Les attaques contre la minorité bahai’e d'Iran se multiplient

CONTEXTE
La minorité baha’ie d’Iran, victime de persécutions, voit se multiplier les violations de ses droits fondamentaux. Depuis le 31 juillet 2022, les autorités ont fait des descentes dans des dizaines de maisons appartenant à des personnes baha’ies, ont arrêté au moins 30 personnes et ont soumis de nombreuses autres à des interrogatoires, au port d’un bracelet électronique à la cheville et à des menaces d’emprisonnement en raison de leur religion. Les saisies et les démolitions de biens immobiliers baha’is ont aussi fortement augmenté.
Sur les 30 personnes baha’ies arrêtées arbitrairement par des agents du ministère du Renseignement depuis le 31 juillet 2022, neuf ont été libérées après avoir versé de fortes cautions et neuf autres après s’être vu imposer le port à la cheville d’un bracelet électronique restreignant leur liberté de mouvement. Les 12 autres sont maintenues en détention. Les arrestations ont eu lieu dans diverses villes et autres localités, dont Ghazvin, Karaj, Mahshahr, Roshankouh, Sari, Chiraz, Téhéran et Yazd. Parmi les personnes appréhendées le 31 juillet figurent des membres de premier plan de la communauté baha’ie et anciens prisonniers d’opinion : Mahvash Sabet, Fariba Kamalabadi et Afif Naimi, qui sont toujours derrière les barreaux.
À Chiraz, les 26 hommes et femmes baha’is qui risquent d’être emprisonnés injustement, un tribunal les ayant déclarés coupables d’accusations liées à leur identité en tant que membres de la communauté baha’ie, sont les suivants : Saeed Hasani, Shadi Sadegh Aghdam, Shamim Akhlaghi, Sahba Farahbakhsh, Parisa Ruhizadegan, Esmail Rusta, Bahareh Norouzi, Behnam Azizpour, Samareh Ashnaie, Farbod Shadman, Farzad Shadman, Ramin Shirvani, Rezvan Yazdani, Soroush Iqani, Sahba Moslehi, Ahdieh Enayati, La’la Salehi, Mozhgan Gholampour, Marjan Gholampour, Maryam Eslami Mahdiabadi, Mahyar Sefidi Miandoab, Nabil Tahzeeb, Noushin Zanhari, Yekta Fahandej Saadi, Varga Kaviani et Nasim Kashaninejad.
Selon les médias contrôlés par l’État, les institutions impliquées dans les démolitions du 2 août 2022 étaient notamment le bureau du procureur de Sari (province du Mazandéran), le ministère de l’Effort agricole, l’Organisation des ressources naturelles, le ministère de la Justice et le Commandement des forces de l’ordre de la République islamique d’Iran. Selon des victimes interrogées par Amnistie internationale, le village de Roshankouh, pendant des dizaines d’années, s’est composé d’environ 70 maisons baha’ies et de moins de 10 maisons appartenant à des familles musulmanes. En 2016, les autorités locales ont défini les limites du village et ont décrété que plus de la moitié des 70 maisons baha’ies étaient situées dans des zones paysagères protégées appartenant à l’État, malgré les titres de propriété et les cartes aériennes montrant que ce n’était pas le cas. Depuis lors, les autorités ont refusé à maintes reprises de délivrer des permis de construire aux familles qui possèdent des terrains dans le quartier résidentiel historique du village et qui souhaitent soit construire de nouvelles maisons, soit rénover et agrandir de vieilles bâtisses en mauvais état. Les autorités ont également refusé de raccorder 30 à 40 foyers baha’is au réseau de gaz. En octobre 2020, les autorités locales ont classé dans la catégorie des forêts protégées une douzaine d’hectares de terrain, qu’environ huit personnes baha’ies exploitaient pour en tirer des moyens de subsistance, et ont installé un panneau indiquant qu’il était interdit de cultiver ces terres et que des poursuites seraient engagées en cas d’infraction. En août 2021, les autorités ont démoli deux maisons en cours de construction qui appartenaient à des personnes baha’ies. En novembre 2021, elles ont saisi environ un hectare de terre, qui faisait vivre deux familles paysannes baha’ies.
Dans une affaire distincte, la 1ère chambre du tribunal révolutionnaire de Semnan, dans un jugement en date du 30 janvier 2022, a approuvé une requête du Siège de l’application de l’ordre de l’imam Khomeini, un organisme sous le contrôle du guide suprême de l’Iran, demandant la saisie de 18 propriétés situées dans la province de Semnan, qui appartiennent à six personnes baha’ies. Cette décision de justice, qu’Amnistie internationale a examinée, justifiait la saisie en affirmant que les propriétaires étaient des personnalités baha’ies qui avaient l’intention de vendre ou de louer ces propriétés pour soutenir financièrement « les objectifs organisationnels illégaux [...] de la pernicieuse secte baha’ie. » La 54e chambre de la Cour d’appel de la province de Téhéran a confirmé le jugement le 25 juin 2022. Ces 10 dernières années, les autorités locales de Semnan ont contraint au moins 20 commerces baha’is à fermer leurs portes, ont saisi le matériel de deux unités de fabrication baha’ies qu’elles ont également fait fermer, et ont saisi des terres ou bloqué l'accès à des terres appartenant à deux entreprises baha’ies dédiées à l’agriculture et à l’élevage.
Depuis des dizaines d’années, les autorités iraniennes accusent de manière infondée des membres de la communauté baha’ie de mener des activités d’espionnage pour le compte d’Israël, pour le seul motif que le Centre mondial baha’i est situé à proximité de Haïfa, en Israël, où se trouvent les mausolées des fondateurs de la religion baha’ie. Les saisies de biens baha’is et les fermetures forcées d’entreprises baha’ies s’inscrivent dans le cadre d’une politique officielle, adoptée par le Conseil suprême de la révolution culturelle et approuvée par le Guide suprême de l’Iran en 1991, qui prévoit, « en ce qui concerne la question des baha’is [...], que les interactions de l’État avec eux doivent viser à bloquer leur avancement et leur développement ». De plus, selon cette politique, ces personnes « doivent être privées d’emploi si elles s’identifient en tant que baha’ies » et « privées de toute position d'influence, par exemple dans le secteur de l’éducation ».
LETTRE À ENVOYER
Messieurs,
Les autorités iraniennes multiplient les attaques contre les droits fondamentaux de la minorité baha’ie d’Iran, victime de persécutions. Depuis le 31 juillet 2022, les autorités ont fait des descentes dans des dizaines de maisons appartenant à des personnes baha’ies et y ont saisi des objets de valeur, ont arrêté arbitrairement au moins 30 personnes et ont soumis de nombreuses autres à des interrogatoires, au port d’un bracelet électronique à la cheville et à des menaces d’emprisonnement, au seul motif de leur religion. Le ministère du Renseignement a annoncé le 1er août que les personnes appréhendées étaient des « éléments centraux du réseau d’espionnage baha’i » qui « propageaient les enseignements baha’is » et « cherchaient à infiltrer [...] le secteur de l’éducation un peu partout dans le pays, en particulier les écoles maternelles ». D’après la Communauté internationale baha’ie (BIC), au moins 68 personnes sont actuellement derrière les barreaux en raison de leur foi, dont certaines depuis 2013. Selon les Nations unies, plus de 1 000 personnes baha’ies risquent actuellement d’être jetées en prison, dont 26 personnes à Chiraz, qui ont été condamnées en juin 2022 à des peines d’emprisonnement d’une durée allant jusqu’à cinq ans, à l’issue d’un procès collectif inique.
Les saisies de biens fonciers baha’is ont elles aussi fortement augmenté. Le 2 août, les autorités ont détruit au bulldozer six maisons appartenant à des personnes baha’ies et saisi plus de 20 hectares de terres appartenant à 25 personnes baha’ies dans le village de Roshankouh (province du Mazandéran), privant ainsi de leur source de revenus au moins 18 personnes baha’ies qui exploitaient ces terrains. Selon les médias contrôlés par l’État, les démolitions ont eu lieu en présence de plusieurs hauts responsables du parquet et de l’exécutif. Trois victimes ont dit à Amnistie internationale que plus de 200 membres des forces de sécurité, dont des agents du renseignement en civil et des policiers antiémeute, avaient bouclé le village et barré sa route d’accès de 6 heures du matin à 16 heures. Les victimes ont indiqué que les forces de l’ordre avaient confisqué les téléphones portables des habitant·e·s pour les empêcher de filmer les événements et avaient battu et/ou aspergé de gaz poivre plus de 20 personnes, dont plusieurs hommes âgés, qui s'étaient rassemblées pacifiquement pour protester contre les démolitions. Les forces de sécurité ont tiré en l’air pour disperser la foule et ont maintenu deux hommes en garde à vue pendant plusieurs heures après les avoir roués de coups. Depuis 2016, les autorités tentent de prendre possession de propriétés baha’ies à Roshankouh, affirmant de manière fallacieuse qu’elles empiètent sur des zones paysagères protégées. Dans le cadre d’une autre affaire, une cour d’appel a confirmé, le 25 juin, une décision de justice autorisant la saisie de 18 propriétés appartenant à des personnes baha’ies dans la province de Semnan, au motif que celles-ci étaient des membres de premier plan de la « secte baha’ie », qui « se livre à des activités illégales et à de l’espionnage pour le compte d’étrangers. »
Je vous prie instamment de libérer dans les meilleurs délais et sans condition toutes les personnes baha’ies récemment placées en détention ainsi que celles qui se trouvaient déjà en prison auparavant uniquement pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté de religion, et d’annuler toutes les déclarations de culpabilité et toutes les peines prononcées dans ce contexte. Je vous appelle également à mettre fin immédiatement aux démolitions et aux saisies de propriétés baha’ies, à apporter des réparations effectives à toutes les personnes lésées et à veiller à ce que les personnes baha’ies, que ce soit à Roshankouh, dans la province de Semnan, ou ailleurs, aient accès à leurs propriétés sans entrave. Je vous engage en outre à mettre fin à la discrimination à l’encontre de la minorité baha’ie en droit et en pratique, notamment en ce qui concerne l’accès à l'emploi, au logement et aux activités agricoles, industrielles, commerciales et autres nécessaires à la jouissance des droits sociaux, économiques et culturels.
Veuillez agréer, Messieurs, l’expression de ma haute considération.
APPELS À
Responsable du système judiciaire : Gholamhossein Mohseni Ejei
Procureur de Sari : Mohammad Karimi
Procureur de Semnan : Mohammad Sharif Ebrahimi
c/o Embassy of Iran to the European Union, Avenue Franklin Roosevelt No. 15, 1050 Bruxelles, Belgique
COPIES À
Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel: melanie.joly@parl.gc.ca