UNE AVOCATE EMPRISONNÉE INJUSTEMENT FAIT L'OBJET DE NOUVELLES ACCUSATIONS
CONTEXTE
Le 31 octobre 2023, l’avocate spécialisée dans les droits humains, Hoda Abdelmoniem, devait être libérée après avoir purgé sa peine inique de cinq ans de prison découlant uniquement de l'exercice de ses droits fondamentaux. Mais le service du procureur général de la sûreté de l’État a ordonné sa détention provisoire dans l’attente d’investigations sur des accusations infondées liées au terrorisme dans une autre affaire (n° 730 de 2020). Lors d’une rare visite à la prison du Dixième jour de ramadan, le 4 janvier, sa famille a appris que sa santé continue de se détériorer et qu’elle a développé une infection à l’oreille, affectant son équilibre et sa vue. Elle doit être libérée immédiatement et sans condition.
Le 1er novembre 2018 à 1 h 30 du matin, des membres de l’Agence de sécurité nationale ont fait irruption chez Hoda Abdelmoniem, au Caire, ont mis son domicile à sac puis l’ont emmenée avec eux après lui avoir bandé les yeux. Elle a été soumise à une disparition forcée pendant les trois semaines qui ont suivi son arrestation, puis a été emmenée dans les locaux du service du procureur général de la sûreté de l’État aux fins d’interrogatoire. On l’a ensuite ramenée vers un lieu de détention inconnu. Sa famille a pu la voir brièvement les 24 et 28 novembre 2018, dans les locaux du service du procureur général de la sûreté de l’État. Elle a de nouveau fait l’objet d’une disparition forcée entre le 2 décembre 2018 et le 14 janvier 2019, les autorités refusant de révéler à ses proches et à ses avocats le lieu où elle était détenue. Le jour où Hoda Abdelmoniem a été appréhendée, le 1er novembre 2018, les autorités égyptiennes ont lancé une série de descentes de police, arrêtant au moins 31 défenseur·e·s des droits humains et avocat·e·s spécialistes de ces droits (10 femmes et 21 hommes). La Coordination égyptienne pour les droits et les libertés (ECRF), qui recueille des informations sur les disparitions forcées et le recours à la peine de mort, et apporte une aide juridique aux victimes de violations des droits humains, a été particulièrement visée par ces mesures de répression. Dans une déclaration publiée le 1er novembre 2018 et annonçant la suspension de ses activités en faveur des droits humains, l’ECRF a indiqué que la situation en Égypte était incompatible avec la défense de ces droits et a réclamé l’intervention du Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
Le 30 novembre 2020, les proches de Hoda Abdelmoniem ont appris par des membres de la famille de codétenues qu’elle avait été emmenée à l’hôpital de la prison, puis transférée dans un hôpital externe, en raison de douleurs intenses. Ses proches n’ont pas été autorisés par les autorités pénitentiaires à consulter son dossier médical et ne connaissent donc pas la nature exacte de ses problèmes de santé, mais des familles d’autres détenues les ont informés qu’un de ses reins ne fonctionnait plus et que l’autre était déficient. Le 1er décembre 2020, le ministère de l’Intérieur a déclaré publiquement qu’elle avait bénéficié de soins médicaux et qu’elle n’avait pas de problème de santé grave. Le 11 octobre 2021, lors d’une audience au tribunal, elle a dit aux juges que le médecin de la prison avait estimé qu’elle avait besoin d’un cathétérisme cardiaque et avait demandé sa libération pour raisons médicales.
Le 23 août 2021, le service du procureur général de la sûreté de l’État l’a renvoyée ainsi qu’Ezzat Ghoniem, défenseur des droits humains et fondateur de l’ECRF, Aisha al Shater, fille de Shairat al Shater, dirigeant des Frères musulmans, l’avocat Mohamed Abu Horira et 27 autres personnes devant une cour de sûreté de l’État. Il les a inculpés de divers chefs d’accusation, notamment d’appartenance à une organisation terroriste (les Frères musulmans), de diffusion de fausses informations sur les atteintes aux droits humains imputables aux forces de sécurité via une page Facebook intitulée Coordination égyptienne pour les droits et les libertés, de financement d’une organisation terroriste et de possession de tracts promouvant les objectifs d’une organisation terroriste. Le 5 mars 2023, une cour de sûreté de l’État a déclaré 30 de ces personnes coupables et les a condamnées à des peines allant de cinq ans d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité ; l’un des prévenus a été acquitté. Les juges ont également décidé que les noms des 30 condamnés devaient être inscrits sur « la liste des terroristes », ce qui entraîne le gel de leurs avoirs et l’interdiction de voyager ainsi qu’une période de cinq ans de mise à l’épreuve sous surveillance de la police à leur sortie de prison. Hoda Abdelmoniem a été condamnée à cinq ans de prison pour avoir rejoint, financé et soutenu une « organisation terroriste » et d’autres accusations infondées découlant de son travail en faveur des droits humains. Le tribunal a également décidé de l’inscrire sur la « liste des terroristes », ce qui entraîne le gel de ses avoirs et l’interdiction de voyager ainsi qu’une période de cinq ans de mise à l'épreuve sous surveillance de la police à sa sortie de prison. Hoda Abdelmoniem, ainsi que les 30 autres accusés, ont été privés du droit à une défense adéquate, du droit de ne pas témoigner contre soi-même et du droit à un véritable examen par une juridiction supérieure de leur déclaration de culpabilité. Les jugements prononcés par les cours de sûreté de l’État ne sont pas susceptibles d’appel. Seul le président égyptien est habilité à confirmer, annuler ou commuer les peines prononcées, ou à ordonner la tenue d’un nouveau procès.
Le 8 juin 2023, les proches de Hoda Abdelmoniem ont appris qu’elle avait été transférée de la prison pour femmes d’al Qanater à la prison du Dixième jour de ramadan. Ils ont pu lui rendre visite pour la première fois depuis août 2022. Au cours de cette visite, elle leur a indiqué que les autorités de la prison pour femmes d’al Qanater avaient saisi tous ses biens, y compris ses médicaments et un poste de radio, avant son transfert. Sans sa radio, elle n’a plus accès aux informations depuis sa nouvelle prison.
Le 25 octobre 2021, le président Abdel Fattah al Sissi a annoncé qu’il ne prolongerait pas l’état d’urgence, en vigueur depuis 2017, qui avait permis la création des cours de sûreté de l'État. L’article 19 de la Loi relative à l’état d’urgence dispose que les procès engagés au titre de cette loi devront suivre leur cours même après la levée de ce régime d’exception. Parmi les violations du droit à un procès équitable recensées figurent des atteintes au droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, au droit de communiquer avec l’avocat de son choix et au droit à une audience publique. Par ailleurs, les juges de ces juridictions rejettent régulièrement les requêtes formées par les avocats de la défense en vue d’obtenir une copie des dossiers, qui dans certains cas font plus de 2 000 pages, et leur donnent pour instruction d’examiner ces dossiers au tribunal.
Hoda Abdelmoniem a travaillé comme consultante bénévole pour l’ECRF et recueillait des informations sur des violations des droits humains, y compris des cas de disparitions forcées. Elle a été membre du Conseil national des droits humains et du Barreau égyptien. Le 27 novembre 2020, le Conseil des barreaux européens a décerné son Prix des droits humains 2020 à Hoda Abdelmoniem et à six autres avocat·e·s détenus en Égypte.
LETTRE À ENVOYER
Monsieur le Président,
Hoda Abdelmoniem, 64 ans, avocate spécialiste des droits humains, est détenue arbitrairement depuis plus de cinq ans, uniquement en raison de ses activités de défense des droits humains. Le 31 octobre 2023, Hoda Abdelmoniem, arrêtée le 1er novembre 2018, devait être libérée après avoir purgé une peine de prison inique de cinq ans prononcée par une cour de sûreté de l'État, qui l’a déclarée coupable de terrorisme et d’autres fausses accusations à l’issue d’un procès manifestement inique en mars 2023. Mais ce jour-là, le 31 octobre, elle a été présentée au service du procureur général de la sûreté de l’État (SSSP), qui l’a interrogée en lien avec l’affaire distincte n° 730 de 2020 et a ordonné son placement en détention provisoire pendant 15 jours, dans l’attente d'investigations sur de fausses accusations liées au terrorisme. Cette pratique abusive est fréquemment désignée sous le terme de « rotation » : des personnes détenues pour des raisons politiques sont accusées de faits similaires liés au terrorisme dans le cadre de nouvelles poursuites, afin de les maintenir en détention indéfiniment, même lorsque les procureurs ou les juges ordonnent leur libération, ou après qu’ils ont purgé leur peine. Le 9 janvier 2024, sa détention provisoire a été renouvelée pour 15 jours.
Le 4 janvier, sa famille lui a rendu visite à la prison du Dixième jour de ramadan et a appris qu’on lui avait diagnostiqué une infection à l’oreille, affectant son équilibre et sa vue. C’était la première fois que les autorités lui permettaient la visite de sa famille depuis le 8 juin 2023. L’état de santé de Hoda Abdelmoniem ne cesse de se dégrader au fil de sa détention. Elle a développé une inflammation des nerfs (neuropathie périphérique) qui lui cause de vives douleurs, des engourdissements et une sensation de décharges électriques dans différentes parties du corps. Elle souffre de multiples autres affections, notamment des troubles cardiaques, une insuffisance rénale, une thrombose artérielle et de l’hypertension. Bien qu’elle ait dit à sa famille que son accès à des soins de santé en prison s’était amélioré depuis son transfert de la prison d’Al Qanater à celle du Dixième jour de ramadan en juin 2023, les autorités pénitentiaires n’autorisent toujours pas ses proches à accéder à son dossier médical, ce qui leur aurait permis de consulter des professionnels de santé indépendants. Enfin, elles continuent de refuser de la transférer dans un hôpital externe pour recevoir des soins spécialisés.
En conséquence, je vous exhorte à faire le nécessaire pour que Hoda Abdelmoniem soit libérée immédiatement et sans condition, et que toutes les charges retenues contre elle soient abandonnées, car elle est détenue et poursuivie uniquement parce qu’elle a exercé ses droits fondamentaux. Dans l’attente de sa libération, je vous demande de veiller à ce que Hoda Abdelmoniem puisse communiquer régulièrement avec sa famille et ses avocats et avoir accès aux soins médicaux dont elle a besoin, y compris en dehors de la prison si nécessaire.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.
APPELS À
Président Abdel Fattah al Sissi
Office of the President, Al Ittihadia Palace
Cairo, Égypte Fax : +202 2391 1441
Courriel : p.spokesman@op.gov.eg Twitter : @AlsisiOfficial
COPIES À
Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel: melanie.joly@parl.gc.ca
Son Excellence M. Ahmed Abdallah Ibrahim HAFEZ
Ambassadeur
Ambassade de la République arabe d'Égypte
454, avenue Laurier Est
Ottawa, ON K1N 6R3
Canada
Tel: (613) 234-4931, 4935 Fax: (613) 234-9347/234-4398
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