Il faut libérer les prisonniers d'opinion yorubas

CONTEXTE
Des centaines de Cubain·e·s demeurent incarcéré.e.s pour avoir participé aux manifestations qui ont secoué l’île le 11 juillet 2021. Il est courant que la justice cubaine, qui n’est pas indépendante du gouvernement, approuve les yeux fermés des accusations à caractère politique, en faisant fi des garanties en matière d’équité des procès. Parmi les personnes injustement condamnées figurent Loreto Hernández García et Donaida Pérez Paseiro, militants noirs et figures de la religion yoruba. Ce sont des prisonniers d’opinion détenus uniquement en raison de leurs convictions politiques, qui doivent être libérés immédiatement et sans condition.
Des Cubaines et Cubains de tous âges et de tous horizons ont été inculpés, traduits en justice ou condamnés à de lourdes peines pour avoir participé pacifiquement à des manifestations en juillet 2021, à l’issue de procédures largement iniques et opaques, menées pour la plupart à huis clos. Parmi les personnes incarcérées figurent les époux Donaida Pérez Paseiro, militante noire, prêtresse et présidente de l’Association des Yorubas libres de Cuba (Yorubas Libres de Cuba) et Loreto Hernández García, militant noir, prêtre et vice-président de la même association. La religion yoruba est une religion de la diaspora africaine. Tous deux sont incarcérés à la prison de Guamajal, dans la province de Villa Clara, dans le centre de Cuba.
Le 15 juillet 2021, des policiers ont arrêté Loreto Hernández García. Sa famille maintient qu’il a été placé à plusieurs reprises à l’isolement, parfois pendant 15 jours, parfois davantage. En février 2022, le Tribunal municipal populaire de Santa Clara l’a condamné à sept ans de prison pour « désordre public » et « outrage ». Donaida Pérez Paseiro a été arrêtée le lendemain, le 16 juillet. En février 2022, le Tribunal municipal populaire de Santa Clara l’a condamnée à huit ans de prison pour « désordre public », « outrage » et « agression » (atentado) contre un représentant de l’État.
D’après les informations dont dispose Amnistie internationale, ils n’auraient jamais dû être inculpés de ces infractions. En effet, les chefs d’accusation d’« outrage » et de « désordre public » sont fréquemment utilisés à Cuba dans le but de restreindre les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Lorsqu’il tente de réprimer illégalement la dissidence, le gouvernement invoque aussi d’autres accusations, notamment « agression » ou « préjudices » (daños). Par ailleurs, en lien avec le chef d’agression, Amnistie internationale a conclu à l’absence d'accusations concrètes et individualisées contre Donaida. L’absence de preuves à son encontre était flagrant.
Les deux militants noirs ont été jugés avec 14 manifestant·e·s dans le cadre d’un procès inique. Le jugement fait plusieurs fois mention de leur opposition politique au gouvernement – ce qui ne devrait pas être pris en compte dans une affaire pénale – de manière discriminatoire et stigmatisante. De même, il indique clairement que le rôle présumé des accusés en tant que leaders des manifestations antigouvernementales est considéré comme un élément de la responsabilité pénale.
Les juges semblent s’être appuyés quasi exclusivement sur les témoignages de responsables de l'application des lois, ce qui est fréquent à Cuba. Parallèlement, le jugement rejette toutes les déclarations des accusé·e·s et des témoins appelés par la défense, faisant vaguement valoir qu’elles contredisent les déclarations de la police.
Par ailleurs, à Cuba, les avocats de la défense doivent faire partie d’une organisation officielle qui, selon de nombreuses sources, est étroitement contrôlée par l’État. Ainsi, lorsqu’ils représentent leurs clients, leur indépendance est-elle toute relative.
Les médias et les observateurs des droits humains indépendants se sont vus refuser l’entrée des salles d’audience des procès des manifestant·e·s du 11 juillet. Amnistie internationale a demandé à pouvoir suivre les procès, mais n’a jamais reçu de réponse des autorités cubaines.
Selon la famille de Loreto Hernández García, celui-ci souffre de plusieurs problèmes de santé, notamment de diabète et d’hypertension, pour lesquels aucun soin n’est prodigué en prison. En mai, Loreto a été hospitalisé sans diagnostic précis, selon les informations de sa famille publiées dans les médias. D’après sa famille, son état de santé est problématique en raison de complications dues à son diabète. Il se trouve actuellement dans l’aile réservée aux prisonniers de l’hôpital provincial Celestino Hernández Robau, plus connu sous le nom de Hospital Viejo, à Santa Clara, à Cuba. Amnistie internationale est préoccupée par les allégations selon lesquelles il ne reçoit pas les soins médicaux dont il a besoin.
Elle considère Donaida Pérez Paseiro et Loreto Hernandez Garcia comme des prisonniers d’opinion et demande leur libération immédiate et inconditionnelle.
Amnistie internationale attribue le statut de prisonnier ou prisonnière d’opinion en se fondant sur les informations dont elle dispose au sujet des circonstances ayant conduit au placement en détention d’une personne donnée. Lorsqu’elle la qualifie de prisonnier ou prisonnière d’opinion, elle affirme que celle-ci doit être libérée immédiatement et sans condition, sans cautionner pour autant ses opinions ou comportements passés ou présents.
LETTRE À ENVOYER
Monsieur le Président de la République,
Je vous écris pour vous demander de libérer immédiatement et sans condition Loreto Hernández García et Donaida Pérez Paseiro, militants noirs et figures de la religion yoruba à Cuba, une religion de la diaspora africaine pratiquée sur l’île.
Selon un document judiciaire qu’a pu examiner Amnistie internationale, Loreto Hernández García et Donaida Pérez Paseiro ont été condamnés respectivement à sept et huit ans de prison, en raison de leur participation pourtant pacifique aux manifestations du 11 juillet 2021. Ils ont été déclarés coupable à tort d’« outrage » et de « désordre public » et, dans le cas de Donaida, d’« agression » d’un représentant de l’État.
Ces militants et leaders religieux ont été incarcérés à l'issue d'un procès inique, en l’absence de preuves, et condamnés à la faveur d’un jugement qui fait plusieurs fois référence à l’opposition politique des manifestants face au gouvernement, ce qui ne devrait pas entrer en ligne de compte dans une affaire pénale. Loreto Hernández García et Donaida Pérez Paseiro n’auraient jamais dû faire l’objet de poursuites.
La santé de Loreto Hernández García est fragile et les autorités doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour lui prodiguer les soins médicaux indépendants adaptés.
Je demande aux autorités cubaines de libérer Loreto Hernández García et Donaida Pérez Paseiro immédiatement et sans condition, et de prendre toutes les mesures requises afin de garantir qu’ils bénéficient de recours pour les violations de leurs droits fondamentaux, notamment pour la discrimination dont ils ont fait l’objet.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.
APPELS À
Miguel Díaz-Canel,
Président de la République de Cuba
Hidalgo Esq. 6, Plaza de la Revolución, CP 10400, La Habana, Cuba
Courriel : despacho@presidencia.gob.cu
COPIES À
Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel: melanie.joly@parl.gc.ca
Son Excellence M. Hector IGARZA CABRERA
Ambassadeur
Ambassade de la République de Cuba
388 Main Street
Ottawa, ON K1S 1E3
Canada
Tel: (613) 563-0141 Fax: (613) 563-0068
Email: embacuba@embacubacanada.net