Un projet de loi menace les droits des autochtones

CONTEXTE
Le projet de loi 2903/2023 à tout moment par le Sénat. Approuvé le 30 mai par la Chambre des députés, ce texte vise à modifier en profondeur la procédure de délimitation des territoires autochtones et à légitimer la « thèse du cadre temporel », selon laquelle les peuples autochtones ont le droit de revendiquer uniquement les territoires qui étaient en leur possession au moment de la promulgation de la Constitution fédérale en 1988. Les dispositions de ce projet de loi ont des répercussions sur les droits des peuples autochtones, notamment le droit à l’autodétermination et aux terres ancestrales, et renforcent les violations systémiques des droits fondamentaux que subissent depuis des siècles ces populations expulsées de leurs territoires au Brésil. Amnistie internationale appelle le Sénat à rejeter immédiatement ce projet de loi.
Le projet de loi 2903/2023 représente une grave menace pour les droits des peuples autochtones, notamment en ce qui concerne le droit à l’autodétermination et aux terres ancestrales. La thèse du cadre temporel ignore les violations systémiques des droits humains que subissent au Brésil les populations autochtones qui sont expulsées depuis des siècles de leurs territoires par le gouvernement, les fermiers, le secteur agro-industriel et les mineurs illégaux, à des fins d’exploitation énergétique, d’extraction illégale d’or et de construction de routes.
En 1988, de nombreux membres des communautés Guaranis-Kaiowás et Avas-guaranis, ainsi que d’autres communautés vivaient hors de leurs territoires parce qu’ils étaient occupés par des éleveurs, des propriétaires terriens, des mineurs, ou avaient été transformés en chantiers de construction gouvernementaux. Au Brésil, 285 procédures de délimitation des terres autochtones sont au point mort, et seuls six territoires ont été délimités en 2023.
La lenteur de ces procédures est au cœur de nombreux conflits fonciers, qui font des centaines de victimes parmi les autochtones. Entre 2019 et 2022, aucun territoire autochtone n’a été délimité et, selon les données du Conseil missionnaire autochtone (CIMA), plus de 470 autochtones ont été assassinés en raison de conflits fonciers. En outre, en 2022, 176 personnes ont été tuées du fait de conflits impliquant des litiges fonciers.
Au total, la surface des 734 territoires autochtones représente 117 537 905 hectares, soit 13,8 % du territoire national, d’après la Fondation nationale de l’Indien (FUNAI). Si 67,57 % des surfaces sont déjà réservées ou homologuées, un peu plus de 32 % sont bloquées à l’une des phases de la longue procédure de démarcation, dont 16 % au niveau des phases initiales, à savoir les études d’identification.
Le 7 juin, la Cour suprême du Brésil a tenu une session, rouvrant les débats sur la thèse du cadre temporel qui était en discussion depuis 2019. Elle rendra un arrêt dans les mois qui viennent. Des groupes autochtones ont été invités à cette session et organisent des actions de mobilisation partout dans le pays, et particulièrement à Brasilia, afin de tenter d’entraver le vote du projet 2903/2023. La Cour devrait statuer contre le cadre temporel, car celui-ci viole les droits des populations autochtones. En revanche, il est probable que le Sénat cherche à programmer le vote du projet de loi 2903/2023 avant que la Cour suprême ne rende son arrêt afin que les propositions portant sur les restrictions de leurs droits puissent être approuvées.
Nous devons agir maintenant. Les droits des populations autochtones ne peuvent plus attendre !
LETTRE À ENVOYER
Monsieur le Sénateur,
Nous sommes vivement préoccupé·e·s par le projet de loi 2903/2023, qui réforme le statut des populations autochtones (« Estatuto do Índio »), notamment les règles relatives à la délimitation des terres autochtones garanties par la Constitution fédérale. Ce texte pourrait légitimer la « thèse du cadre temporel », selon laquelle les peuples autochtones ont le droit de revendiquer uniquement les territoires qui étaient en leur possession au moment de la promulgation de la Constitution fédérale en 1988.
La thèse du cadre temporel permettra de perpétuer les violations systémiques des droits humains que subissent les populations autochtones au Brésil qui, depuis des siècles, sont expulsées de leurs territoires par le gouvernement brésilien et par des fermiers et propriétaires terriens. Le Brésil compte 285 procédures de démarcation bloquées, ce qui expose des milliers de communautés à de violents conflits fonciers qui, pour la seule année 2022, ont fait 176 morts, selon les données du Conseil missionnaire autochtone (CIMA).
En outre, si ce texte est adopté, cela pourrait donner lieu à une accélération de la déforestation, de l’invasion des terres et de la violence à l’encontre des populations autochtones, puisque les processus de démarcation consolidés pourraient être annulés. Il est essentiel de protéger ce droit pour garantir la survie des peuples autochtones.
On ne peut mettre leurs droits en péril. Le Brésil a des obligations internationales consacrées par des traités et la Constitution en matière de protection et il doit les respecter. Aussi, nous vous prions de rejeter immédiatement ce projet de loi, et de voter en faveur de la population brésilienne et de la protection des peuples autochtones, de toutes les communautés natives, des fragiles écosystèmes et des derniers puits de carbone de la planète qui contribuent à atténuer le réchauffement mondial.
Je vous exhorte, ainsi que tous les membres du Sénat, à rejeter ce projet de loi.
Veuillez agréer, Monsieur le Sénateur, l'expression de ma haute considération.
APPELS À
Rodrigo Pacheco
Président du Sénat
Brasília, DF, CEP: 70165-900, Brésil
Courriel : sen.rodrigopacheco@senado.leg.br
COPIES À
Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Courriel: melanie.joly@parl.gc.ca
Son Excellence M. Pedro Henrique LOPES BORIO
Ambassadeur
Ambassade de la République fédérative du Brésil
450 Wilbrod Street
Ottawa, ON K1N 6M8
Canada
Tel: (613) 237-1090/294-4530 (24h) Fax: (613) 237-6144
Email: Email: brasemb.ottawa@itamaraty.gov.br