• Algérie

Le journaliste condamné à cinq ans d'emprisonnement doit être libéré

CONTEXTE

Le 2 avril, le tribunal de Sidi M'hamed à Alger a condamné l’éminent journaliste algérien Ihsane El Kadi à cinq années d’emprisonnement, dont deux avec sursis, ainsi qu’à une amende de 700 000 dinars algériens (environ 5 150 dollars des États-Unis) ; le tribunal a également prononcé la dissolution de son entreprise de médias qui est l’une des dernières entreprises de média indépendante du pays, et condamné cette dernière à une amende de 10 millions de dinars algériens (environ 73 862 dollars des États-Unis). Ihsane El Kadi a été déclaré coupable d’avoir reçu des fonds à des fins de propagande politique et d’avoir porté atteinte à la sûreté de l’État, uniquement parce qu’il a investi dans son entreprise de médias l’argent que sa fille lui avait envoyé et exercé ses activités de journaliste. Sa condamnation constitue une violation flagrante de son droit à la liberté d’expression et la dernière illustration en date de l’emprise croissante exercée par les autorités algériennes sur les voix critiques et les médias indépendants. Ce journaliste doit être libéré immédiatement et sans condition, et sa déclaration de culpabilité doit être annulée.

Ihsane El Kadi est journaliste et il est aussi le directeur et fondateur d’Interface Médias, qui comprend les médias Radio M et Maghreb Emergent. Ihsane El Kadi a rédigé plusieurs articles critiquant ouvertement les autorités algériennes qui ont réagi en le harcelant et en s’en prenant à ses médias. Les sites Internet de Radio M et de Maghreb Emergent ont tous les deux été bloqués en Algérie en 2020. À plusieurs reprises depuis 2021, les services de sécurité ont convoqué Ihsane El Kadi pour l’interroger au centre Antar, à Alger.

Des agents des services de sécurité ont arrêté Ihsane El Kadi à son domicile le 24 décembre 2022 et l’ont emmené, menotté, au siège de son média, où ils ont ordonné au personnel de quitter les lieux, saisi les ordinateurs ainsi que d’autres matériels et apposé les scellés sur les portes, sans fournir aucune explication et sans l’informer des accusations motivant son arrestation. Les forces de sécurité ont détenu Ihsane El Kadi pendant cinq jours et l’ont interrogé au sujet de ses publications.

Le 29 décembre 2022, un juge d’instruction du tribunal de première instance de Sidi M’hamed à Alger a ordonné son incarcération à la prison d’El Harrach à la suite de son inculpation par le parquet au titre de plusieurs dispositions du Code pénal, notamment pour avoir reçu des fonds susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’État, pour avoir reçu des fonds étrangers à des fins de propagande politique, et pour avoir diffusé ou vendu de la propagande dans le but de porter atteinte aux intérêts nationaux (ce dernier chef d’inculpation a par la suite été abandonné). Il a également été accusé d’avoir violé l’ordonnance n° 77-3 qui date de 1977 et qui prévoit l’obligation d’obtenir l’autorisation préalable du gouverneur ou du ministre de l’Intérieur pour pouvoir procéder à une collecte de fonds. Le 15 janvier 2023, un juge du tribunal de Sidi M’hamed a prolongé la période de détention provisoire d’Ihsane El Kadi en l’absence de l’avocat de ce dernier, ce qui constitue une violation de ses droits à une procédure équitable.

Deux tribunaux algériens avaient auparavant poursuivi Ihsane El Kadi en février et mars 2022 pour « terrorisme », entre autres, parce qu’il avait des contacts avec Zaki Hannache et Tahar Khouas, deux défenseurs des droits humains qui ont été détenus en Algérie pendant plusieurs semaines. Les charges retenues contre lui ont été abandonnées, mais en juin 2022, il a été condamné à six mois d’emprisonnement dans une troisième affaire à cause d’un article qu’il avait écrit en 2021 au sujet du rôle du parti politique non reconnu, Rachad dans le mouvement de protestation du Hirak, à la suite d’une plainte déposée contre lui par le ministre de la Communication.

Les dernières poursuites en date engagées contre Ihsane El Kadi s’inscrivent dans le cadre de l’intensification, en Algérie, de la répression qui s’est renforcée ces deux dernières années, les autorités algériennes s’en prenant sans relâche aux journalistes et aux voix critiques indépendantes. La répression exercée par les autorités algériennes contre celles et ceux qui les critiquent ne montre aucun signe de fléchissement. Ces deux dernières années, au moins 280 journalistes, blogueurs·euses, militant·e·s et défenseur·e·s des droits humains ont été harcelés et illégalement incarcérés pour des infractions liées à l’exercice pacifique de leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

LETTRE À ENVOYER

Monsieur le Président de la République,

Je vous écris pour vous faire part de mes vives préoccupations au sujet de la condamnation du journaliste Ihsane El Kadi à cinq années d’emprisonnement et à une amende de 700 000 dinars algériens sur la base d’accusations vagues et forgées de toutes pièces utilisées pour réprimer pénalement les activités journalistiques.

Le 2 avril, le tribunal de première instance de Sidi M’hamed à Alger a déclaré Ihsane El Kadi coupable d’avoir reçu des fonds à des fins de propagande politique et d’avoir porté atteinte à la sûreté de l’État, au titre des articles 95 et 95 bis respectivement du Code pénal. Selon son avocat, ces accusations concernent l’argent que sa fille lui a envoyé et qu’il a investi dans son entreprise de médias, ce qui ne constitue pas une infraction pénale au regard de la législation algérienne. La cour n’a présenté aucun élément prouvant que l’entreprise d’Ihsane El Kadi se livrait à de la propagande politique ou qu’elle portait atteinte à la sûreté de l’État, ce qui signifie que les accusations retenues contre lui sont sans fondement.

Le 2 avril, le tribunal de Sidi M’Hamed a prononcé la dissolution d’Interface Médias, l’entreprise d’hsane El Kadi, qui comprend Radio M et Maghreb Emergent, et condamné cette société à payer à titre de dommages et intérêts à l’organe algérien de régulation de l’audiovisuel une amende de 10 millions de dinars, à l’issue d’une action au civil engagée par les autorités contre Interface Médias pour exploitation d’un service de communication audiovisuelle sans autorisation. Il s’agit là de la dernière illustration en date, parmi de nombreux autres exemples, des restrictions de la liberté des médias imposées par les autorités algériennes et des sanctions qu’elles exercent contre les voix dissidentes.

Des membres des services de sécurité en civil ont arrêté Ihsane El Kadi à son domicile, sans présenter de mandat, le 24 décembre 2022. Son arrestation est intervenue immédiatement après qu’il eut publié un article présentant ses prédictions pour la prochaine élection présidentielle de 2024 et soulignant le rôle de l’armée algérienne dans la répression de la liberté d’expression en Algérie. Les autorités algériennes avaient auparavant visé à plusieurs reprises Ihsane El Kadi en le soumettant à un harcèlement judiciaire et en l’interrogeant au sujet de ses activités journalistiques. Ihsane El Kadi est incarcéré à la prison d'El Harrache, à Alger.

Je vous prie instamment de libérer immédiatement et sans condition Ihsane El Kadi et d’annuler sa déclaration de culpabilité. Je vous demande également de mettre fin à la censure et à la répression ciblée exercées contre les médias et journalistes indépendants en Algérie au moyen d’articles du Code pénal rédigés en termes vagues qui sont utilisés pour violer le droit à la liberté d’expression.

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l'expression de ma très haute considération.

APPELS À

Président de la République algérienne
Abdelmadjid Tebboune
Présidence de la République
Place Mohammed Seddik Benyahia, El Mouradia,
Alger 16000, Algérie
Fax : +213021691595
Courriel : President@el-mouradia.dz
 

COPIES À

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca 

Son Excellence M. Noureddine BARDAD DAIDJ
Ambassadeur
Ambassade de la République algérienne démocratique et populaire
500 Wilbrod Street 
Ottawa, ON K1N 6N2 
Canada
Tel: (613) 789-8505; -0282 Fax: (613) 789-1406
Email: info@embassyalgeria.ca