• Guinée

Il faut abandonner les charges retenues contre des militants emprisonnés

CONTEXTE

Les militants Oumar Sylla, Ibrahima Diallo et Saïkou Yaya Barry ont été arrêtés par les autorités guinéennes le 30 juillet, pour avoir simplement exercé de manière pacifique leurs droits à la liberté d’expression et de réunion. Oumar Sylla et Ibrahima Diallo sont toujours détenus à la prison de Conakry, dans l’attente de leur procès, après avoir appelé à manifester le 28 juillet. Le 12 octobre, Saïkou Yaya Barry a été libéré à titre provisoire sous contrôle judiciaire et évacué vers Tunis car son état de santé s’était dégradé pendant sa détention. Les autorités guinéennes doivent abandonner toutes les charges retenues contre les trois hommes et libérer Oumar Sylla et Ibrahima Diallo immédiatement et sans condition.

Le Front national pour la défense de la Constitution est une coalition d’organisations de la société civile et de partis politiques qui a lancé une série de manifestations en octobre 2019 en Guinée pour protester contre la modification de la Constitution et l’adoption éventuelle d’une nouvelle. Depuis lors, le FNDC est au centre de la plupart des manifestations visant à dénoncer plusieurs violations des droits humains commises par le régime, passé et actuel. Le 8 août 2022, les autorités de transition guinéennes ont décidé de dissoudre le FNDC, le décrivant comme un « mouvement de facto » et l’accusant d’avoir « toujours été connu pour sa violence à l’égard des personnes, la dégradation et la destruction de biens publics et privés, et des actes d’incitation à la haine ».

En mai 2022, les autorités guinéennes ont interdit les manifestations jusqu’au début du cycle électoral.

Ce n’est pas la première fois qu’Oumar Sylla (également appelé Foniké Menguè) est pris pour cible par les autorités en raison de son militantisme pacifique. En septembre 2020, il avait été arrêté alors qu’il mobilisait la population pour l’inciter à manifester contre la candidature du président Alpha Condé à l’élection présidentielle d’octobre 2020. Au lendemain du scrutin, des manifestations, parfois violentes, avaient éclaté pour contester les résultats de l’élection. Les forces de sécurité ont répondu aux manifestations en recourant à une force excessive dans certains quartiers, lors d’opérations qui se sont soldées par des morts. Selon les informations recueillies par Amnistie Internationale, au moins 16 personnes ont été tuées par balle entre le 18 et le 24 octobre 2020. En juin 2021, Oumar Sylla a été condamné à trois ans d’emprisonnement pour « communication et diffusion de fausses informations, violences et menaces de mort ». En septembre 2021, il a été libéré après que le nouveau procureur général l’a ordonné.

Le 5 juillet 2022, il a été arrêté pendant qu’il donnait une conférence de presse. Deux autres militants (Billo Bah de TLP-Guinée et Djanii Alpha du FNDC) ont été emmenés de force avec Oumar Sylla à la Direction de la police judiciaire. Ils ont été inculpés d’outrage à magistrat et d’injures publiques. Le 8 juillet 2022, le tribunal de Dixinn, à Conakry, a ordonné sa libération. Quelques semaines plus tard seulement, Oumar Sylla a été de nouveau arrêté pour les charges qui pèsent actuellement sur lui.

Le 7 octobre 2022, Saïkou Yaya Barry a été évacué vers l’hôpital sino-guinéen, où il a séjourné, mais son état de santé nécessitait des soins adaptés dans un centre de neurochirurgie mieux équipé. Il souffre de maux de tête, de troubles de la vue, de vomissements et de plusieurs autres pathologies, selon son avocat. C’est pourquoi, le 12 octobre 2022, il a été libéré sous condition et autorisé à se rendre à Tunis pour y être soigné. Toujours selon son avocat, il devra se présenter au greffe du bureau d’enquête chaque lundi, une fois rétabli ; il s’agit d’une des conditions de sa libération.

Le 7 novembre 2022, le juge a statué qu’Oumar Sylla et Ibrahima Diallo devaient demeurer en détention jusqu’à leur jugement. Le 8 novembre, leur avocat a rédigé une lettre au procureur de Dixinn pour demander l’ouverture du procès.

LETTRE À ENVOYER

 

Monsieur le Ministre,

Je vous écris pour vous faire part de mes inquiétudes au sujet de trois militants, Oumar Sylla, Ibrahima Diallo et Saïkou Yaya Barry, qui font l’objet de poursuites pour avoir simplement exercé de manière pacifique leurs droits à la liberté d’expression et de réunion.

En dépit d’une interdiction nationale générale visant toutes les manifestations « susceptibles de troubler la paix sociale », le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) a organisé, le 28 juillet, une manifestation pour dénoncer la gestion unilatérale, par les autorités, de la transition politique qui a fait suite au coup d’État de septembre 2021. Des violences ont éclaté entre les forces de défense et de sécurité et les manifestant·e·s. Selon les autorités, cinq personnes sont mortes et plusieurs ont été arrêtées. Le 29 juillet, une procédure juridique a été engagée à l’encontre d’Oumar Sylla et Ibrahima Diallo, dirigeants du FNDC, et de Saïkou Yaya Barry, secrétaire général de l’Union des forces républicaines, qui a contribué à l’effort de mobilisation concernant la manifestation du 28 juillet, pour « manifestation illégale, destruction de bâtiments publics et privés, incitation, agression et coups et blessures, pillage et incendie volontaire, obstruction au droit de circuler librement et complicité ». Les trois hommes ont été arrêtées le 30 juillet. Le 12 octobre, Saïkou Yaya Barry a été libéré à titre provisoire sous contrôle judiciaire car son état de santé s’était dégradé en détention ; il a été évacué vers Tunis pour y recevoir des soins médicaux. Oumar Sylla et Ibrahima Diallo, qui n’étaient pas non plus en bonne santé, ont été évacués vers l’hôpital Ignace Deen de Conakry, en août et septembre, respectivement, pour y être soignés.

Le 7 novembre, Ibrahima Diallo et Oumar Sylla ont entamé une grève de la faim pour protester contre leur détention et réclamer que leur procès, dont la date n’a pas encore été fixée, soit équitable et rapide. Le jour même, le procureur du tribunal de Dixinn, à Conakry, a rendu une « ordonnance de rejet partiel des charges et de saisine du tribunal pénal ». Les charges retenues contre les trois militants ont ensuite été requalifiées en « participation à une manifestation illégale, complicité de destruction de biens publics et privés, complicité d’agression et coups et blessures ». Le 15 novembre, Ibrahima Diallo et Oumar Sylla ont suspendu leur grève de la faim.

Amnistie Internationale a rappelé que la population guinéenne avait le droit d’exprimer ses opinions, y compris par des manifestations pacifiques, conformément aux obligations et engagements internationaux contractés par le pays en matière de droits humains. Le 30 mai 2022, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a déclaré que l’interdiction des manifestations imposée par les autorités constituait une violation des obligations de la Guinée au regard des droits humains.

Je vous prie instamment de faire en sorte que toutes les charges retenues soient abandonnées immédiatement, et qu’Oumar Sylla et Ibrahima Diallo soient libérés.

En attendant, je vous demande de veiller à ce que ceux-ci aient accès rapidement à des soins médicaux réguliers, selon que de besoin.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.

APPELS À

 

Me Alphonse Charles Wright

Ministre de la Justice 

Rue KA 003 - Almamya, Commune de Kaloum

BP 564, Conakry, Guinée

Courriel: charlesalphonsew14@gmail.com 

COPIES À

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca