Un libraire emprisonné risque de subir des mauvais traitements

CONTEXTE
Le libraire Gui Minhai a été condamné le 24 février 2020 à 10 ans d'emprisonnement et à cinq ans de privation de ses droits politiques pour « divulgation illégale de renseignements à des entités étrangères ». Depuis, il n’est pas autorisé à communiquer avec sa famille ni à bénéficier de l’assistance consulaire suédoise, alors qu’il a obtenu la nationalité suédoise en 1996. L’état de santé fragile de Gui Minhai suscite de vives inquiétudes, d’autant qu’il risque de subir des actes de torture et autres mauvais traitements. Le gouvernement chinois doit libérer Gui Minhai immédiatement. Dans l’attente de sa libération, il doit être autorisé à communiquer régulièrement avec sa famille et avec les avocats de son choix, et bénéficier d’une assistance consulaire et de soins médicaux adéquats.
Gui Minhai était l'un des cinq éditeurs et libraires de Hong Kong qui avaient disparu en 2015 après avoir publié des livres critiquant le gouvernement chinois. La maison d'édition Mighty Current Media et la librairie Causeway Bay Bookstore que dirigeait Gui Minhai étaient connues pour leurs ouvrages sur les dirigeants chinois et les scandales politiques, interdits en Chine continentale mais remportant un vif succès auprès des touristes de Chine continentale visitant Hong Kong. L'arrestation et la disparition de Gui Minhai et d'autres libraires ont eu un effet paralysant sur la liberté d'expression et l'édition, à Hong Kong et dans le monde sinophone.
Son cas avait attiré l'attention de la communauté internationale lorsqu'il avait disparu une première fois en Thaïlande le 17 octobre 2015, à la même période que trois collègues de son entreprise. Un autre associé, Lee Bo, avait disparu à Hong Kong le 30 décembre 2015. Gui Minhai était plus tard réapparu à la télévision nationale chinoise, en janvier 2016, pour faire des « aveux » mis en scène, concernant son implication présumée dans un accident de la route en 2003. Beaucoup estiment que l'accusation de conduite en état d'ivresse était en fait un prétexte pour l’arrêter et fermer sa maison d'édition.
En octobre 2017, Gui Minhai a été « libéré » après avoir, selon le ministère chinois des Affaires étrangères, « totalement purgé sa peine pour une infraction liée à la circulation ». Cependant, sa fille Angela Gui s’est dite préoccupée par le fait qu’il demeurait sous surveillance de l'État après sa libération présumée. Le 20 janvier 2018, alors qu’il se trouvait à bord d'un train reliant Ningbo à Pékin, accompagné de deux diplomates suédois qui lui apportaient leur aide pour obtenir des soins médicaux, Gui Minhai a soudainement été emmené par une dizaine d’agents en civil. Personne ne l’a revu depuis. Le 25 février 2022, Angela a renouvelé son appel en faveur de la libération immédiate de son père, après que le champion olympique de patinage de vitesse Nils van der Poel lui a remis sa médaille d’or des Jeux de Pékin 2022, en guise de protestation contre les violations des droits humains en Chine.
En Chine, les dissident·e·s, y compris les écrivains, les universitaires et les journalistes, sont systématiquement soumis à la surveillance, au harcèlement, à l’intimidation, à l’arrestation et à des poursuites. La Loi relative à la sécurité nationale de Hong Kong promulguée le 1er juillet 2020 a également donné au gouvernement de Hong Kong carte blanche pour réprimer la liberté d’expression, d’une manière sans précédent. De nombreux militant·e·s sont inculpés au titre de c cette loi en raison de leurs activités pacifiques. Des organisations de la société civile, syndicats et groupes de presse ont fermé sous la menace de cette loi. Dans le cadre d’une grande purge de censure, de nombreux livres ont été retirés des bibliothèques publiques de la ville. Trois orthophonistes ont été inculpés de complot en vue de publier et diffuser des documents séditieux, après avoir publié des livres pour enfants se moquant du gouvernement.
LETTRE À ENVOYER
Monsieur le Président,
Je vous adresse ce courrier afin de vous faire part de mon inquiétude au sujet de Gui Minhai, condamné le 24 février 2020 à 10 ans d'emprisonnement et à cinq ans de privation de ses droits politiques pour « divulgation illégale de renseignements à des entités étrangères ».
Depuis son incarcération, les autorités rejettent la requête du consulat suédois de lire le verdict et de rencontrer Gui Minhai, qui a obtenu la nationalité suédoise en 1996. Il est inquiétant d’apprendre qu’il n’a pas pu voir ses proches ni des représentants consulaires, ni même consulter un avocat de son choix, depuis 2018. Il n’y a aucun moyen de vérifier ses souhaits ni ses conditions de détention. Étant donné son état de santé fragile, qui nécessite des soins médicaux réguliers et urgents, sa famille est particulièrement inquiète pour son bien-être. Gui Minhai a été jugé et condamné en secret. Alors que les autorités affirment qu’il est accusé d’avoir transmis des « renseignements » à des partis à l’étranger, il semble que sa condamnation soit surtout fondée sur sa tentative de voyage avec deux diplomates suédois en janvier 2018. Gui Minhai a été soudainement emmené par une dizaine d’agents en civil, alors qu’il se trouvait à bord d'un train pour Pékin, accompagné de deux diplomates suédois qui l’aidaient en vue d’obtenir un diagnostic urgent de ce qui était pressenti comme une sclérose latérale amyotrophique ou SLA (ou maladie de Charcot).
Sans plus d'explication, l'annonce du tribunal affirmait que la déclaration de culpabilité de Gui Minhai en 2020 précisait qu’il avait demandé à reprendre la nationalité chinoise en 2018, ce qui annulait sa nationalité suédoise, en vertu de la législation chinoise. Gui Minhai se trouvant en détention depuis 2018, sans pouvoir communiquer avec sa famille ni ses avocats, la véracité de cette information est hautement discutable.
Je vous demande donc :
• de libérer Gui Minhai et d'abandonner les accusations portées à son encontre, à moins qu'il n'existe des éléments crédibles, suffisants et recevables tendant à prouver qu’il a commis une infraction reconnue par le droit international, et qu’il ne soit jugé dans le cadre d'un procès conforme aux normes internationales d’équité ;
• de lui permettre de communiquer rapidement, régulièrement et sans restriction avec les avocats de son choix et sa famille ;
• de lui permettre de bénéficier de soins médicaux, si nécessaire ou à sa demande ;
• de lui permettre de s'entretenir avec un représentant consulaire suédois.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma haute considération,
APPELS À
Président de la République populaire de Chine, Xi Jinping
Zhongnanhai
Xichangan’jie
Xichengqu, Beijing Shi 100017, Chine
Fax : +86 10 6238 1025
Courriel : english@mail.gov.cn
COPIES À
Son Excellence M. Peiwu CONG (m)
Ambassadeur
Ambassade de la République populaire de Chine
515 St. Patrick Street
Ottawa, ON K1N 5H3
Canada
Tel: (613) 789-3434,3513,8422/762-3769 (24h) Fax: (613) 789-1911
Email: chineseembassy.ca@gmail.com
Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel: melanie.joly@parl.gc.ca