• Burundi

La journaliste incarcérée en raison de ses positions critiques à l'égard du pouvoir doit être libérée

CONTEXTE

Le 30 mars 2023, la cour d’appel de Mukaza, dans la province de Bujumbura, au Burundi, a tenu une audience sur l’affaire de la journaliste burundaise Floriane Irangabiye. Celle-ci avait fait appel de la décision du tribunal de grande instance de Mukaza, qui l’avait déclarée coupable le 2 janvier d’« atteinte à l’intégrité du territoire national », une accusation forgée de toutes pièces, et l’avait condamnée à 10 ans de prison assortis d’une amende d’un million de francs burundais (environ 482 dollars des États-Unis). La cour d'appel a 30 jours pour rendre sa décision. Floriane Irangabiye est en détention depuis août 2022. Les poursuites à son encontre découlent de son exercice pacifique des droits humains et de son travail de journaliste. Amnistie internationale demande sa libération immédiate et sans condition ainsi que l’annulation de sa condamnation. 

 

Floriane Irangabiye vit au Rwanda depuis plus de 10 ans. Avant la crise de 2015, elle faisait régulièrement des allers-retours entre la capitale, Kigali, où elle réside, et Bujumbura, au Burundi, où habite sa famille.

Quand l’ancien président, Pierre Nkurunziza, a décidé de briguer un troisième mandat en avril 2015, de nombreux Burundais·e·s sont descendus dans la rue pour protester contre cette décision qu’ils jugeaient contraire à la Constitution burundaise de 2005, qui limite le nombre de mandats présidentiels à deux quinquennats. En août 2022, c’était la première fois depuis 2015 que Floriane Irangabiye revenait rendre visite à sa famille à Bujumbura.

Les organisations de la société civile et les médias du Burundi ont figuré parmi les premières cibles de la répression orchestrée par le gouvernement en 2015. Les autorités ont suspendu ou fermé la plupart des organisations de défense des droits humains et des médias indépendants, les contraignant à l’exil. Bien que le président Évariste Ndayishimiye se soit engagé en 2021 à normaliser les relations avec les médias, le gouvernement burundais continue de considérer la presse et le travail de défense des droits fondamentaux avec suspicion, et de graves restrictions pèsent toujours sur les droits humains, notamment le droit à la liberté d’expression.

La plupart des organisations indépendantes qui défendent les droits humains n’ont pas pu reprendre leurs activités au Burundi, d’autant que les autorités ont décerné des mandats d’arrêt contre la plupart de leurs militant·e·s de premier plan, qui vivent en exil. Le 14 février 2023, cinq défenseur·e·s des droits humains ont été arrêtés et accusés de rébellion et d’atteinte à la sécurité intérieure de l’État et au bon fonctionnement des finances publiques. Il s’agissait de Sonia Ndikumasabo et Marie Emerusabe, respectivement présidente et coordonnatrice générale de l’Association des femmes juristes du Burundi (AFJB) ainsi que de Sylvana Inamahoro, Audace Havyarimana et Prosper Runyange, respectivement directrice exécutive, représentant juridique et coordonnateur de projet d’appui à la gestion foncière de l’Association pour la paix et la promotion des droits de l’homme (APDH). Les charges retenues contre eux semblent être liées à leurs relations avec une organisation internationale à l’étranger et aux financements que leurs associations ont reçus de cette organisation. Par ailleurs, 12 personnes défendant les droits humains et journalistes comptaient parmi un groupe de 34 personnalités en exil condamnées par contumace à la réclusion à perpétuité en juin 2020 pour leur implication présumée dans une tentative de coup d’État en mai 2015. Ce jugement de la Cour suprême n’avait été rendu public qu’en février 2021.

L’arrestation ou la détention à titre de sanction pour l’exercice pacifique des droits humains, dont le droit à la liberté d’expression, est arbitraire et contraire tant à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qu’au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), deux traités auxquels le Burundi est partie. Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a statué que les personnes détenues uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits fondamentaux devaient être immédiatement libérées.

LETTRE À ENVOYER

Madame la Ministre,

Je tiens à vous exprimer ma préoccupation à propos du maintien en détention arbitraire de la journaliste Floriane Irangabiye et des poursuites judiciaires injustes dont elle fait l’objet.

Le 30 mars 2023, la cour d’appel de Mukaza, dans la province de Bujumbura, au Burundi, a examiné son recours contre sa déclaration de culpabilité et sa condamnation à 10 ans de prison assortis d’une amende d’un million de francs burundais. La cour doit rendre sa décision dans les 30 jours suivant cette audience.

Floriane Irangabiye a été arrêtée le 30 août 2022 par les forces de sécurité burundaises alors qu’elle rendait visite à sa famille à Bujumbura. Le tribunal de grande instance de Mukaza l’a déclarée coupable d’« atteinte à l'intégrité du territoire national » le 2 janvier 2023. Selon ses avocats, le tribunal de grande instance n’a pas tenu compte des irrégularités de procédure lors de son arrestation, notamment du fait qu’elle n’ait pas eu le droit d’être assistée de son avocat lors de son premier interrogatoire, ni de l’absence totale de preuves recevables à son encontre.

 

Pendant le procès de Floriane Irangabiye fin 2022, le ministère public a présenté des propos tenus lors de la diffusion en août 2022 d’une émission sur Radio Igicaniro, un média burundais en ligne, durant laquelle la journaliste et ses invités avaient critiqué le gouvernement du Burundi. Dans un enregistrement audio de l’émission obtenu par le parquet, elle aurait déclaré : « la population s’est résignée au mal représenté par les dirigeants du Burundi, les citoyens ne s’expriment pas, de crainte d’être tués. Nous demandons aux Burundais de braver leur peur. » Le parquet a également produit à titre de preuves des photos de la journaliste en train de poser au côté du président rwandais, Paul Kagame, et de l’ancien président Pierre Buyoya lors d’événements publics. Il l’a aussi accusée d’avoir participé à des réunions organisées par de jeunes Burundais en exil au Rwanda.

Les poursuites engagées contre Floriane Irangabiye sont motivées par des considérations politiques et sont le signe que les autorités burundaises entendent bien continuer à restreindre l’espace civique, malgré l’engagement du président Évariste Ndayishimiye à améliorer le bilan du pays en matière de droits humains.

Je vous demande de prendre toutes les mesures nécessaires pour que Floriane Irangabiye soit libérée immédiatement et sans condition. Sa condamnation et son maintien en détention arbitraire violent ses droits à la liberté d’expression et à un procès équitable.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma haute considération.

APPELS À

Mme Domine Banyankimbona
Ministre de la Justice
PO Box: 1880
Bujumbura, Burundi
Courriel : minjustice@gmail.com /
 infos@burundi.justice.gov.bi
Twitter : @MiniJustice_BDI
 

COPIES À

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca