• Tchad

Un défenseur des droits humains condamné à trois ans de prison

CONTEXTE

Le 18 février, la Cour criminelle du Tchad a condamné Baradine Berdei Targuio, défenseur des droits humains, à trois ans d’emprisonnement et à une amende pour « atteinte à l’ordre constitutionnel ». Appréhendé le 24 janvier 2020, il a passé près de sept mois en détention au secret avant d'être inculpé, en août 2020, d’atteinte à la sécurité nationale, de possession illégale d'armes et de coups et blessures. Deux jours avant son arrestation, le défenseur des droits humains avait publié sur Facebook un message évoquant les problèmes de santé présumés du président Idriss Déby Itno. Il avait précédemment adressé une lettre ouverte au président tchadien, dans laquelle il exprimait des inquiétudes au sujet de la situation en matière de droits humains dans la région du Tibesti, au Tchad.

Amnistie internationale craint que la détention de Baradine Berdei Targuio ne soit une sanction pour ses activités de défense des droits humains ; en conséquence, elle demande sa libération immédiate et inconditionnelle. 

L’arrestation comme la détention à titre de sanction pour l’exercice légitime des droits humains, y compris du droit à la liberté d’expression, sont arbitraires et contraires tant à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qu’au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a statué que les personnes détenues uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits humains devaient être immédiatement libérées.  La détention de Baradine Berdei Targuio s'inscrit dans un contexte de répression générale à l’égard des personnes qui exercent leurs droits à la liberté d'expression et de réunion pacifique dans le pays, répression qui s’accentue à l'approche de l’élection présidentielle, prévue pour avril 2021. Pour de plus amples informations sur la situation, veuillez consulter le dernier communiqué de presse d’Amnistie internationale sur le Tchad.  La  Commission  africaine  des  droits  de  l'homme  et  des  peuples  a  appelé  tous  les  États  membres,  dans  sa résolution 466 sur les prisons et les conditions de détention en Afrique, à libérer différentes catégories de détenus dans le contexte de la pandémie de COVID-19, y compris les défenseurs des droits humains, « afin de réduire la surpopulation carcérale et d'endiguer la propagation du coronavirus ».

LETTRE À ENVOYER

Monsieur le Ministre,  

Je  vous  écris  au  sujet  du  défenseur  des  droits humains Baradine  Berdei  Targuio,  président  de  l'Organisation tchadienne des droits humains (OTDH).  

Le 18 février, la Cour criminelle a condamné Baradine Berdei Targuio à trois ans d’emprisonnement et à une amende de 250 000 francs CFA (430 dollars des États-Unis) pour « atteinte à l’ordre constitutionnel ». Le défenseur des droits humains a été arrêté à son domicile le 24 janvier 2020 par des hommes armés et masqués, sous les yeux de ses proches. Il a ensuite passé près de sept mois en détention au secret, à l'Agence nationale de sécurité (ANS), selon certaines sources. Il a finalement été présenté à un procureur le 21 août 2020 - et à un juge d'instruction le 24 août  2020.  Ils l’ont inculpé  d'atteinte  à  la  sécurité  nationale,  de  possession  illégale  d’armes  et  de  coups  et blessures. Ces charges ont finalement été abandonnées par la Cour criminelle et requalifiées en « atteinte à l’ordre constitutionnel ».  

Le 22 janvier 2020, deux jours avant son arrestation, Baradine Berdei Targuio a publié sur Facebook un message indiquant que le président Idriss Déby Itno « serait gravement malade et hospitalisé en France ». Il avait également adressé une lettre ouverte au président sur la situation des droits humains dans la région du Tibesti, au Tchad, dans le contexte de l'état d'urgence. Amnesty International estime que la condamnation de Baradine Berdei Targuio, ainsi que son arrestation et les accusations portées contre lui, visaient à le sanctionner pour avoir exercé son droit à la liberté d'expression, et donc que sa détention actuelle est arbitraire et contraire aux obligations du Tchad tant en vertu de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples que du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  De plus, je suis préoccupé.e pour la santé de Baradine Berdei Targuio dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et je  vous appelle  à suivre  la résolution 466 de 2020  de la  Commission  africaine des droits  de  l'homme et  des peuples, qui appelle les États à libérer les défenseurs des droits humains dans le cadre des mesures visant à réduire la surpopulation dans les prisons et autres lieux de détention.  

En conséquence, je vous prie instamment de libérer immédiatement et sans condition Baradine Berdei Targuio, qui est détenu uniquement en raison de son travail pacifique en faveur des droits humains. Je vous appelle également à cesser d'utiliser le système judiciaire pour cibler et harceler les défenseurs des droits humains, et à leur garantir un environnement sûr et propice à leurs activités.  

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de ma haute considération,  

APPELS À

Ministre de la Justice
Djimet Arabi
Ministère de la Justice  
N’Djamena, Tchad
Courriel : arabidji@gmail.com 

COPIES À

Son Excellence M. Mahamat Ali Adoum, Ambassadeur
Ambassade de la République du Tchad
350 Sparks Street, Suite 802
Ottawa (Ontario) K1R 7S8
Fax: (613) 695-6622
Email: info@chadembassy.ca

Marc Garneau
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  marc.garneau@parl.gc.ca