RISQUE POUR LA SANTÉ D’UN MANIFESTANT PLACÉ EN DÉTENTION À CAUSE D’UN T-SHIRT CONTRE LA TORTURE

CONTEXTE
Mahmoud Hussein, un manifestant qui avait déjà passé deux ans en détention provisoire arbitraire pour avoir porté un T-shirt dénonçant la torture, a de nouveau été arrêté le 30 août. Libéré sous caution en 2016, il a ensuite été déclaré coupable d’accusations forgées de toutes pièces et condamné par contumace à une peine de prison par un tribunal d’exception dans le cadre d’un procès inique entaché d’allégations de torture. Il est détenu à la prison Badr 1 dans l’attente de son nouveau procès et les préoccupations quant à sa santé sont vives. Mahmoud Hussein est détenu uniquement pour avoir exercé pacifiquement ses droits fondamentaux, notamment pour avoir porté un T-shirt contre la torture. Il doit donc être remis en liberté immédiatement et sans condition.
Les forces de sécurité ont arrêté une première fois Mahmoud Hussein, alors âgé de 18 ans, le 25 janvier 2014, au lendemain des manifestations marquant le troisième anniversaire de la révolution du 25 Janvier. Elles l’ont stoppé à un poste de contrôle dans le quartier d’El Marg, dans le nord du Caire, alors qu’il rentrait chez lui après les manifestations à bord d’un bus, et ce de manière arbitraire au motif qu’il portait un T-shirt arborant le slogan « Nation sans torture » et une écharpe avec le logo de la révolution du 25 Janvier. Amnistie Internationale a documenté le fait qu’à la suite de son arrestation en 2014, des agents de l’Agence de sécurité nationale lui ont infligé des actes de torture et des mauvais traitements, notamment en lui assénant des coups et des décharges électriques sur les mains, le dos et les testicules. En conséquence, il a « avoué » sous la contrainte appartenir à une organisation interdite, détenir des cocktails Molotov et des grenades, et participer à des manifestations non autorisées, ses « aveux » étant filmés. Le lendemain de ces « aveux » devant la caméra, Mahmoud Hussein a été emmené pour être interrogé par le service du procureur général de la sûreté de l’État. Il a nié toutes les accusations portées à son encontre et déclaré qu’il avait été torturé et contraint de faire des « aveux ». Cependant, le procureur n’a pas réclamé d’examen médicolégal, ni ordonné l’ouverture d’une enquête sur ses allégations de torture. Mahmoud Hussein a passé six jours au commissariat d’El Marg avant d’être emmené à la prison d’Abu Zabaal, où il a été battu à son arrivée. En mai 2014, il a été transféré à la prison de Tora, au Caire, où on l’a de nouveau passé à tabac à deux reprises au moins. Il a finalement été transféré à la prison des investigations de Tora, toujours au Caire. Il a été maintenu en détention provisoire sous le numéro d’affaire 715 de 2014, à El Marg, et déféré au tribunal le 31 janvier 2016. Le 24 mars 2016, il a été libéré sous caution pour la somme de 1 000 livres égyptiennes (environ 30 euros).
Mahmoud Hussein est actuellement détenu à la prison de Badr 1, située à 70 kilomètres au nord-est du Caire, où, selon les recherches d’Amnistie Internationale, les prisonniers se plaignent de conditions cruelles et inhumaines, notamment de privation délibérée de soins médicaux, d’exposition au froid extrême et de surveillance constante via des caméras. Les visites des familles ne sont autorisées que tous les deux mois, pendant 20 minutes, et il faut parler à travers une vitre, ce qui empêche tout contact direct et physique avec ses proches. Cela enfreint les règlementations carcérales en vigueur en Égypte, qui prévoient des visites d’une durée minimum de 45 minutes pour les prisonniers en détention provisoire.
La nouvelle arrestation de Mahmoud Hussein s’inscrit dans une vague de recrudescence d’interpellations visant des détracteurs et des proches de dissident·e·s habitant à l’étranger. En août 2023, les autorités ont arrêté le père d’Ahmed Gamal Ziada, journaliste égyptien basé en Belgique, et de Fagr al Adly, militant ayant la double nationalité allemande et égyptienne, qui vit en Allemagne. Tous deux ont été interrogés sur les activités militantes de leurs fils. Un autre militant et ancien détenu, Ahmed Hamdy al Sayed, également connu sous le nom de « Gika », a de nouveau été arrêté en juin 2023 puis soumis à une disparition forcée jusqu’au 27 août, date à laquelle le parquet a ordonné son placement en détention dans l’attente d’une enquête sur des accusations forgées de toutes pièces de « diffusion de fausses nouvelles ». L’opposant bien connu Hisham Kassem est détenu arbitrairement depuis le 20 août dernier uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression. Le 16 septembre, il a été déclaré coupable de diffamation, d’« outrage » à des fonctionnaires et d’autres accusations à caractère politique, et condamné à six mois d’emprisonnement assortis d’une amende. Le 2 septembre, un militant connu, Mohamed Adel a été condamné à quatre ans d’emprisonnement sur la base d’accusations infondées de « diffusion de fausses nouvelles ». Ces arrestations et poursuites acharnées illustrent le manque de volonté des autorités de mener de véritables réformes, malgré la libération récente d’une poignée de détracteurs et le lancement qui a tant tardé du Dialogue national avec les entités de l’opposition politique en mai 2023.
Selon les estimations d’Amnistie Internationale, du 1er août au 13 septembre 2023, au moins 385 personnes accusées d’appartenance à des organisations terroristes, de « diffusion de fausses nouvelles » ou d’« utilisation abusive des réseaux sociaux » ont été arrêtées, interrogées par le service du procureur général de la sûreté de l’État et placées en détention dans l’attente d’investigations. Des charges similaires portées dans le cadre de nouvelles affaires ont été présentées par le service du procureur général de la sûreté de l’État contre 17 personnes maintenues en détention provisoire prolongée, une pratique connue sous le nom de « rotation ». Au cours de la même période, ce service a libéré 47 personnes détenues pour des motifs politiques, dans l’attente d’investigations ou à la faveur d’une amnistie présidentielle.
LETTRE À ENVOYER
Monsieur le Procureur général,
Je vous écris pour vous faire part de ma préoccupation face à la détention arbitraire de Mahmoud Hussein depuis le 30 août, incarcéré uniquement pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression. Il a été arrêté à un poste de contrôle alors qu’il revenait de Beni Suef et rentrait au Caire. Il a alors été victime d’une disparition forcée pendant cinq jours, les autorités refusant d’indiquer à sa famille ou à ses avocats ce qu’il était advenu de lui et où il se trouvait. On a appris par la suite qu’il avait été détenu dans trois lieux différents, dont un centre géré par l’Agence de sécurité nationale. Pendant ces cinq jours, il a été interrogé, les yeux bandés, en l’absence de son avocat. Les forces de sécurité ont aussi perquisitionné son domicile dans la ville d’Al Obour le 1er septembre, emportant son ordinateur, son imprimante et des effets personnels. Le 5 septembre, il a été conduit devant le parquet du nord du Caire pour être interrogé en lien avec une affaire remontant aux manifestations du 25 janvier 2014. Alors âgé de 18 ans, Mahmoud Hussein avait été arrêté parce qu’il portait un T-shirt sur lequel figurait le slogan « Nation sans torture » et maintenu en détention arbitraire pendant deux ans, avant d’être libéré sous caution en mars 2016. Il a fini par être jugé par contumace par une cour de sûreté de l’État (instaurée par la législation d’exception) pour des accusations forgées de toutes pièces, notamment appartenance à un groupe terroriste, possession d’explosifs et de cocktails Molotov, et incitation à la violence. Le 26 février 2018, il a été déclaré coupable et condamné à la réclusion à vie. Selon le droit égyptien, puisqu’il a été jugé par contumace, il sera rejugé pour les mêmes chefs d’accusation, de nouveau par une cour de sûreté de l’État. Les procès qui se déroulent devant ces cours sont foncièrement iniques, car les décisions rendues ne sont pas susceptibles d’appel, mais doivent être ratifiées par le président.
Mahmoud Hussein est actuellement détenu à la prison Badr 1, où Amnistie Internationale a fait part de ses inquiétudes quant aux conditions de détention inhumaines et au refus d’accorder des soins adéquats aux prisonniers. Il s’est vu accorder une brève visite familiale le 14 septembre, son état de santé étant très préoccupant : en effet, il s’est fait poser deux prothèses de la hanche avant d’être incarcéré et a besoin d’examens et d’un suivi régulier effectués par des spécialistes. Il a également déclaré ressentir une forte douleur au niveau de sa hernie inguinale, pour laquelle il doit être opéré, d’après les avis médicaux datant d’avant son placement en détention. Il continue de souffrir de crises de panique après avoir subi des actes de torture et des mauvais traitements en détention.
Je vous prie instamment de libérer immédiatement et sans condition Mahmoud Hussein, d’annuler sa déclaration de culpabilité et sa peine et d’abandonner toutes les charges retenues contre lui puisqu’elles découlent uniquement de l’exercice de son droit à la liberté d’expression. Dans l’attente de sa libération, il doit être autorisé à voir régulièrement sa famille et ses avocats, et à recevoir toute assistance médicale dont il pourrait avoir besoin, y compris dans des hôpitaux extérieurs si nécessaire, et il doit être détenu dans des conditions conformes aux normes internationales relatives au traitement des prisonniers.
Veuillez agréer, Monsieur le Procureur général, l’expression de ma haute considération.
APPELS À
Procureur général, Hamada al Sawi
Office of the Public Prosecutor
Madinat al-Rehab, Cairo, Égypte
Fax : +202 2577 4716
Twitter : @EgyptianPPO
COPIES À
Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel: melanie.joly@parl.gc.ca
Son Excellence M. Ahmed Abdallah Ibrahim HAFEZ
Ambassadeur
Ambassade de la République arabe d'Égypte
454 Laurier Avenue East
Ottawa, ON K1N 6R3
Canada
Tel: (613) 234-4931, 4935 Fax: (613) 234-9347/234-4398
Courriel: egyptianembassyottawa@gmail.com