IL FAUT LIBÉRER UN JOURNALISTE EMPRISONNÉ POUR UN RAPPORT D’ENQUÊTE

CONTEXTE
Le 17 août, des membres des forces de sécurité en civil ont arrêté Mohamed Ibrahim Osman Bulbul, journaliste de Kaab TV et employé du Syndicat des journalistes somaliens (SJS), une organisation locale de défense des médias. Son arrestation a eu lieu le lendemain de la publication d’un article sur le détournement présumé de fonds de l’Union européenne destinés à former des agents de la police somalienne. Le 25 septembre, il a été inculpé d’« outrage à la nation ou à l’État » et de « diffusion d’informations fausses et tendancieuses ». Le 28 septembre, il a été transféré à la prison centrale de Mogadiscio, où il est toujours détenu. Les autorités somaliennes doivent libérer Mohamed Ibrahim Osman Bulbul immédiatement et sans condition et abandonner toutes les charges pesant sur lui.
Mohamed Ibrahim Osman Bulbul exerce ses activités en Somalie, un pays ravagé par les conflits depuis plus de 30 ans. Les opérations militaires menées contre Al Shabab par le gouvernement somalien et les troupes étrangères, dont la Mission de transition de l’Union Africaine en Somalie (ATMIS) et l’armée américaine, continuent de faire de nombreuses victimes parmi la population civile. Toutes les parties au conflit continuent de bafouer le droit international humanitaire et relatif aux droits humains. Des civil·e·s sont tués de manière aveugle par les forces somaliennes et leurs alliés lors d’affrontements avec Al Shabab, ainsi que lors d’échanges de tirs dans le cadre de violences entre clans qui perdurent dans certaines régions du pays.
Au fil des ans, le droit à la liberté d’expression est sévèrement réprimé en Somalie. Des journalistes et des professionnel·le·s des médias ont été frappés, harcelés, intimidés, menacés et soumis à la détention arbitraire, notamment par la police, l’armée et d’autres représentant·e·s du gouvernement. Les autorités limitent toujours l’accès à l’information et bâillonnent la liberté de la presse. Elles font également des descentes dans les médias et les ferment temporairement afin d’empêcher ou de décourager la couverture des événements d’actualité et à titre de représailles pour les reportages critiques. Au cours des cinq dernières années, plus de 12 journalistes ont été tués. Les auteurs de ces atteintes aux droits humains ont rarement à répondre de leurs actes.
Le gouvernement actuel continue de restreindre la liberté de la presse. En décembre 2022, il a publié une directive demandant aux médias locaux de soumettre à approbation tous les contenus avant de les diffuser. Le 8 octobre 2022, le ministère de l’Information somalien a émis une directive interdisant la « diffusion de messages relevant d’une idéologie extrémiste par le biais des médias traditionnels et des réseaux sociaux ».
LETTRE À ENVOYER
Monsieur le Procureur général,
Le 17 août, des membres des forces de sécurité en civil ont arrêté Mohamed Ibrahim Osman Bulbul, journaliste de Kaab TV et secrétaire chargé de l’information et des droits humains au sein du Syndicat des journalistes somaliens (SJS), une organisation locale de défense des médias. Son arrestation a eu lieu le lendemain de la publication d’un article sur le détournement présumé de fonds de l’Union européenne destinés à former des agents de la police somalienne.
Le 19 août, il a comparu devant le tribunal régional de Banadir, où un juge a fait droit à la requête de la police de le maintenir en détention pendant sept jours dans l’attente d’un complément d’enquête. Durant sa détention, les agents du Département des enquêtes criminelles ont saisi et fouillé ses deux téléphones dans le but d’accéder aux sources de son article. Le 25 septembre, il a été présenté devant le tribunal régional de Banadir et inculpé au titre du Code pénal somalien, trop vague et obsolète, des infractions d’« outrage à la nation ou à l’État » et de « diffusion d’informations fausses et tendancieuses ». Durant l’audience, le juge a retenu les objections préliminaires soulevées par ses avocats, qui ont fait valoir que le travail journalistique ne peut être criminalisé et que Mohamed Ibrahim Osman Bulbul ne peut être accusé d’infractions en vertu du Code pénal ; il a en revanche demandé au procureur de l’accuser d’infractions à la loi sur les médias. Mohamed Ibrahim Osman Bulbul a été transféré à la prison centrale de Mogadiscio le 28 septembre, où il demeure détenu.
Les poursuites engagées contre Mohamed Ibrahim Osman Bulbul découlent de son travail de journaliste. Ces poursuites dont il fait l’objet au motif qu’il fait son travail constituent une violation flagrante de son droit à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, que garantissent des instruments régionaux et internationaux de défense des droits humains, auxquels la Somalie est partie. Placer en détention un journaliste comme Mohamed Ibrahim Osman Bulbul, qui s’efforce d’amener le gouvernement à rendre des comptes, à la fois par ses articles et son travail de plaidoyer, envoie un signal inquiétant aux journalistes, aux militant·e·s des droits humains et à tous ceux qui osent exprimer leur dissidence pacifique à l’égard du gouvernement somalien.
Je vous prie instamment d’user de votre autorité afin d’obtenir que les autorités somaliennes libèrent Mohamed Ibrahim Osman Bulbul immédiatement et sans condition et abandonnent toutes les charges pesant sur lui. En attendant sa libération, il doit pouvoir entrer régulièrement en contact avec sa famille, recevoir tous les soins médicaux dont il pourrait avoir besoin, prodigués par un spécialiste, et consulter l’avocat de son choix.
Veuillez agréer, Monsieur le Procureur général, l’expression de ma très haute considération.
APPELS À
Procureur général de la République fédérale de Somalie
Sulayman Mohamed Mohamoud
Courriel : info@ago.gov.so
Twitter : @SulaymanMohamud
COPIES À
Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel: melanie.joly@parl.gc.ca
Sulub Ahmed Firin
Police Commissioner
Courriel : info@police.gov.so