• Maroc et Sahara occidental

L'affaire concernant un avocat défenseur des droits humains va être réexaminée

CONTEXTE

Le 10 mai, l’affaire concernant l’avocat marocain défenseur des droits humains et ex-ministre des droits humains Mohamed Ziane s’ouvre devant la Cour de cassation de Rabat. La Cour de cassation peut déterminer qu’il est détenu sur une base illégale, ce qui obligerait la cour d’appel à réexaminer sa condamnation à trois ans de prison. Mohamed Ziane a été déclaré coupable et condamné en novembre 2022 pour de fausses accusations qui ont trait à son travail de défense des militant·e·s, des journalistes et des victimes d’atteintes aux droits humains. Au moins six des 11 chefs d’accusation bafouent son droit à la liberté d’expression.

Mohamed Ziane (79 ans) est un ancien ministre des Droits humains au Maroc. En 1996, il a démissionné de son poste au sein du gouvernement marocain, affirmant qu'il n'était plus en accord avec les politiques mises en œuvre. Depuis son départ du gouvernement, il a défendu plusieurs militant·e·s, journalistes et victimes de violations des droits humains.

En 2021, le ministère de l’Intérieur a porté 11 accusations contre Mohamed Ziane. En février 2022, le tribunal de première instance de Rabat l’a déclaré coupable des 11 chefs d’accusation et l’a condamné à trois ans de prison et à une amende de 5 000 dirhams marocains (environ 450 euros). Son avocat a fait appel de ce jugement mais n’a pas été informé de la date du procès en appel. Le 21 novembre 2022, la cour d'appel a confirmé la sentence et ordonné son incarcération immédiate à la demande du ministère public, en vertu des articles 392 et 414 du Code de procédure pénale, qui permettent au procureur d'ordonner que l'accusé soit placé en détention sur-le-champ. En détention, les gardiens lui ont refusé l'accès à tout matériel de lecture ou d'écriture. Mohamed Ziane a des problèmes de santé nécessitant un traitement spécial qui n'est pas dispensé à l’intérieur de la prison. Le 2 décembre 2022, son avocat a déposé une demande de libération auprès de la cour d'appel de Rabat. Le 5 décembre, cette requête a été rejetée sans explication.

Le 30 mars 2023, la chambre pénale a clos son enquête sur les accusations et indiqué à Mohamed Ziane que son affaire serait réexaminée par la Cour de cassation, la plus haute instance marocaine, le 19 avril. Le 19 avril, l’audience a été reportée au 10 mai.

En novembre 2021, une plainte a été déposée contre Mohamed Ziane pour harcèlement sexuel, chantage, allégations immorales et menaces. Les accusations de harcèlement sexuel doivent chacune être examinées au fond et Amnistie internationale n’est pas bien placée pour évaluer leur véracité. L’organisation note une tendance récente à porter des accusations d'agression sexuelle contre des détracteurs du gouvernement dans le cadre de détentions ou de poursuites liées à l'exercice de leur droit à la liberté d'expression. Dans le cas d’Omar Radi, responsable de publication d'un journal incarcéré, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a conclu que sa détention en lien avec des accusations de viol correspondait à « un harcèlement judiciaire qui découle uniquement de son travail de journaliste d’investigation ». Dans le cas du journaliste Soulaimane Raissouni, détenu depuis le 22 juin 2020 pour des accusations d’agression sexuelle, le Groupe de travail sur la détention arbitraire a conclu que les violations de son droit à un procès équitable étaient d’une telle gravité qu’elles rendaient sa détention arbitraire.

Dans le cadre de la résolution du Parlement européen adoptée en janvier 2023, les législateurs ont fermement condamné « l’utilisation à mauvais escient d’allégations d’agression sexuelle pour dissuader les journalistes de faire leur travail », estimant que « cette pratique met en péril les droits des femmes ». En réponse, les législateurs marocains ont rejeté la résolution européenne.

LETTRE À ENVOYER

Monsieur le Premier ministre,

Je vous écris afin de vous faire part de mon inquiétude concernant l’incarcération de l’avocat défenseur des droits humains Mohamed Ziane, alors que la Cour de cassation de Rabat s’apprête à examiner son dossier le 10 mai.

La Cour de cassation de Rabat a le pouvoir de confirmer ou d’annuler la décision de la cour d’appel qui a condamné Mohamed Ziane par contumace à trois ans de prison le 21 novembre 2022 pour des accusations liées à son travail de défense des droits fondamentaux. Si la Cour de cassation casse le jugement, la détention de Mohamed Ziane n’aura plus de fondement légal et la cour d’appel sera obligée de réexaminer sa décision en tenant compte de l’interprétation de la Cour de cassation, ce qui devrait aboutir à sa libération pour ces chefs d'accusation.

 

Dans le cadre des audiences de la Cour de cassation, les accusés ne plaident pas bien que les avocats de Mohamed Ziane aient soumis leur dossier de défense à la Cour, dans lequel ils affirment que le précédent jugement rendu contre leur client viole la loi d'au moins 19 manières. Ils font notamment valoir que l’accusation d’« adultère » au titre de l’article 491 du Code pénal marocain n’est pas fondée dans cette affaire, car le droit marocain exige une plainte déposée par l’époux·se de l'une des parties ou des deux. Or, aucune des parties n’a déposé plainte dans cette affaire. Cette accusation ainsi que celle de « mauvais exemple pour les enfants » en vertu de l'article 482, témoigne de textes de loi obsolètes qui restreignent les libertés individuelles tout en enfreignant le droit international.

Mohamed Ziane est maintenu à l’isolement depuis le 21 novembre 2022 à la prison d’Arjate 1 à Salé, une ville proche de la capitale Rabat, après sa condamnation à l’issue d’un procès inique dont lui-même et son avocat n’ont pas été avertis à l’avance. Il lui est interdit de communiquer avec d’autres prisonniers et il n’a droit qu’aux visites de son avocat. Il est autorisé à sortir tout seul dans la cour de la prison et les gardiens lui interdisent d’écrire des courriers à son avocat et de lire les journaux.

Je vous demande d’abandonner immédiatement les accusations forgées de toutes pièces et la condamnation prononcée contre Mohamed Ziane, de lui accorder un procès équitable, conformément aux normes internationales concernant l’accusation d’agression sexuelle dont il fait l’objet et de veiller à ce qu’il puisse sans attendre, voir sa détention réexaminée par un tribunal, en supposant qu'il sera libéré dans l’attente de la fin de son procès. Enfin, je vous prie de modifier ou d’abroger toutes les lois qui interdisent la liberté d’expression, dont les articles 263, 265, 266 ainsi que l’article 491 qui érige en infraction les relations sexuelles entre adultes consentants.

Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, l'expression de ma haute considération.

APPELS À

 

Aziz Akhanouch
Premier ministre
Palais royal Touarga
Rabat 10070, Maroc
Fax : +212 53 7771010
Twitter : @ChefGov_ma

COPIES À

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca 

Son Excellence Mme Souriya OTMANI
Ambassadeur
Ambassade du Royaume du Maroc
38 Range Road
Ottawa, ON K1N 8J4
Canada
Tel: (613) 236-7391, -7392, -7913, 6064 Fax: (613) 236-6164
Email: sifamaot@bellnet.ca