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Empêchons la répression des manifestations en Argentine !

CONTEXTE

Lors d’une violente opération policière au cours de manifestations le 12 juin, 33 personnes ont été arrêtées arbitrairement et inculpées de diverses infractions, notamment d’attaques contre l’ordre constitutionnel et la vie démocratique. Nous demandons au parquet d’abandonner immédiatement les poursuites engagées contre elles.

PASSEZ À L’ACTION : ENVOYEZ UN APPEL EN UTILISANT VOS PROPRES MOTS OU EN VOUS INSPIRANT DU MODÈLE DE LETTRE CI-CONTRE

Depuis l’entrée en fonction du nouveau gouvernement en décembre 2023, des manifestations de grande ampleur contre les coupes budgétaires et l’affaiblissement des droits humains ont éclaté en Argentine. Dans ce contexte, des dispositions réglementaires très inquiétantes rendant les manifestant·e·s passibles de poursuites et autorisant le recours illégal à la force contre eux ont été mises en place. Parallèlement, plusieurs manifestations ont été réprimées violemment par la police qui a fait un usage injustifié et excessif de la force.

En outre, les autorités prônent ouvertement la répression et découragent l’exercice du droit de manifester en renforçant l’idée que la participation à des manifestations devrait être réprimée pénalement. Le 12 juin 2024, alors que le Sénat argentin examinait le projet de « Loi de base » (Ley de Bases), des organisations sociales, politiques et syndicales se sont rassemblées près du Congrès national pour protester contre ce texte, exerçant leur droit de manifester.

La réponse de l’État à cette grande manifestation découle de l’application récente du « Protocole pour le maintien de l’ordre public en cas de barrages routiers » mis en place par le ministère de la Sécurité de la Nation et rendu public le 12 décembre 2023. La police fédérale, la préfecture navale, la gendarmerie nationale et la police municipale de Buenos Aires ont participé à cette opération. Elle a été marquée par l’utilisation illégale d’armes « à létalité réduite » (substances chimiques irritantes, matraques à poignée latérale, balles en caoutchouc et canon à eau, qui ont blessé inutilement des manifestant·e·s), des arrestations arbitraires et des agressions à l’encontre de professionnel·le·s de la presse. Des camions lanceurs d’eau et des agents motorisés ou à pied étaient également présents en grand nombre pour boucler les environs du Congrès national. Des policiers en civil et des membres de la préfecture navale portant des armes à feu ont été observés dans le quartier.

Trente-trois personnes ont été arrêtées arbitrairement, selon leurs avocat·e·s et des organisations de la société civile. Amnistie Internationale a recueilli des informations sur les cas de Santiago Adano, Camila Juárez Oliva et Juan Ignacio Spinetto. Santiago Adano est un musicien de 38 ans, Camila Juárez Oliva une étudiante de 33 ans et Juan Ignacio Spinetto un avocat et enseignant de 44 ans. Tous trois ont été arrêtés et inculpés d’une dizaine de chefs d’accusation, notamment d’attaques contre l’ordre constitutionnel et la vie démocratique. Santiago et Camila n’ont même pas eu l’occasion de participer aux manifestations ; lui sortait du métro quand il a été arrêté, et elle a été appréhendée à 10 pâtés de maisons du rassemblement. Juan a été arrêté à San Telmo, à plus de trois kilomètres de la manifestation, alors qu’il rentrait chez lui pour fuir la répression.  

Santiago a été relâché vendredi 14 juin, mais les poursuites engagées à son encontre sont maintenues. Camila et Juan ont été maintenus en détention avec 14 autres personnes dont la libération a été refusée sans justification suffisante jusqu’au 18 juin. Cinq personnes demeurent détenues.

Tous ont été inculpés d’intimidation publique (article 211 du Code pénal), d’incitation à la violence collective (article 212), d’attaques contre les autorités publiques et l’ordre constitutionnel (article 226), de résistance et de tentative de résistance à l’autorité (articles 237 et 239) et de troubles à l’ordre public au cours de séances d’organes législatifs (article 241), entre autres charges. Le ministre de la Sécurité de la Nation et le président de la République ont affirmé publiquement que la manifestation était une forme de coup d’État et que les personnes placées en détention étaient des « terroristes ». Les poursuites engagées contre ces 33 personnes sont toujours en cours.

LETTRE À ENVOYER

Monsieur le Procureur,

Je souhaite vous faire part de ma profonde inquiétude concernant les poursuites engagées contre 33 personnes qui ont manifesté pacifiquement contre la « Loi de Base » (Ley de Bases) le 12 juin à Buenos Aires. Parmi les personnes arrêtées figurent des étudiant·e·s, des marchand·e·s des rues et des défenseur·e·s des droits humains. 

Les éléments disponibles dans des sources publiques révèlent que des armes « à létalité réduite » ont été employées illégalement par la police, notamment des substances chimiques irritantes et des balles en caoutchouc, si bien que beaucoup de gens ont été blessés et ont eu besoin de soins médicaux. Amnesty International a également recueilli des informations sur les cas de Santiago Adano, Juan Ignacio Spinetto et Camila Juárez Oliva, qui ont été placés en détention après ou même avant leur participation à ces manifestations, ce qui constituerait une détention arbitraire. Bien que 28 de ces personnes aient été remises en liberté, ma préoccupation persiste quant aux poursuites maintenues contre l’ensemble du groupe.

Les actions violentes de certain·e·s manifestant·e·s ne privent pas les autres de leur droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’expression. Je vous rappelle respectueusement votre obligation d’instruire vos procédures dans le respect du droit international relatif aux droits humains et des normes connexes, afin d’éviter toute utilisation illégale du code pénal pour réprimer la contestation.

Je crains par ailleurs l’effet paralysant que ces cas peuvent avoir sur la liberté d’expression de la société argentine, dans un contexte où des personnes émettant des critiques et des opinions divergentes ont été attaquées publiquement par les plus hautes autorités du pays.

Compte tenu des obligations internationales et nationales de l’État argentin qui lui imposent de respecter, de protéger et de garantir la liberté d’expression et le droit de réunion pacifique pour toutes les personnes, je vous demande d’abandonner immédiatement toutes les charges retenues contre les 33 personnes arrêtées pour avoir manifesté ou tenté de manifester pacifiquement le 12 juin et de libérer sans délai celles qui sont maintenues en détention.

Veuillez agréer, Monsieur le Procureur, l’expression de ma haute considération.

APPELS À  

​Procureur en charge du Parquet national fédéral pénal et correctionnel n° 4, Carlos Stornelli
Courriel : fiscrf4-nac@mpf.gov.ar

COPIES À  

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca  

Son Excellence Mme Maria Josefina MARTINEZ GRAMUGLIA
Ambassadrice
Ambassade de la République argentine
81, rue Metcalfe, 7e étage
Ottawa, ON K1P 6K7
CanadaTel: (613) 236-2351 Fax: (613) 235-2659
Email: ecana@cancilleria.gov.ar
M. Diego Martin HOFMAN