• République démocratique du Congo

RDC. Des militants en faveur des droits humains doivent être relâchés

CONTEXTE

King Mwamisyo et Elias Bizimungu sont deux militants du mouvement citoyen LUCHA en République démocratique du Congo. Ils ont été arrêtés en avril et septembre 2022, respectivement, sur la base de charges forgées de toutes pièces, pour avoir exercé de manière pacifique leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, après avoir critiqué les autorités militaires et policières dans la province du Nord-Kivu (est du pays) pour s’être abstenues de protéger les personnes se trouvant sous leur juridiction et pour leur complicité dans des violations des droits humains commises en vertu de l’« état de siège » depuis mai 2021. Ces hommes sont des prisonniers d’opinion devant être libérés immédiatement et sans condition.

King Mwamisyo, 28 ans, est un étudiant en droit et un militant de LUCHA de la ville de Goma, dans la province du Nord-Kivu (est de la RDC). Il a comparu devant un juge pour la première fois le 16 septembre 2022, soit plus de cinq mois après son arrestation.

Elias Bizimungu, journaliste de 33 ans, milite également au sein du mouvement citoyen LUCHA dans la ville de Kiwanja, à environ 75 kilomètres au nord de Goma, la capitale du Nord-Kivu. L’officier militaire qui a arrêté Elias Bizimungu a affirmé que ses agissements avaient troublé l’ordre public et causé des pertes économiques pour la population et l’État. Les deux militants sont incarcérés à la prison de Goma, après que leurs demandes de mise en liberté provisoire ont été rejetées.

Les conditions de détention à la prison de Goma sont abominables. Conçue pour accueillir 300 personnes, cette prison compte actuellement près de 4 000 détenus enfermés dans des espaces exigus et crasseux, sans eau courante, électricité, lits, soins médicaux ni nourriture adéquate. Les personnes souhaitant rendre visite à un détenu doivent payer jusqu’à 2 dollars des États-Unis en pots-de-vin aux quatre points de sécurité de la prison.

Les poursuites pour « outrage » à l’armée, au président ou à d’autres institutions de l’État sont des atteintes au droit à la liberté d’expression et donc contraires aux obligations de la RDC au regard de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Le Comité des droits de l’homme des Nations unies qui effectue un suivi de la mise en œuvre du Pacte, a souligné l’obligation particulière faite aux États de permettre la critique d’institutions telles que l’armée ou l’administration. Poursuivre des civils devant la justice militaire constitue par ailleurs une violation du droit à un procès équitable. Les directives sur le droit à un procès équitable de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples indiquent que « [l]es tribunaux militaires ont pour seul objet de connaître des infractions d’une nature purement militaire commises par le personnel militaire ». Le procès de King Mwamisyo devant un tribunal militaire est donc contraire aux obligations de la RDC en vertu du droit régional et international relatif aux droits humains.

La résurgence du Mouvement du 23 mars (M23), un groupe rebelle, dans la province du Nord-Kivu a aggravé la situation en matière de sécurité et la crise humanitaire dans l’est de la RDC, et également réactivé les tensions militaires et politiques entre la RDC et le Rwanda. Ces tensions entre les deux pays ont déclenché une nouvelle vague de manifestations hostiles au Rwanda et aux Nations unies.

En 2022, les autorités ont intensifié leur répression des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Elles ont continué d’utiliser la pandémie de COVID-19 et le long « état de siège » (une forme de loi martiale décrétée en mai 2021, depuis lors reconduite plus de 40 fois) en Ituri et dans le Nord-Kivu comme prétextes pour interdire ou réprimer les rassemblements publics et les manifestations de personnes et de groupes considérés comme critiques à l’égard du gouvernement. Les autorités militaires nommées sous l’« état de siège » ont continué d’arrêter et d’emprisonner arbitrairement des détracteurs et détractrices, ainsi que d’interdire et de réprimer les manifestations, en toute impunité. Les rassemblements considérés comme favorables aux autorités ont été autorisés, tandis que ceux jugés critiques ont été interdits ou réprimés violemment. Des membres d’organisations de la société civile et des militant·e·s de l’opposition ont été arrêtés et détenus arbitrairement, souvent sans jugement pour avoir critiqué l’« état de siège » ou le gouvernement, ou pour d’autres formes d’exercice de leurs droits humains. En avril 2022, un tribunal militaire de Beni a condamné 12 militants de LUCHA à 24 mois d’emprisonnement pour « incitation à désobéir aux lois ». Ces militants avaient été arrêtés en novembre 2021 pour avoir organisé un sit-in pacifique à la mairie afin de protester contre le fait que l’« état de siège » avait été prolongé sans véritable évaluation de ses incidences sur la situation en matière de sécurité. Ils ont finalement été libérés en août 2022 après que la cour d’appel du Nord-Kivu a annulé la décision du tribunal militaire. Vous trouverez de plus amples informations sur l’« état de siège » dans la synthèse publiée par Amnistie internationale en 2022, intitulée Depuis un an, l’« état de siège » est utilisé comme un instrument pour écraser la dissidence

LETTRE À ENVOYER

Monsieur le Gouverneur,

Je vous écris afin d’exprimer la vive inquiétude que m’inspirent les poursuites visant King Mwamisyo et Elias Bizimungu, tous deux militants en faveur des droits humains, arbitrairement maintenus en détention pour avoir exercé de manière pourtant pacifique leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

King Mwamisyo, étudiant en droit et militant au sein du mouvement citoyen LUCHA (Lutte pour le changement), a été arrêté par le commandant de la police de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu dans le nord de la République démocratique du Congo (RDC), le 2 avril 2022, et maintenu en détention pendant sept jours sans inculpation. Le 9 avril 2022, il a été conduit au bureau du procureur militaire de Goma et questionné au sujet de publications sur les réseaux sociaux dans lesquelles il critiquait les autorités provinciales et municipales (qui se trouvent appartenir à l’armée et à la police, du fait de l’« état de siège »), les accusant d’avoir manqué à leur devoir de garantir la sécurité et utilisé leurs pouvoirs afin d’extorquer la population et de commettre des violations des droits humains. Ce jour-là, il a été accusé d’« outrage à l’armée » et envoyé à la prison de Goma, où il se trouve toujours. Le 9 décembre 2022, le tribunal militaire de Goma l’a déclaré coupable et l’a condamné à cinq ans de prison et cinq années supplémentaires de privation des droits civils et politiques, notamment d'inéligibilité et de privation du droit de vote. Il a formé un recours, et les audiences devant la cour d’appel militaire de Goma sont programmées, la première d’entre elle devant avoir lieu le 5 avril.

Elias Bizimungu, également militant au sein de LUCHA et journaliste originaire de la ville de Kiwanja, à environ 75 kilomètres au nord de Goma, a été arrêté le 26 septembre 2022 à hauteur d’un poste de contrôle de l’armée lors de la première journée d’une mobilisation pacifique d’une durée de deux jours visant à protester contre le soutien rwandais à la « rébellion du M23 ». Le 29 septembre 2022, il a été transféré à la prison de Goma où il se trouve encore. Incarcéré sans inculpation, il n’a pas pu s’entretenir avec un avocat avant le 22 décembre 2022, quand son procès s’est ouvert. Il a seulement été informé des charges retenues contre lui, notamment « participation à un mouvement insurrectionnel », durant son procès. Le 29 décembre 2022, le tribunal militaire a estimé n’être pas compétent pour se prononcer sur cette infraction. Trois mois plus tard, le 6 mars, l’affaire a été renvoyée devant le tribunal (civil) de Goma. La première audience a eu lieu le 16 mars.

Je vous demande de garantir la libération de King Mwamisyo et d’Elias Bizimungu, immédiatement et sans condition, d’annuler leur déclaration de culpabilité et d’abandonner les charges retenues contre eux. Je vous exhorte aussi à prendre des mesures afin d’améliorer les conditions de vie à la prison de Goma en garantissant les droits des personnes détenues à un hébergement adéquat, de la nourriture, de l’eau propre, des soins et un environnement sûr, et à supprimer immédiatement et interdire de manière permanente les obstacles aux visites des avocats et membres de la famille, en particulier les frais illégaux qui leur sont demandés.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de ma haute considération.

APPELS À

Gouverneur de la province du Nord-Kivu
Lieutenant-Général Constant Ndima
Avenue du Lac, quartier Himbi, Goma
République démocratique du Congo
Courriel : secretariat.cab.gp.nk@gmail.com

 

COPIES À

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca