• Arabie saoudite

Arabie saoudite. Il faut libérer une femme condamnée à 27 ans de prison pour des tweets

CONTEXTE

Le 25 janvier 2023, le Tribunal pénal spécial siégeant dans la capitale de l’Arabie saoudite, Riyadh, a condamné Salma al Shehab, étudiante en doctorat à l’université de Leeds et mère de deux enfants, à 27 ans de réclusion suivis de 27 ans d’interdiction de voyager, après que la Cour suprême a renvoyé l’affaire devant la chambre d’appel de cette juridiction pour réexamen. Salma al Shehab a été déclarée coupable d’infractions liées au terrorisme à l’issue d’un procès d’une iniquité flagrante pour avoir publié des tweets soutenant les droits des femmes. Les autorités saoudiennes doivent la libérer immédiatement et sans condition et annuler sa déclaration de culpabilité et sa condamnation.

Salma al Shebab a été prise pour cible par les autorités pour avoir utilisé Twitter afin de suivre, de faire connaître et de soutenir des militantes des droits des femmes, parmi lesquelles Loujain al Hathloul qui a été condamnée en 2018, à une peine d’emprisonnement à l’issue d’un procès contraire aux règles d’équité les plus fondamentales devant le Tribunal pénal spécial pour « espionnage pour des instances étrangères » et « conspiration contre le royaume ». Celle-ci a été libérée en février 2021.

En 2022, Amnistie internationale a recensé les cas de 15 personnes condamnées à des peines d’emprisonnement comprises entre 10 et 45 ans, uniquement pour des activités pacifiques en ligne, notamment la plus lourde peine probablement jamais infligée à une femme saoudienne pour s’être exprimée pacifiquement en ligne. Par ailleurs, l’Arabie saoudite a infiltré au moins une entreprise de réseaux sociaux pour obtenir illégalement des informations contre des dissident·e·s et contrôler les informations diffusées en ligne au sujet du royaume. Les 15 personnes concernées ont été jugées par le Tribunal pénal spécial, créé à l’origine pour traiter les affaires de terrorisme. Afin de les poursuivre en justice, ce tribunal s’est appuyé sur des dispositions vagues des lois de lutte contre la cybercriminalité et le terrorisme, qui assimilent l’expression pacifique et l’activité en ligne au « terrorisme ». Amnistie internationale a recueilli des informations attestant que chaque étape de la procédure judiciaire devant le Tribunal pénal spécial est entachée de violations des droits humains. Ces personnes ont été soumises à toute une série de violations des droits humains durant leur détention : elles ont notamment été détenues au secret et à l’isolement, souvent pendant plusieurs mois d’affilée et privées de la possibilité de consulter un avocat tout au long de leur détention provisoire. Certaines ont été visées par des interdictions arbitraires de voyager, en violation du droit international relatif aux droits humains.

La répression de l’expression en ligne n’est que l’un des outils dont disposent les autorités saoudiennes pour museler la dissidence. Au 31 mars 2023, Amnistie internationale avait rassemblé des informations sur les cas d’au moins 67 personnes poursuivies pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, parmi lesquelles des défenseur·e·s des droits humains, des militant·e·s politiques pacifiques, des journalistes, des poètes et des dignitaires religieux, dont 32 pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions sur les réseaux sociaux. Le nombre réel de ces poursuites est probablement beaucoup plus élevé.

LETTRE À ENVOYER

Monsieur le Ministre,

J’ai appris avec une grande inquiétude que le Tribunal pénal spécial siégeant à Riyadh avait de nouveau condamné Salma al Shehab, universitaire et mère de deux enfants, cette fois à 27 ans de réclusion suivis de 27 ans d’interdiction de voyager, le 25 janvier, après que la Cour suprême a renvoyé l’affaire devant la chambre d’appel de cette juridiction pour réexamen. Elle a une nouvelle fois été déclarée coupable d’infractions liées au terrorisme, notamment d’avoir « soutenu des personnes cherchant à perturber l’ordre public, à déstabiliser la sécurité et la stabilité de l’État » et d’avoir publié des tweets qui « troublent l’ordre public, déstabilisent la sécurité de la société et la stabilité de l’État ». Ces chefs d’inculpation ont été retenus contre elle uniquement parce qu’elle a exercé pacifiquement son droit à la liberté d'expression en publiant sur son compte Twitter des messages défendant les droits des femmes. Elle observe une grève de la faim depuis le 23 mars pour protester contre sa détention arbitraire et l’iniquité de son procès.

Le procès de Salma al Shehab a débuté le 25 octobre 2021. Selon les documents judiciaires examinés par Amnistie internationale, elle a été détenue à l’isolement pendant 285 jours avant l’ouverture de son procès, en violation des normes internationales d’équité et du Code de procédure pénale saoudien lui-même. Elle a été privée d’assistance juridique tout au long de sa détention provisoire, y compris durant ses interrogatoires.

En mars 2022, le Tribunal pénal spécial a condamné Salma al Shehab à six ans d’emprisonnement au titre de la Loi de lutte contre le terrorisme. Lors de son procès en appel, en août 2022, le parquet a requis une sanction plus lourde. Le Tribunal pénal spécial a alors alourdi sa peine à 34 années. Salma al Shehab a de nouveau fait appel du jugement et, en janvier 2023, la Cour suprême a renvoyé l’affaire devant la chambre d’appel du Tribunal pénal spécial pour réexamen. Le tribunal a abandonné les charges relevant de la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité, mais confirmé celles retenues au titre de la Loi de lutte contre le terrorisme pour la condamner finalement à 27 ans d’emprisonnement.

Je vous appelle à ordonner la libération immédiate et sans condition de Salma al Shehab et l’annulation de sa déclaration de culpabilité et de sa condamnation, car elle est détenue uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression. Je vous demande également de cesser d’assimiler l’exercice de la liberté d’expression au « terrorisme », d’abroger ou de modifier en profondeur la Loi de lutte contre le terrorisme et la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité, qui érigent en infraction la dissidence pacifique, et d’adopter de nouvelles lois qui soient pleinement conformes aux normes internationales relatives aux droits humains.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.

APPELS À

Waleed Mohammed Al Smani, Minister of Justice
Riyadh Arabie saoudite
Postal Code 11472, P.O. Box 7775
Courriel: minister-office@moj.gov.sa
 

COPIES À

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca 

 

M. Abdulaziz Mohammed H. ALBADI
Chargé d'affaires
Ambassade du Royaume d'Arabie saoudite
201 Sussex Drive
Ottawa, ON K1N 1K6
Canada
Tel: (613) 237-4100 Fax: (613) 237-0567
Email: caemb@mofa.gov.sa