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IL FAUT LEVER L’INTERDICTION DES MANIFESTATIONS SUR LA PLACE GALATASARAY

CONTEXTE

Les Mères du samedi et les personnes qui les soutiennent, à savoir des proches de victimes de disparition forcée et d’autres défenseur·e·s des droits humains, ne peuvent pas exercer leur droit à la liberté de réunion pacifique chaque samedi sur la place Galatasaray, à Istanbul, laquelle revêt une importance symbolique pour ce groupe. Ces dernières semaines, la police antiémeute a une fois encore eu recours à une force injustifiée lors de l’arrestation de ces défenseur·e·s des droits humains et a élargi le périmètre de sécurité, empêchant ainsi les journalistes et les organisations de la société civile de jouer le rôle d’observateurs indépendants.

Depuis 28 ans, les Mères du samedi et les personnes qui les soutiennent réclament sans relâche vérité et justice pour leurs proches victimes de disparition forcée aux mains de la police dans les années 1980 et 1990. Elles ont commencé à tenir une veillée pacifique hebdomadaire sur la place Galatasaray, dans le centre d’Istanbul, en mai 1995, afin de demander que les autorités rendent des comptes sur le sort réservé à leurs proches. Bien qu’ayant été arrêtées et détenues arbitrairement chaque semaine, elles ont continué à se réunir sur la place jusqu’en mars 1999 ; elles ont alors été confrontées à une violente répression policière dont le but était d’empêcher le déroulement de leurs manifestations pacifiques. Voyant que la quête de vérité et de justice pour leurs proches disparus ne progressait pas, les membres du groupe sont retournés sur la place Galatasaray en janvier 2009, après une interruption de 10 ans.

Maintes fois, les Mères du samedi se sont heurtées à une répression brutale et ont fait l’objet de poursuites pour avoir pris part à des veillées pacifiques. Les autorités turques n’ont jamais fourni de justification valable pour piétiner ainsi de manière illégale le droit d’exercer la liberté d’expression et de réunion. En août 2018, la police antiémeute a utilisé du gaz lacrymogène et des canons à eau et a eu recours à une force excessive pour disperser les centaines de personnes qui s’étaient réunies pacifiquement à l’occasion de la 700e veillée hebdomadaire. Elle a justifié son intervention par le fait que le gouverneur du district de Beyoğlu avait interdit la manifestation au motif que la place n’était pas un lieu consacré aux rassemblements et qu’il n’avait pas été informé de celui-ci. Quarante-sept personnes ont été arrêtées avec une force excessive. Quarante-six d’entre elles ont été inculpées en 2021 et demeurent mises en cause pour « refus de se disperser en dépit des avertissements ». La procédure est en cours.

Depuis août 2018, des policiers antiémeute armés sont postés en permanence sur la place Galatasaray, bloquant tous les accès et empêchant les manifestant·e·s pacifiques de se rassembler. Chaque semaine, ils disent aux Mères du samedi et aux personnes que l’interdiction émanant du gouvernorat du district est toujours en vigueur et que le rassemblement n’est « pas autorisé », ce qui va à l’encontre des deux décisions rendues par la Cour constitutionnelle en novembre 2022 et mars 2023.

LETTRE À ENVOYER

Monsieur le Ministre,

Je vous écris pour vous appeler à faire en sorte que les Mères du samedi et leurs soutiens qui sont privés de leur droit à la liberté de réunion pacifique sur la place Galatasaray, à Istanbul, depuis août 2018 puissent tenir leur veillée hebdomadaire sans que la police ait recours à une force excessive et sans craindre d’être arrêtés ni détenus.

Depuis le 8 avril 2023, les Mères du samedi et les personnes qui les soutiennent tentent chaque samedi de retourner sur la place Galatasaray, comme les y autorisent deux décisions rendues par la Cour constitutionnelle, en novembre 2022 et mars 2023. Celle-ci a en effet statué que le droit à la liberté de réunion pacifique des deux requérantes, Maside Ocak et Gülseren Yoleri, avait été bafoué et que le gouvernorat du district de Beyoğlu devait être informé de façon à prévenir de nouvelles violations. Malgré cela, des barrages de police empêchent d’accéder à la place, chaque samedi, et celles et ceux qui souhaitent tenir leur brève veillée pacifique sont arrêtés par la police avant même d’atteindre la place ; les journalistes et les organisations de la société civile sont tenus à l’écart et ne peuvent pas observer l’intervention de la police.

Régulièrement, la police a recours à une force excessive et arbitraire pour disperser des manifestant·e·s pacifiques, dans le but évident d’infliger une douleur et une punition aux participant·e·s. Plus récemment, le samedi 14 octobre, elle a arrêté Besna et Ali Tosun, les entravant dans le dos au moyen de câbles. Ces deux personnes ont été remises en liberté par la suite. Des observateurs et observatrices issus d’organisations de la société civile ont signalé des cas similaires de recours injustifié à la force s’apparentant à des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements et des avocat·e·s ont déposé des plaintes au pénal qui, à ce jour, n’ont pas fait l’objet d’une véritable enquête.

Les arrestations et détentions arbitraires à répétition, chaque semaine, des Mères du samedi et des personnes qui les soutiennent sont une nouvelle violation des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique aux termes de la Constitution turque, tel qu’établi dans les décisions rendues en faveur de Maside Ocak (n° 2019/21721) et de Gülseren Yoleri (n° 2020/7092), ainsi que des articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auxquels la Turquie est partie. Ces arrestations et détentions arbitraires constituent aussi une violation du droit à la liberté et à la sécurité de la personne, protégé par l’article 9 du PIDCP.

Je vous prie instamment de faire usage de votre autorité pour que la police permette aux Mères du samedi, aux personnes qui les soutiennent et aux autres manifestant·e·s pacifiques de se réunir sur la place Galatasaray. Il faut que la police protège les manifestant·e·s pacifiques de sorte qu’ils puissent exercer leur droit à la liberté de réunion pacifique sans craindre d’être victimes de recours excessif à la force, ni d’arrestation ou de détention arbitraire. Je vous demande aussi d’ordonner au gouverneur de Beyoğlu de lever l’interdiction et de s’abstenir d’imposer de nouvelles interdictions concernant les rassemblements sur la place Galatasaray, conformément aux décisions susmentionnées de la Cour constitutionnelle.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.

APPELS À

Ministre de l’Intérieur
Ali Yerlikaya
T.C. İçişleri Bakanlığı, Bakanlıklar
Ankara, Turquie Courriel : ozelkalem@icisleri.gov.tr

COPIES À

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca 

Son Excellence Mme Esra DEMIR
Ambassadeur
Ambassade de la République de Türkiye
197 Wurtemburg Street
Ottawa, ON K1N 8L9
Canada
Tel: (613) 244-2470 Fax: (613) 789-3442
Email: embassy.ottawa@mfa.gov.tr
M. Cengiz Ilhami DEMIR