• Arabie saoudite

Deux ouïghoures - une adolescente et sa mère - en détention

CONTEXTE

Une femme ouïghoure, Buheliqiemu Abula, et sa fille de 13 ans ont été arrêtées le 31 mars près de La Mecque, en Arabie saoudite. La police leur a dit qu’elles allaient être expulsées vers la Chine, en même temps que deux hommes ouïghours déjà détenus. Buheliqiemu Abula est l’ex-épouse de Nuermaimaiti Ruze, qui est détenu sans inculpation en Arabie saoudite, tout comme Aimidoula Waili, depuis le mois de novembre 2020. Ces quatre personnes risquent désormais d’être expulsées vers la Chine, où il est fort probable qu’elles seraient soumises à une détention arbitraire, à des actes de torture et à des persécutions. Les autorités saoudiennes doivent se conformer au droit international et renoncer immédiatement à leur expulsion.

Buheliqiemu Abula, une femme ouïghoure de 54 ans, titulaire de titres de séjour de longue durée en Arabie saoudite et en Turquie, avait pu maintenir des contacts réguliers avec Nuermaimaiti Ruze, son ex-mari, jusqu’à il y a deux semaines. La dernière fois qu’elle a reçu un appel téléphonique de son ex-époux, c’était le 20 mars : il lui a raconté qu’il avait dit aux autorités saoudiennes qu’Aimidoula Waili et lui-même « préféraient mourir ici plutôt qu’être renvoyés en Chine ». Nuermaimaiti Ruze, âgé de 46 ans et père de cinq enfants, s’est rendu en Arabie saoudite depuis la Chine pour la première fois en juin 2013 pour effectuer la Omra et s’est finalement installé à La Mecque, travaillant dans un restaurant avec un permis de séjour obtenu par parrainage. Aimidoula Waili est un dignitaire religieux chinois, membre de la minorité musulmane ouïghoure, qui a été soumis à des persécutions brutales par les autorités chinoises à partir de 2017 dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine. Âgé de 54 ans, père de quatre enfants, il avait déjà été arrêté au Xinjiang en août 2013, au motif qu’un des employés de son usine aurait incité à un soulèvement. Aimidoula Wailia a dit à Amnesty international qu’il avait été torturé en prison : il aurait été soumis à des décharges électriques et contraint à rester debout sur de la glace jusqu’à trois heures par jour, en pantoufles et en sous-vêtements. Après avoir purgé sa peine, il a été libéré en 2016 et a rejoint la Turquie, où il a obtenu un titre de séjour l’autorisant à rester dans ce pays pour une durée illimitée. En février 2020, il s’est rendu en Arabie saoudite depuis la Turquie avec un visa touristique pour effectuer la Omra, un pèlerinage religieux, avec son ami Nuermaimaiti Ruze.


Le Xinjiang est l’une des régions chinoises dont la population est le plus diversifiée sur le plan ethnique. Plus de la moitié de ses 22 millions d’habitant·e·s appartiennent à des groupes ethniques principalement d’origine turque et majoritairement musulmans, parmi lesquels les Ouïghours (environ 11,3 millions de personnes), les Kazakhs (environ 1,6 million de personnes) et d’autres populations dont les langues, les cultures et les modes de vie sont très différents de ceux des Hans, qui sont majoritaires en Chine « intérieure ».


Depuis 2017, sous prétexte de lutter contre le « terrorisme » et l’« extrémisme religieux », l’État chinois commet des violations systématiques et de grande ampleur à l’encontre de la population musulmane du Xinjiang. On estime que plus d'un million de personnes ont été placées en détention arbitrairement dans des camps d’internement un peu partout au Xinjiang depuis 2017.


En juin 2021, Amnistie internationale a publié un rapport montrant que des centaines de milliers de femmes et d’hommes musulmans dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, en Chine, faisaient l’objet de détentions arbitraires, d’actes de torture, d’un endoctrinement politique et d’une assimilation culturelle forcée. Les témoignages d’anciens détenu·e·s des camps d’internement ont révélé les mesures extrêmes prises par les autorités chinoises depuis 2017 pour éradiquer les croyances et traditions religieuses musulmanes, ainsi que les pratiques culturelles et les langues locales des groupes ethniques musulmans de la région. En mars 2021, un autre rapport d’Amnistie internationale a montré que les enfants des personnes détenues dans les camps d’internement étaient souvent envoyés dans des « camps pour orphelins » gérés par l'État, où ils étaient endoctrinés et séparés de leurs parents.


Amnistie internationale a rassemblé des informations sur de nombreux cas de Ouïghour·e·s , de Kazakh·e·s  et d’autres membres de populations musulmanes turcophones du Xinjiang qui ont été placés en détention simplement pour avoir vécu, voyagé ou étudié à l'étranger ou pour avoir communiqué avec des personnes à l’étranger. Beaucoup ont été arrêtés uniquement parce qu’ils étaient « en contact » avec des personnes qui vivaient, voyageaient ou étudiaient à l’étranger, ou communiquaient avec des personnes à l’étranger.


Amnistie internationale a lancé une campagne internationale appelant à la fermeture des camps d’internement, en s’appuyant sur plus de 70 cas détaillés de personnes qui seraient actuellement détenues. En septembre 2021, plus de 300 000 signatures avaient été recueillies dans le monde entier pour réclamer la libération de toutes les personnes actuellement détenues dans les camps d’internement et les prisons du Xinjiang.


Les éléments de preuve recueillis par Amnistie internationale constituent une base factuelle qui permet de conclure que le gouvernement chinois a commis au moins les crimes contre l’humanité que sont l’emprisonnement, la torture et la persécution à l’encontre des Ouïghours, des Kazakhs et d’autres minorités ethniques à majorité musulmane.
 

LETTRE À ENVOYER

Sire,

Je vous écris pour vous faire part de ma profonde inquiétude pour une femme ouïghoure, Buheliqiemu Abula, et sa fille de 13 ans, qui ont été arrêtées le 31 mars près de La Mecque, en Arabie saoudite. La police leur a dit qu’elles allaient être expulsées vers la Chine, selon un message reçu par des amis de Buheliqiemu Abula. Cette femme est l'ex-épouse de Nuermaimaiti Ruze, qui est détenu sans inculpation en Arabie saoudite, tout comme Aimidoula Waili, depuis le mois de novembre 2020. Le Royaume doit renoncer à l’expulsion de ces quatre Ouïghours, car cela constituerait une violation manifeste des obligations de non-refoulement qui incombent à l’Arabie saoudite.

Le gouvernement chinois va très loin pour dissimuler les violations des droits humains perpétrées au Xinjiang et empêcher les membres de la diaspora ouïghoure de les dénoncer. Ainsi, il a demandé l'extradition de nombreuses personnes ouïghoures établies à l’étranger, les présentant comme des « terroristes » ou des « extrémistes » uniquement en raison de leurs activités militantes pacifiques. La législation chinoise contient une définition trop large et vague du « terrorisme » et de l’« extrémisme », sur laquelle les autorités s’appuient pour réprimer les Ouïghours et d’autres minorités ethniques musulmanes.

De nombreux éléments de preuve, notamment des documents du gouvernement chinois qui ont fuité, des centaines de témoignages, ainsi que des vidéos filmées par drone et des images satellite, montrent que le gouvernement chinois a commis au moins les crimes contre l’humanité d’emprisonnement, de torture et de persécution à l’encontre des Ouïghours et d’autres minorités ethniques à majorité musulmane au Xinjiang en raison de leur confession et de leur appartenance ethnique.

J’ai appris avec une grande inquiétude qu’en cas de renvoi forcé en Chine, Buheliqiemu Abula, sa fille, Nuermaimaiti Ruze et Aimidoula Waili courraient un risque réel de détention arbitraire, de torture et d’autres mauvais traitements. Leur expulsion constituerait une violation des obligations qui incombent au Royaume en vertu du droit international.

En conséquence, je vous prie instamment d’intervenir immédiatement pour empêcher l’expulsion de Buheliqiemu Abula, de sa fille, de Nuermaimaiti Ruze et d’Aimudoula Waili vers la Chine, et de libérer ces personnes sans délai, à moins que des éléments de preuve suffisants, crédibles et recevables ne tendent à prouver qu’elles ont commis une infraction dûment reconnue par le droit international.

Je prie Votre Majesté d’agréer l’expression de ma très haute considération.
 

APPELS À

Roi d’Arabie saoudite
His Majesty King Salman bin Abdul Aziz Al Saud
Office of His Majesty the King
 Riyadh, Arabie saoudite
Fax : +966 11 403 3125
Twitter : @KingSalman

 

COPIES À

 

Ministre de la Justice
Twitter : @MojKsa

 

M. Abdulaziz Mohammed H. ALBADI (m)
Chargé d'affaires
Ambassade du Royaume d'Arabie saoudite
201 Sussex Drive
Ottawa, ON K1N 1K6
Canada
Tel: (613) 237-4100 Fax: (613) 237-0567
Email: caemb@mofa.gov.sa

 

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca