Le frère emprisonné d'un militant observe une grève de la faim

CONTEXTE
Le 16 février 2023, Abderrahmane Zitout, commerçant algérien et père de quatre enfants a entamé sa troisième grève de la faim depuis le début de son incarcération pour protester contre son maintien prolongé en détention provisoire qui a dépassé maintenant 324 jours. Il languit en détention arbitraire, à la prison d’El Harrach depuis le 5 avril 2022 sur la base d’accusations forgées de toutes pièces dans une affaire liée au militantisme politique et à l’appartenance de son frère à un groupe d’opposition politique, Rachad que les autorités algériennes qualifient d’organisation terroriste. Les autorités doivent abandonner les charges dénuées de fondement qui pèsent sur Abderrahmane Zitout et le libérer immédiatement et sans condition.
Abderrahmane Zitout, âgé de 40 ans, possède une boutique de vêtements à Laghouat, une ville du nord de l’Algérie située à environ 400 km d’Alger où il vit avec son épouse et leurs quatre enfants.
Le 30 mars 2022, des policiers ont effectué une descente à son domicile et dans son commerce et l’ont arrêté. Placé en détention au secret pendant cinq jours, il a été interrogé pendant de longues heures au sujet de sa relation avec son frère. Ce dernier, Mohamed Larbi Zitout, est un ancien diplomate et membre fondateur de Rachad, mouvement politique que les autorités algériennes ont classé comme organisation terroriste en février 2022. Il est également l’un des membres fondateurs des organisations de défense des droits humains Alkarama et Justitia Universalis (aujourd’hui fermée).
Le 5 avril 2022, un juge du tribunal de Sidi M’hamed, à Alger, a ordonné le placement d’Abderrahmane Zitout en détention provisoire. Le 17 avril, le procureur a inculpé Abderrahmane Zitout de quatre chefs d’accusation au titre du Code pénal. Il demeure détenu provisoirement depuis lors. Il n’est pas autorisé à téléphoner à sa famille ni à ses avocats. Il ne peut recevoir qu’une visite de ses proches tous les 15 jours pendant 15 minutes et ses avocats sont autorisés à lui rendre visite. La date de son procès n’a encore pas été fixée.
Les autorités algériennes se servent de la classification de Rachad comme organisation terroriste pour engager des poursuites contre de nombreuses personnes qui en sont membres en invoquant des infractions liées au terrorisme, notamment au titre de l’article 87 bis qui emporte la peine de mort et définit le terrorisme de manière vague comme tout acte « visant la sûreté de l'État, l’unité nationale et la stabilité et le fonctionnement normal des institutions[1] ». En mars 2022, les autorités espagnoles ont expulsé le militant et lanceur d’alerte algérien Mohamed Benhlima en raison de ses liens supposés avec Rachad[2]. En septembre 2021, un juge d’Alger a interrogé le journaliste et militant Hassan Bouras sur ses liens présumés avec cette même organisation[3].
Selon la retranscription des audiences par ses avocats qu’Amnistie internationale a pu consulter, les autorités ont utilisé des conversations qu’Abderrahmane Zitout a partagées sur Facebook Messenger et des « aveux » arrachés sous la contrainte à l’ancien militaire devenu lanceur d’alerte Mohamed Benhlima indiquant que Mohamed Larbi Zitout avait envoyé de l’argent à Abderrahmane Zitout pour ouvrir une boutique en Algérie, qu’ils ont retenus à titre de preuves pour l’inculper de terrorisme. Depuis juillet 2022, la mère, les sœurs et les neveux d’Abderrahmane Zitout sont persécutés et fréquemment convoqués au poste de police pour des interrogatoires centrés sur leur relation familiale avec Mohamed Larbi Zitout.
[1] Algérie. Il faut cesser d’invoquer de fausses accusations de terrorisme pour poursuivre en justice militant·e·s pacifiques et journalistes
LETTRE À ENVOYER
Monsieur le Président,
Je vous écris pour vous faire part de mon inquiétude face au maintien prolongé en détention provisoire arbitraire d’Abderrahmane Zitout dans la prison d’El Harrach, à Alger, depuis le 5 avril 2022. Son état de santé s’est gravement détérioré depuis son incarcération et il a été privé de soins médicaux jusqu’à son hospitalisation à l’issue de sa deuxième grève de la faim en août 2022.
Le 17 avril 2022, un procureur de tribunal de première instance de Sidi M’hamed a inculpé Abderrahmane Zitout de « participation à une organisation terroriste » (article 87 bis du Code pénal), de « diffusion de fausses informations portant atteinte à l’unité nationale » (article 196 bis), de « réception de fonds provenant de l’extérieur du pays dans l’intention de mener des actions qui compromettent la sécurité de l’État » (article 95 bis), « incitation au rassemblement » (article 100) et d’« outrage envers un organe officiel » (article 144). Aucune date n’a été fixée pour son procès et, dans l’attente, il demeure détenu à la prison d’El Harrach située à 400 km de son domicile. Les charges retenues contre lui reposent sur des « aveux » arrachés sous la contrainte à Mohamed Benhlima, ancien militaire devenu lanceur d’alerte qui aurait déclaré que le frère d’Abderrahmane Zitout, Mohamed Larbi, lui avait envoyé de l’argent pour ouvrir une boutique en Algérie et aurait évoqué la relation entre les deux frères et la participation d’Abderrahmane Zitout au mouvement de protestation du Hirak ainsi que certaines conversations d’Abderrahmane Zitout sur Facebook Messenger au sujet des manifestations du Hirak.
Le 16 février, Abderrahmane Zitout a entamé une grève de la faim pour protester contre sa détention arbitraire depuis plus de dix mois. En août 2022, après une grève de la faim qui a duré 20 jours, Abderrahmane Zitout a été hospitalisé pendant 11 jours pour de graves problèmes de santé. Sa famille n’a pas eu accès à son dossier médical. Abderrahmane Zitout est en fauteuil roulant depuis son arrivée en prison à cause de ses problèmes de dos, notamment une hernie discale qui n’ont pas été traités. Une source proche de lui a indiqué à Amnistie internationale qu’il avait perdu environ 10 kg en prison et qu’elle craignait pour sa vie.
Je vous appelle à abandonner immédiatement toutes les accusations infondées retenues contre Abderrahmane Zitout et à le libérer immédiatement et sans condition. Dans l’attente de sa libération, je vous prie instamment de permettre son hospitalisation afin que ses problèmes de santé soient pris en charge comme il se doit.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.
APPELS À
Président de la République algérienne
Abdelmadjid Tebboune
Présidence de la République
Place Mohammed Seddik Benyahia, El Mouradia,
Alger 16000, Algérie
Fax : +213021691595
Courriel : President@el-mouradia.dz
COPIES À
Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel: melanie.joly@parl.gc.ca
Son Excellence M. Noureddine BARDAD DAIDJ
Ambassadeur
Ambassade de la République algérienne démocratique et Populaire
500 Wilbrod Street
Ottawa, ON K1N 6N2
Canada
Tel: (613) 789-8505; -0282 Fax: (613) 789-1406
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