les accusés sur les réseaux sociaux et de conversations privées en ligne, qui sont protégés par les droits à la liberté d’expression, et de leur action militante non violente en faveur de réformes politiques. Les dispositions légales invoquées, bien qu’elles prévoient de lourdes sanctions, manquent de clarté juridique et s'appuient surtout sur une définition trop large du « terrorisme » qui inclut le fait de « tenter de saisir le pouvoir ou de changer le système de gouvernance par des moyens contraires à la Constitution » et de « porter atteinte à l’unité nationale ». Parmi les publications en ligne utilisées afin d’étayer les accusations dans l’affaire de complot contre l’État, le parquet a fait référence à une vidéo partagée par Mohamed Tadjadit et quatre coaccusés - d’autres militants ayant révélé en avril 2021 le témoignage d’un mineur torturé en garde à vue. Les cinq militants ont déjà fait l’objet d’une condamnation arbitraire à 16 mois en prison dans cette affaire.
Depuis 2019, les autorités algériennes ont arrêté et poursuivi Mohamed Tadjadit dans au moins sept affaires distinctes, liées à son militantisme pacifique et à l’expression d’opinions dissidentes. Mohamed Tadjadit est actuellement détenu à la prison d’El Harrach à Alger. Depuis le début des manifestations du « Hirak » en 2019, qui demandaient de vastes réformes politiques, les autorités algériennes ont maintenu une répression implacable contre l’opposition pacifique, en arrêtant, détenant et condamnant des militant·e·s, des journalistes et des citoyen·ne·s ordinaires exprimant une opposition au gouvernement ou d’autres opinions critiques à l’égard du régime. L’utilisation de vagues charges liées au terrorisme afin de poursuivre des manifestant·e·s pacifiques et des critiques du régime est devenue un outil courant pour empêcher l’exercice des droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association. L’Algérie n’a procédé à aucune exécution depuis 1993. Elle a en revanche précédemment condamné des opposants à mort à l’issue de procès iniques, et n’a pas encore abrogé la peine capitale ni ratifié le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine de mort dans tous les cas et en toutes circonstances.
LETTRE À ENVOYER
Monsieur le Ministre,
Je vous écris afin de vous exhorter à veiller à la libération immédiate et inconditionnelle de Mohamed Tadjadit, militant et poète, et de ses 12 coaccusés. Ils sont poursuivis sur la base de charges uniquement liées à l’exercice pacifique de leur droit à la liberté d'expression et de réunion pacifique, qui devraient être abandonnées.
Dans une première affaire, le 11 novembre 2025, le tribunal de première instance de Dar El Beïda, à Alger, a déclaré Mohamed Tadjadit coupable de faits en lien avec le terrorisme, notamment d’« apologie du terrorisme » et d’« utilisation des technologies de l’information pour soutenir des entités terroristes », et l’a condamné à cinq ans de prison. Dans un second cas distinct, un autre procès s’ouvrira le 30 novembre 2025 contre lui et 12 autres militant·e·s. Dans cette deuxième affaire, un procureur a accusé Mohamed Tadjadit et 12 autres militant·e·s - notamment le lanceur d’alerte Mohamed Benhlima, déjà arbitrairement condamné à la réclusion à perpétuité dans un procès séparé - de « complot visant à inciter les citoyens contre l’autorité de l’État et à porter atteinte à l’unité nationale », et d’« avoir reçu des fonds destinés à mener des actions portant atteinte à la sécurité de l’État ». Ils encourent la peine de mort, ainsi que d’autres sanctions pénales.
Ces charges s’appuient sur des publications diffusées par ces militant·e·s sur les réseaux sociaux en relation avec les manifestations du Hirak et commentant publiquement la situation politique et socio-économique du pays, et sur des communications privées en ligne entre les accusés et avec d’autres militant·e·s, notamment concernant la participation des accusés à des manifestations pacifiques spontanées non autorisées. Des procureurs affirment que prendre part à ces actions non violentes réclamant des réformes politiques constitue un soutien au « terrorisme » et un « complot contre l’État », sans fournir le moindre élément de preuve attestant la commission d’un crime reconnu par le droit international.
Le 16 novembre, Mohamed Tadjadit a entamé une grève de la faim afin de protester contre sa détention arbitraire.
Je vous demande instamment de libérer immédiatement et sans condition Mohamed Tadjadit et ses coaccusés, d’abandonner toutes les charges retenues contre eux, et de cesser d’utiliser à mauvais escient le système de justice pénale afin de réprimer l’opposition non violente. Je vous exhorte aussi à garantir que Mohamed Tadjadit ait accès à un suivi médical adéquat et à des soins de santé.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma très haute considération.
APPELS À
Lotfi Boudjemaa, Ministre de la justice
Ministère de la Justice
8, Place Bir Hakem, El Biar 16003 Alger
Fax : (+213) 023.38.35.50 / 023.38.36.01 / 023.38.36.35