• Iran

Des hommes Kurdes sont victimes d'une disparition forcée depuis plusieurs mois

CONTEXTE

Les autorités iraniennes soumettent Pejman Fatehi, Vafa Azarbar,  Mohammad (Hazhir) Faramarzi et Mohsen Mazloum, des opposants kurdes iraniens, à une disparition forcée depuis sept mois, refusant de révéler à leurs proches et à leur avocat ce qui leur est arrivé et où ils se trouvent depuis leur arrestation en juillet 2022. Ils risquent fort d’être victimes de torture et d’autres mauvais traitements ainsi que de procès iniques pour des charges passibles de la peine de mort.

Les autorités iraniennes privent de manière persistante les familles de Pejman Fatehi, Vafa Azarbar, Mohammad (Hazhir) Faramarzi et Mohsen Mazloum de la moindre information sur ce qui leur est arrivé et le lieu où ils se trouvent ; à plusieurs occasions, des représentants de l’État ont nié avoir connaissance des quatre hommes, même après que les vidéos de leurs « aveux » forcés ont été diffusées. Après les appels lancés par les mères de Pejman Fatehi, Mohammad (Hazhir) Faramarzi et Mohsen Mazloum - des enregistrements vidéo ayant commencé à circuler en ligne en janvier 2023 demandant aux autorités de les laisser voir leurs fils -, des agents du ministère du Renseignement ont convoqué des membres de la famille afin de les soumettre à des interrogatoires et de les menacer d’emprisonnement pour avoir continué à poser des questions sur ce qui était advenu des quatre hommes. Leur avocat a également tenté de recueillir des informations sur leur cas à de nombreuses occasions en envoyant des courriers à la prison d’Evin (à Téhéran), au ministère de l’Intérieur, et en se renseignant auprès des tribunaux. Mais ses requêtes auprès des autorités sont restées lettre morte.

La première fois que les familles de ces hommes ont eu de leurs nouvelles depuis leur arrestation, en juillet 2022 remonte au 12 octobre 2022 lorsque leurs « aveux » ont été diffusés dans une vidéo de propagande à la télévision d’État alors qu’ils manquaient à l’appel depuis 80 jours. Dans cette vidéo visionnée par Amnistie internationale, les autorités ont affirmé que Pejman Fatehi, Vafa Azarbar Mohammad (Hazhir) Faramarzi et Mohsen Mazloum avaient été appréhendés près d’Ispahan et prévoyaient de perpétrer un attentat à la bombe dans une « zone industrielle d’une grande importance stratégique » à la demande du Mossad, le service de renseignement israélien. Dans une lettre ouverte à Javaid Rehman, le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Iran, le 26 novembre 2022, les familles de ces hommes ont déclaré que les visages de leurs proches leur semblaient « affaiblis, fatigués et torturés » dans la vidéo de leurs « aveux » forcés. Dans leur lettre, les familles réfutent par ailleurs les affirmations selon lesquelles ces hommes avaient été impliqués dans le moindre acte « terroriste » et violent. Le 5 décembre 2022, la même vidéo de propagande a de nouveau été diffusée à la télévision d’État, traumatisant une nouvelle fois les familles des quatre hommes et suscitant de nouvelles inquiétudes quant à leur sécurité et leur bien-être.

En réaction à une déclaration émanant du ministère du Renseignement rendue publique par les médias d’État le 23 juillet 2022, à propos de l’arrestation de quatre individus non identifiés en relation avec des « activités terroristes », Komala a fait une déclaration le 27 juillet afin de « nier avec véhémence les accusations erronées et sans fondement » contre ses membres, et a déclaré que les quatre hommes ont été arrêtés dans la province de l’Azerbaïdjan occidental alors qu’ils prenaient part à des activités politiques et au sein d’organisations.

En vertu du droit international relatif aux droits humains et des normes associées, le droit à la liberté d’expression inclut le droit de défendre pacifiquement toute idée ou vision politique n’impliquant pas d’incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence Le droit à la liberté d’expression est protégé par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) que l’Iran a ratifié. Toute personne arrêtée ou détenue parce qu’elle est soupçonnée d’une infraction pénale, y compris liée au « terrorisme » doit être traitée dans le plein respect des obligations de l'Iran en matière de droits humains et des droits constitutifs du droit à un procès équitable. Il s’agit notamment du droit de choisir son avocat, de bénéficier des services d’un avocat dès l’arrestation pendant la phase précédant le procès et pendant le procès, d’être traduit dans le plus court délai devant un juge, de contester la légalité de la détention devant un tribunal indépendant et impartial, d’être présumé innocent, de garder le silence et de ne pas être forcé de témoigner contre soi-même ou de s'avouer coupable, d’avoir pleinement accès aux éléments de preuve pertinents, de ne pas être détenu sur la base d’accusations formulées en termes vagues, d’interroger les témoins à charge et d’obtenir l'interrogatoire des témoins à décharge, d’être entendu équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial et d’avoir un jugement argumenté prononcé publiquement. Amnistie internationale a recueilli des informations faisant état de violations systématiques du droit à un procès équitable en Iran dès l’arrestation et tout au long de l’enquête, du procès et de la procédure d’appel. Les tribunaux, en règle générale, ne font aucun cas des allégations de torture et autres mauvais traitements sur lesquelles ils n’ordonnent pas d’enquête et s’appuient sur des « aveux » extorqués sous la torture pour prononcer des déclarations de culpabilité et des peines, y compris dans les affaires pouvant aboutir à une sentence capitale.

Amnistie internationale s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances quelles que soient la nature du crime commis, les caractéristiques de son auteur et la méthode d’exécution utilisée par l’État. La peine de mort est une violation du droit à la vie et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Amnistie internationale ne cesse d’appeler tous les pays où ce châtiment est encore en vigueur, y compris l’Iran, à instaurer un moratoire officiel sur les exécutions en vue de son abolition totale.

En Iran, les minorités ethniques font l’objet de discriminations persistantes qui limitent leurs possibilités d’accès à l’éducation, à l’emploi et aux fonctions politiques. Les autorités iraniennes emploient de plus en plus souvent la peine de mort à titre d’outil répressif contre les minorités ethniques, en particulier les Kurdes et les Baloutches qui sont touchés de manière disproportionnée par les condamnations à mort et des exécutions réalisées en secret, les autorités refusant ensuite de restituer les corps aux familles pour que celles-ci puissent les inhumer.

LETTRE À ENVOYER

Monsieur le Responsable du pouvoir judiciaire,

Depuis juillet 2022, le ministère du Renseignement et le parquet soumettent Pejman Fatehi, Vafa Azarbar, Mohammad (Hazhir) Faramarzi et Mohsen Mazloum, membres de la minorité kurde opprimée en Iran, à une disparition forcée. Ils ont été arrêtés par des agents du ministère du Renseignement à Orumiyeh, dans la province de l'Azerbaïdjan occidental, le 20 juillet 2022. Le 23 juillet 2022, des médias d’État iraniens ont annoncé l’arrestation de quatre personnes accusées de s’être livrées à des actes d’« espionnage » pour le compte d’Israël et d’avoir fomenté des actes « terroristes » sur le territoire iranien. Leurs proches pensent que ces annonces sont en relation avec ces quatre hommes compte tenu des dates et de la nature des allégations qui sont semble-t-il liées à leur affiliation à Komala, un groupe d’opposition kurde interdit. Le 12 octobre et le 5 décembre 2022, la télévision d’État iranienne a diffusé une vidéo de propagande montrant les quatre hommes « avouant » avoir planifié un attentat à la bombe dans une zone industrielle à proximité de la ville d’Ispahan sur les instructions du renseignement israélien. En diffusant ces « aveux », les autorités ont porté atteinte aux droits de ces quatre hommes à un procès équitable, notamment au droit à la présomption d’innocence et aux droits de ne pas être forcé de témoigner contre soi-même et de garder le silence.

Depuis leur disparition forcée qui est un crime au titre du droit international, leurs proches et l’avocat indépendant qu’ils ont engagé ont tenté de déterminer où se trouvent les quatre hommes en se renseignant auprès de centres de détention et de tribunaux d’Orumiyeh, de Mahabad, de Sanandaj, d’Ispahan et de Téhéran. Les autorités ont refusé de leur fournir la moindre information et à de nombreuses occasions, des agents du ministère du Renseignement les ont mis en garde afin de les dissuader de continuer à demander des nouvelles des quatre hommes « car cela est inutile et ils risquent de toute façon d’être exécutés ». Compte tenu de leur disparition forcée et du refus des autorités de révéler la moindre information, ni les familles ni l’avocat ne connaissent leur statut au regard du droit et ne savent notamment pas s’ils ont été inculpés et/ou déférés à la justice, mais les accusations portées contre eux dans les médias d’État correspondent à des infractions passibles de la peine de mort. Amnistie internationale craint pour leur sécurité et leur bien-être, étant donné le recours généralisé et systématique à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements contre les détenus, en particulier au stade de l’enquête afin de leur arracher des « aveux ». Ces craintes sont exacerbées par les condamnations à mort régulièrement prononcées par les tribunaux iraniens à l’issue de procès iniques au cours desquels, des « aveux » forcés sont présentés comme des preuves à charge même lorsque les accusés se rétractent devant le tribunal.

Je vous demande de révéler immédiatement le sort qui a été réservé à Pejman Fatehi, Vafar Azarbar, Mohammad (Hazhir) Faramarzi et Mohsen Mazloum ainsi que le lieu où ils se trouvent, et de les libérer car ils sont détenus de manière arbitraire. S’ils sont inculpés d’infractions prévues par la loi, ils doivent être jugés dans le cadre d’une procédure respectant les normes internationales d'équité en la matière sans que des « aveux » forcés ne puissent être recevables à titre de preuve, ni que la peine de mort ne soit requise. Dans l’attente de leur libération, je vous exhorte à les protéger contre la torture et toute autre forme de mauvais traitement, et à veiller à ce qu’ils puissent contacter régulièrement leur famille, consulter les avocats de leur choix et bénéficier de soins médicaux adéquats s’ils en ont besoin.

Veuillez agréer, Monsieur le Responsable du pouvoir judiciaire, l’expression de ma haute considération.

APPEL À 

Responsable du pouvoir judiciaire, Gholamhossein Mohseni Ejei  
c/o Ambassade d’Iran auprès de l’Union européenne
Avenue Franklin Roosevelt No. 15, 1050 Bruxelles, Belgique

 

COPIES À

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca