• Porto Rico

Il faut protéger l’accès à l’avortement

CONTEXTE

Un projet de loi récemment publié vise à interdire l’avortement à partir de la 22e semaine de grossesse, ou dès lors qu’un médecin a déterminé que le fœtus était viable, la seule exception prévue étant le cas où la vie de la personne enceinte est en danger. En vertu du droit international, toute restriction à l’accès à l’avortement doit être respectueuse des droits humains. Amnistie internationale appelle de toute urgence à la tenue d’audiences publiques objectives et à un examen approfondi de ce projet de loi à la lumière des droits humains.

En 1973, la Cour suprême des États-Unis statuait que l’avortement était légal en rendant l’arrêt historique Roe c. Wade. À Porto Rico, les restrictions légales à l’accès à l’interruption de grossesse sont actuellement limitées. L’avortement peut avoir lieu à n’importe quel stade de la grossesse lorsqu’il est pratiqué par un médecin pour préserver la vie ou la santé, y compris la santé mentale, de la personne enceinte.
Cependant, un projet de loi récemment publié, s’il était adopté, restreindrait l’accès à l’avortement à partir de la 22e semaine de grossesse, ou dès lors qu’un médecin a déterminé que le fœtus était viable, la seule exception prévue étant le cas où la vie de la personne enceinte est en danger. 


Ce nouveau projet de loi intervient alors que des groupes anti-avortement, aux États-Unis, font assaut de recours judiciaires pour tenter de restreindre l’accès à l’interruption volontaire de grossesse. Au cours de la seule année 2021, plus de 100 restrictions à l’avortement ont été instaurées un peu partout aux États-Unis, selon le Guttmacher Institute.


Le ministère de la Santé et le ministère de la Justice de Porto Rico ont exprimé des inquiétudes au sujet du nouveau projet de loi, qui, entre autres, prévoit la création d’un registre officiel destiné à recueillir des informations sur les personnes qui avortent pendant la période au cours de laquelle le fœtus est considéré comme viable, sur le motif de l’avortement, ainsi que sur les professionnel·le·s de santé pratiquant l’intervention, ce qui risque de porter atteinte au droit à la vie privée et à la confidentialité des personnes optant pour un avortement ou d’exposer ces personnes ou les professionnel·le·s de santé à des sanctions ou à une stigmatisation.


Des recherches dans les domaines de la santé publique et des sciences sociales ont montré que la réglementation de l’avortement par l’imposition de délais d’interruption de grossesse - ou la mise en place de « restrictions relatives à l’avancement de la gestation » - pouvaient constituer un obstacle arbitraire et discriminatoire à l’accès aux services en matière d'avortement, affectant de manière disproportionnée les droits humains des femmes et des filles. Les conséquences négatives des délais d’interruption de grossesse sur l’accès à des soins publics de qualité sont reconnues par l’OMS.


Pour être conformes aux droits humains, les délais d'interruption de grossesse doivent respecter et protéger les droits des femmes, des filles et de toutes les autres personnes pouvant être enceintes, notamment leurs droits à la vie, à la santé, à l'intégrité corporelle et à l’autonomie en matière de procréation.


Les délais d'interruption de grossesse peuvent priver des personnes ayant besoin d’un avortement de l’accès aux services en la matière et touchent de manière disproportionnée les personnes issues de milieux pauvres et/ou marginalisés. Par ailleurs, les professionnel·le·s de santé peuvent aussi être arbitrairement mis dans l’impossibilité d’envisager toutes les options médicales et cliniques dans l’intérêt supérieur de leurs patientes, et ont tendance à rester bien en deçà des délais fixés par la loi en raison de l’effet dissuasif que ceux-ci peuvent avoir.


Les personnes qui recourent à l’avortement aux États-Unis sont disproportionnellement pauvres ou à faible revenu. Cependant, les avortements au cours des derniers stades de la grossesse sont plutôt rares. Ainsi, aux États-Unis, la plupart des avortements interviennent en début de grossesse. Aux États-Unis, en 2016, 1,3 % seulement des avortements ont eu lieu au-delà de la 21e semaine. De même, à Porto Rico, selon une communication du ministère de la Santé, la plupart des avortements sont pratiqués avant la 14e semaine de grossesse.


Pourtant, certaines personnes peuvent avoir besoin de recourir à l’avortement à des stades plus tardifs de la grossesse pour des raisons importantes, par exemple (1) lorsque la grossesse présente un risque pour la santé de la personne enceinte, (2) en cas de malformation fœtale, (3) lorsque la grossesse est consécutive à un inceste et/ou à des violences sexuelles, (4) lorsque la femme ou fille enceinte n’avait pas connaissance de sa grossesse ou (5) avait un accès limité aux soins de santé sexuelle et procréative et/ou aux services d’avortement, ou encore (6) si la personne enceinte se trouvait dans une situation de violence domestique ou avait été victime de la traite et sa liberté de mouvement était restreinte. 


Le ministère de la Santé de Porto Rico, dans une communication en date du 17 mars 2022 au sujet du projet de loi, a évoqué une série d’autres situations dans lesquelles une femme pourrait avoir besoin de recourir à l’avortement à des stades plus tardifs de la grossesse, notamment si son corps est encore en pleine croissance et si elle n'a jamais été enceinte auparavant et ne sait pas interpréter les sensations liées à la grossesse, ou si elle est en pré-ménopause et pense ne plus pouvoir être enceinte.


Le droit international relatif aux droits humains et les normes internationales en la matière exigent des États qu’ils garantissent l’accès à un avortement sûr et légal afin de protéger la vie et la santé des femmes et des filles à tous les stades de la grossesse, sans discrimination. Le Conseil des droits de l’homme, dans son Observation générale n° 36 sur le droit à la vie, a interdit aux États de réglementer l’avortement d’une manière contraire à leur obligation de veiller à ce que les femmes et les filles n’aient pas à recourir à un avortement non sécurisé.
 

LETTRE À ENVOYER

Madame la Sénatrice,


Actuellement, à Porto Rico, il existe peu de restrictions légales à l’accès à l’avortement, qui peut avoir lieu à n’importe quel stade de la grossesse lorsqu’il est pratiqué par un médecin pour préserver la vie ou la santé, y compris la santé mentale, de la personne enceinte.


Cependant, un projet de loi récemment publié prévoit de restreindre l’accès à l’avortement à partir de la 22e semaine de grossesse, ou dès lors qu’un médecin a déterminé que le fœtus était viable, la seule exception prévue étant le cas où la vie de la personne enceinte est en danger. Cette loi ne permettrait pas d’avorter à partir de la 22e semaine de grossesse dans d’autres circonstances, par exemple en cas de malformation fœtale ou de grossesse consécutive à un inceste et/ou à des violences sexuelles, ou encore si la personne enceinte n’avait pas connaissance de sa grossesse ou avait un accès limité aux soins de santé sexuelle et procréative et/ou aux services d’avortement.


Restreindre l’accès à l’avortement constituerait une régression des droits et un obstacle à l’accès aux services de santé publique, ce qui risquerait d’avoir des conséquences disproportionnées pour les femmes et les autres personnes enceintes confrontées à des situations graves - comme les personnes qui ont besoin d’avorter pour des raisons médicales afin de préserver leur santé, ou qui ont été victimes de violences sexuelles ou de la traite et qui n’étaient pas en mesure de recourir à l’avortement plus tôt - ainsi que les personnes qui sont déjà historiquement marginalisées et pour qui l’accès à l’avortement peut être plus difficile, faute de ressources financières, par exemple.


Je vous écris pour vous appeler à prendre position contre toute régression de la protection des droits humains des femmes, des filles et de toutes les autres personnes qui peuvent être enceintes. Une première étape consiste à veiller à ce que toute audience publique consacrée au projet de loi n° 693 soit objective, en d’autres termes, à ce que toutes les interventions des diverses parties prenantes soient entendues de manière équitable, et soumises à un examen approfondi sous l’angle des droits humains. Cela contribuerait à garantir une procédure appropriée et à éviter des conséquences néfastes potentiellement graves pour les droits à la vie, à la santé et à la vie privée des filles, des femmes et de toutes les autres personnes pouvant être enceintes.


Le droit international relatif aux droits humains et les normes internationales en la matière exigent des États qu’ils garantissent l’accès à un avortement sûr et légal afin de protéger la vie et la santé des femmes et des filles à tous les stades de la grossesse, sans discrimination. Le Conseil des droits de l’homme, dans son Observation générale n° 36 sur le droit à la vie, a interdit aux États de réglementer l’avortement d’une manière contraire à leur obligation de veiller à ce que les femmes et les filles n’aient pas à recourir à un avortement non sécurisé. La capacité à prendre des décisions au sujet de son corps, de sa sexualité et de la procréation est au cœur de la justice sociale et économique et de l’égalité des genres, et les États ne doivent pas légiférer dans le but de supprimer des droits humains, y compris des droits en matière de sexualité et de procréation. 


Veuillez agréer, Madame la Sénatrice, l'expression de ma haute considération,
 

APPELS À

Présidente de la Commission Vie et Famille du Sénat
Hon. Joanne Rodríguez Veve
Senate of Puerto Rico
Senado - El Capitolio, San Juan, Porto Rico 00902-3431
Courriel : joarodriguez@senado.pr.gov ET info@joannerodriguezveve.com ET emartinez@senado.pr.gov

COPIES À

 

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca