• Maroc et Sahara occidental

Maroc. La condamnation d'un défenseur des droits humains confirmée

CONTEXTE

Le 20 février 2023, la cour d’appel de Rabat a confirmé la condamnation du défenseur des droits humains Rida Benotmane par un tribunal de première instance le 7 novembre 2022 pour des accusations liées à des publications sur les réseaux sociaux et à des vidéos diffusées sur YouTube en 2021 dans lesquelles il critiquait le gouvernement marocain. En appel, sa peine a été réduite de trois ans à 18 mois de prison. Il est maintenu en détention à l’isolement à la prison d’Arjate 1 dans la ville de Salé. Il doit être libéré immédiatement et sans condition, car son incarcération découle uniquement de l’exercice de son droit à la liberté d’expression.

Membre de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), militant politique et journaliste, Rida Benotmane a déjà été injustement incarcéré pendant quatre ans, entre 2010 et 2014, pour des publications sur Internet.

Le 9 septembre 2022, la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) de Casablanca a interrogé Rida Benotmane au sujet d’une publication sur Facebook et de deux vidéos diffusées sur YouTube en 2021dans lesquelles il critiquait les autorités. Après l’avoir interrogé, la BNPJ a arrêté Rida Benotmane et ordonné son placement en détention dans l’attente d’investigations. Le 10 septembre, le procureur du roi près le tribunal de première instance de Rabat l’a inculpé d’« outrage à un organisme réglementé par la loi » (article 265 du Code pénal), « outrage à des fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs fonctions » (article 263) et « diffusion et propagation d’allégations fausses sans consentement » (article 447-2). Il est également accusé d’avoir enfreint le décret relatif à l’état d’urgence sanitaire.

Rida Benotmane a entamé une grève de la faim le 9 septembre 2022 et l’a observée pendant 18 jours pour protester contre sa détention arbitraire.

Ces derniers mois, les autorités marocaines ont intensifié les attaques à l’encontre des voix dissidentes. En novembre 2022, des agents des forces de sécurité ont arrêté et incarcéré Mohamed Ziane, avocat spécialiste des droits humains, pour 11 chefs d’accusation distincts liés à diverses infractions présumées qui englobent des accusations forgées de toutes pièces, notamment l’outrage à des fonctionnaires publics et à des institutions, la diffamation et l’adultère. Il est toujours détenu à la prison d’Arjate 1 à Salé. En août 2022, Fatima Karim, blogueuse et militante marocaine sur les réseaux sociaux, a été condamnée à deux ans d’emprisonnement et à une amende pour avoir publié sur Facebook des posts dans lesquels elle faisait des commentaires satiriques sur le Coran. En avril 2022, Saida el Alami, défenseure des droits humains et membre du collectif Femmes marocaines contre la détention politique, a été condamnée à deux ans d’emprisonnement pour avoir publié des messages sur les mauvais traitements que lui avait infligés la police et avoir dénoncé la répression à l’égard des journalistes et des militant·e·s. Au cours du même mois, le blogueur Rabie al Ablaq a quant à lui été condamné à quatre ans d’emprisonnement pour avoir offensé le roi dans deux vidéos diffusées sur les réseaux sociaux.

Le droit à la liberté d’expression, tel qu’énoncé à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) auxquels le Maroc est partie, comprend le droit de transmettre et recevoir des informations par tout moyen et sans considération de frontières. La Constitution marocaine garantit le droit à la liberté d'expression à l’article 25 qui dispose : « Sont garanties les libertés de pensée, d’opinion et d’expression sous toutes ses formes. ».

 

LETTRE À ENVOYER

Monsieur le Chef du gouvernement,

Je vous écris pour vous faire part de ma vive préoccupation face à la détention arbitraire du journaliste et défenseur des droits humains Rida Benotmane. Le 20 février 2023, sa condamnation pour des accusations découlant uniquement de l’exercice de son droit à la liberté d’expression a été confirmée en appel. Le juge a réduit sa sentence de trois ans à 18 mois de prison après avoir confirmé le jugement rendu en novembre 2022 par un tribunal de première instance pour des accusations d’« outrage à un organisme réglementé par la loi », « outrage à des fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs fonctions » et « diffusion et propagation d’allégations fausses sans consentement », au titre des articles 265, 263 et 447-2 du Code pénal, respectivement. Ces accusations sont liées à ses publications sur Facebook et à des vidéos YouTube remontant à 2021 dans lesquelles il critiquait les atteintes aux droits humains imputables aux forces de sécurité marocaines, réclamait la libération des prisonniers politiques et accusait le gouvernement d’opprimer et de marginaliser les voix libres et de ne pas répondre aux revendications du peuple marocain. Il a aussi mis en garde contre l’utilisation par les forces de sécurité de nouvelles technologies en lien avec le pass vaccinal lié au COVID-19 pour surveiller notamment des défenseur·e·s des droits humains et des militant·e·s prodémocratie.

Rida Benotmane est détenu dans des conditions violant l’interdiction absolue de la torture et d’autres mauvais traitements. Il est maintenu à l’isolement prolongé dans une cellule d’environ 2,5 mètres sur 1,8 mètre, à la prison d’Arjate 1 dans la ville de Salé, depuis son arrestation en septembre 2022. Ses parents ont déclaré que ces conditions pèsent lourdement sur son état psychologique même s’il tente de garder le moral et de préserver sa dignité. Il n’est autorisé à prendre qu’une seule douche par semaine, est isolé des autres prisonniers et ne peut sortir de sa cellule qu’une fois par jour pour marcher pendant maximum une demi-heure dans une petite cour, accompagné par un autre prisonnier désigné par l’administration pénitentiaire. Contrairement aux autres détenus, Rida Benotmane ne peut recevoir la visite de membres de sa famille – deux personnes à la fois seulement – qu’une fois tous les 15 jours pendant 15 minutes. Il peut recevoir uniquement les livres et les journaux approuvés par l’administration pénitentiaire et n’est pas autorisé à avoir des photographies de son épouse. Les avocats de Rida Benotmane ont demandé sa libération provisoire, mais les juges de la Cour d’appel de Rabat ont rejeté sa requête sans fournir aucune explication. La Cour de cassation, la plus haute instance marocaine, va bientôt examiner son dossier.

Je vous prie instamment de faire le nécessaire pour que Rida Benotmane soit libéré immédiatement et sans condition et que sa condamnation et sa peine soient annulées, car elles découlent uniquement de l’exercice de son droit à la liberté d’expression. Dans l’attente de sa libération, il doit être détenu dans des conditions respectant les normes internationales pour le traitement des prisonniers et ne doit plus être soumis à l’isolement cellulaire. Je vous demande également de faire en sorte qu’il soit mis fin aux poursuites et aux enquêtes pénales visant des journalistes, des blogueurs ou blogueuses et des défenseurs et défenseures des droits humains n’ayant fait qu’exercer pacifiquement leur droit à la liberté d’expression.

Veuillez agréer, Monsieur le Chef du gouvernement, l'expression de ma haute considération.

APPELS À

Chef du gouvernement du Royaume du Maroc
M. Aziz Akhannouch
Palais Royal Touarga
Rabat 10070, Maroc
Fax : +212 53 7771010
Twitter : @ChefGov_ma
 

COPIES À

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca 

Son Excellence Mme Souriya OTMANI
Ambassadeur
Ambassade du Royaume du Maroc
38 Range Road
Ottawa, ON K1N 8J4
Canada
Tel: (613) 236-7391, -7392, -7913, 6064 Fax: (613) 236-6164
Email: sifamaot@bellnet.ca