• Algérie

Il faut libérer immédiatement un journaliste

CONTEXTE

Le journaliste Merzoug Touati, condamné à un an de prison et à une amende pour des publications sur Facebook dénonçant les conditions carcérales déplorables d'un autre militant détenu, a entamé une grève de la faim le 29 mars 2022 pour protester contre ses conditions de détention et réclamer un transfert dans une prison proche de son lieu officiel de résidence à Béjaïa, en Algérie. L'administration pénitentiaire n'ayant pas pris en compte sa grève de la faim, Merzoug Touati n'a pas reçu de soins médicaux avant de souffrir de vives douleurs rénales qui ont nécessité son transfert à l'hôpital. Sa santé se dégrade fortement selon les informations dont dispose sa famille. Amnistie internationale demande sa libération immédiate et inconditionnelle.

Merzoug Touati est un journaliste algérien. Il a fondé en 2015 une page indépendante d'actualités, al Hogra, dans laquelle il publiait des articles sur l'évolution de la situation politique et des droits humains en Algérie. Il était également journaliste à L’Avant-Garde, journal algérien indépendant. Les autorités algériennes l'ont pris pour cible à plusieurs reprises depuis 2017 parce qu'il rendait compte de violations des droits humains et d'événements politiques.


En janvier 2017, il a été condamné à 10 ans de prison, réduits par la suite à cinq ans, dont trois avec sursis. Cette fois-là, il a dû répondre d'accusations de partage d'informations avec une puissance étrangère « dans le but de nuire aux relations diplomatiques » et d'« incitation à des rassemblements et à des sit-ins dans des lieux publics ». Ces accusations se fondaient uniquement sur l'exercice pacifique de ses droits à la liberté d'expression et de réunion pacifique, en raison d'une publication Facebook qui appelait à protester contre une nouvelle loi et une interview vidéo d'un porte-parole israélien postée sur YouTube. Il a passé plus de deux ans en prison et a été libéré le 7 mars 2019. 

Merzoug Touati a activement participé au mouvement du Hirak, en tant que journaliste et militant. La police l'a arrêté le 12 juin 2020 alors qu'il était sur le point de couvrir une manifestation dans la ville de Béjaïa. Merzoug Touati a été présenté le lendemain au procureur, qui l’a inculpé de « provocation directe à un attroupement », en compagnie de deux autres militants. Le 8 juillet 2020, il a été condamné à une amende de 100 000 dinars algériens (environ 645 euros).


Le 15 novembre 2021, Merzoug Touati a reçu une convocation chez lui lui demandant de se présenter au service de lutte contre la cybercriminalité de Béjaïa. Le 16 novembre, il est allé au poste central de police à Béjaïa, où il a reçu la consigne de se rendre au service de lutte contre la cybercriminalité de Ghardaïa. Le 27 décembre 2021, Merzoug Touati a parcouru plus de 700 kilomètres depuis son lieu de résidence à Béjaïa jusqu'à Ghardaïa. Le lendemain, il a appelé son épouse pour lui faire savoir qu'il avait été placé en garde à vue à Ghardaïa. Le 29 décembre, Merzoug Touati a été présenté au procureur et inculpé de diffusion de fausses informations et d'outrage aux institutions publiques. Le 3 janvier 2022, il a été condamné à un an d’emprisonnement et à une amende. Sa condamnation a été confirmée en appel.


Au moins deux personnes détenues uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression sont mortes en Algérie à cause de grèves de la faim. Mohamed Tamalt, un journaliste, est mort en prison le 11 décembre 2016, à la suite d'une grève de la faim pour protester contre une peine de prison de deux ans prononcée en raison d'articles et de posts critiquant ou insultant le président Bouteflika. Le 28 mai 2019, Kamaleddine Fekhar, fervent militant des droits des Mozabites, une communauté amazigh de la région de Ghardaïa, médecin et président de la section locale de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme, est mort à l’hôpital de Blida après 50 jours d’une grève de la faim menée pour protester contre son incarcération liée à des publications sur Facebook dans lesquelles il critiquait les autorités.
 

LETTRE À ENVOYER

Monsieur le Président,

Je vous écris afin de vous faire part de mon inquiétude quant à la dégradation de l'état de santé du journaliste algérien Merzoug Touati, qui observe une grève de la faim depuis le 29 mars pour protester contre ses conditions de détention et son transfert à la prison d'Al Aghouat, à 500 kilomètres de son lieu de résidence à Béjaïa, en Algérie. Il avait précédemment été incarcéré à la prison de Ghardaïa lors de ses procès en première instance et en appel. Il a été transféré dans la nouvelle prison le 16 février 2022 et placé dans une zone de transit surpeuplée prévue pour les nouveaux prisonniers qui sont supposés y rester seulement deux semaines en raison des règlementations liées au COVID-19. Cependant, Merzoug Touati a déjà passé plus d'un mois et demi dans cette zone de transit, ce qui met encore davantage sa santé en péril. 

Le 9 avril 2022, sa famille lui a rendu visite en prison. Ils ont confié à Amnesty International qu'il avait perdu la moitié de son poids et était à peine capable de bouger. Il s'est plaint de douleurs à l'estomac et a demandé à sa famille de lui procurer des médicaments à l'extérieur de la prison, car l'administration pénitentiaire ne lui a pas prodigué les soins médicaux requis et continue d'ignorer sa grève de la faim. 

La police à Ghardaïa a convoqué Merzoug Touati le 28 décembre 2021 sans mentionner aucun motif. Ils l'ont placé en garde à vue pendant une nuit avant de le transférer à la prison de Ghardaïa le 29 décembre. Le tribunal de première instance de Ghardaïa l'a condamné à un an de prison, sentence confirmée en appel, pour « outrage aux institutions publiques » et publication de « fausses nouvelles », au titre des articles 146 et 196 bis du Code pénal respectivement, après qu'il a publié sur Facebook un commentaire dénonçant les conditions de détention d'un militant détenu.

À la lumière de ce qui précède, je vous demande d'annuler la sentence prononcée contre Merzoug Touati et de le libérer immédiatement et sans condition car il est emprisonné uniquement pour avoir exprimé son droit à la liberté d'expression. Dans l'attente de sa libération, je vous prie instamment de veiller à ce qu'il soit détenu dans des conditions respectant les normes internationales et à ce qu'il reçoive les soins médicaux dont il pourrait avoir besoin, notamment pendant sa grève de la faim.


Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma haute considération,
 

APPELS À

Président de la République algérienne 
Abdelmadjid Tebboune
Présidence de la République
Place Mohammed Seddik Benyahia, El Mouradia, Alger
16000 Algérie
Fax : +213 02169 15 95
Courriel : Presenditiel@el-mouradia.dz
 

COPIES À

 

Mme Faiza LATROUS (m)
Ministre-conseiller
Ambassade de la République algérienne démocratique et populaire
500 Wilbrod Street
Ottawa, ON K1N 6N2
Canada
Tel: (613) 789-8505; -0282;-7035;-8247 Fax: (613) 789-1406;-9124;-0334
Email: info@embassyalgeria.ca; ambalgcan@rogers.com
 

 

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca