• Arabie saoudite

Exigez la libération de dix égyptiens nubiens

CONTEXTE

Dix hommes égyptiens membres de l’ethnie nubienne doivent comparaître lors de leur première audience devant le Tribunal pénal spécial d’Arabie saoudite à Riyadh le 10 novembre 2021. Les autorités saoudiennes les détiennent sans inculpation depuis le 14 juillet 2020 en lien avec un événement culturel pacifique qu’ils ont planifié sans pouvoir le réaliser en 2019. Au moins deux d’entre eux sont âgés et ont des problèmes de santé. Amnesty International appelle les autorités saoudiennes à libérer ces dix hommes immédiatement.

Les Nubiens sont un groupe ethnique minoritaire en Égypte et au Soudan. Ils sont depuis longtemps marginalisés et victimes de discrimination en raison de leur identité culturelle, ethnique et linguistique. En 1964, le gouvernement égyptien a chassé des milliers de Nubiens de leurs terres dans le sud de l’Égypte pour construire le barrage d’Assouan, qui a causé l’inondation de plusieurs villages nubiens et entraîné d’autres déplacements. La population nubienne déplacée s’est réinstallée dans d’autres régions. Une grande partie a migré dans les pays du golfe Persique, notamment en Arabie saoudite, pour chercher du travail. Pour préserver sa culture et son héritage, la diaspora nubienne a créé des associations culturelles et sociales. Pendant plusieurs décennies, les associations nubiennes ont fonctionné normalement en Arabie saoudite, en se consacrant exclusivement à des activités culturelles et sociales sans faire de politique.

Depuis le début des années 2000, cependant, les revendications de militants nubiens en faveur d’un retour sur leurs terres ancestrales et d’une indemnisation se sont intensifiées. L’article 236 de la Constitution égyptienne de 2014 a prévu pour la première fois la mise en œuvre d’un plan de développement global pour les régions marginalisées, dont la Nubie, avec la participation des habitants locaux, en vue de préserver leur héritage. Une coalition de 40 associations nubienne a été formée à Riyadh au début de l’année 2020 pour appeler le président égyptien Abdel Fattah al Sissi à appliquer l’article 236 et à permettre le retour des Nubiens sur leurs terres. Les autorités saoudiennes ont arrêté les dix hommes nubiens détenus le matin d’un événement annuel organisé en hommage aux soldats nubiens ayant combattu lors de la guerre israélo-arabe de 1973 (qui s’est déroulée du 6 au 24 octobre 1973). Cet événement s’était déroulé les années précédentes en Arabie saoudite sans représailles contre la communauté nubienne.

Les dix Égyptiens nubiens détenus sont : Adel Ibrahim Faqir (chef de la communauté nubienne de Riyadh, âgé de 65 ans), Farjallah Ahmed Youssef (ancien chef de la communauté nubienne de Riyadh), Jamal Abdullah Masri (président de l’Association du village nubien de Dhamit à Riyadh), Mohamed Fathallah Gomaa (37 ans), Sayyed Hashem Shater, Ali Gomaa Ali Bahr (37 ans), Saleh Gomaa Ahmed, Abdulsalam Gomaa Ali Bahr (43 ans), Abdullah Gomaa Ali et Wael Ahmed Hassan Ishaq (membre de l’Association du village nubien de Thomas, 53 ans).

En 2017, les autorités égyptiennes ont arrêté 25 militants nubiens après la dispersion violente de leur manifestation pacifique dans le gouvernorat d’Assouan le 3 septembre 2017. Ces militants ont par la suite été libérés et les poursuites à leur encontre abandonnées, mais l’un d’eux, Gamal Sorour, est mort en détention. Amnesty International a recueilli des informations faisant état d’un harcèlement permanent des militants nubiens des droits humains en Égypte par le biais de l’Agence de sécurité nationale (NSA), notamment au moyen de convocations pour des interrogatoires coercitifs sans décision de justice en 2021.

En outre, le Tribunal pénal spécial d’Arabie saoudite tient systématiquement des procès d’une iniquité flagrante aboutissant à des condamnations très sévères, dont des peines de prison allant jusqu’à 20 ans suivies d’interdictions de voyager tout aussi longues et même des condamnations à mort, et sert d’instrument politique pour réprimer l’opposition.

Amnesty International demande aux autorités saoudiennes de relâcher immédiatement et sans condition l’ensemble des prisonniers et prisonnières d’opinion détenus uniquement pour avoir réclamé pacifiquement des réformes ou célébré leur héritage. Outre les dix Égyptiens nubiens, parmi les personnes emprisonnées se trouvent Mohammed al Bajadi, membre fondateur de l’Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA) et éminent défenseur des droits humains, et Salman al Awda, dignitaire religieux réformiste qui encourt la peine de mort pour avoir exprimé son opinion dans un tweet.

LETTRE À ENVOYER

Sire,

Le 10 novembre, dix Égyptiens nubiens doivent comparaître lors de leur première audience devant le Tribunal pénal spécial, après presque 16 mois de détention sans inculpation. Le service des renseignements généraux (al Mabahith) les a arrêtés le 14 juillet 2020, en lien avec un événement culturel qu’ils avaient prévu d’organiser le 25 octobre 2019 pour commémorer la guerre israélo-arabe de 1973.

Selon les proches de l’un d’eux, ces hommes ont été arrêtés une première fois le matin de l’événement. Des membres des forces de sécurité saoudiennes les ont interrogés, en leur reprochant de ne pas avoir mis la photo du président égyptien, Abdel Fattah al Sissi, sur l’affiche annonçant l’événement, aux côtés d’autres généraux de l’armée égyptienne. Les hommes ont expliqué que cet événement n’était pas politique mais visait plutôt à rendre hommage aux soldats nubiens ayant participé à cette guerre. Le 25 décembre 2019, après deux mois en détention sans inculpation, ils ont été libérés avec interdiction de quitter le territoire dans l’attente des suites de la procédure. Le 14 juillet 2020, ils ont été de nouveau arrêtés et placés en détention à la prison d’al Hair, près de Riyadh. En avril 2021, ils ont été transférés à la prison de l’Asir, à Abha, où ils ont été privés d’accès aux avocats de leur choix, se sont vu attribuer d’autres avocats par les autorités et ont continué d’être détenus sans inculpation. Le consulat d’Égypte à Riyadh ne leur a apporté aucune assistance et n’a pas facilité l’exercice de leurs droits consulaires, malgré les demandes d’intervention récurrentes qui lui ont été adressées par leurs familles. En revanche, il a publié le 29 octobre 2020 une déclaration soutenant leur détention.

Un proche de l’un des hommes a déclaré à Amnesty International : « Certains de ces détenus sont âgés et souffrent de pathologies telles que du diabète, de la gangrène et des problèmes cardiovasculaires. Ils sont rarement autorisés à contacter leurs familles et ont peur de parler au téléphone en raison de la surveillance. »

Je vous prie instamment de libérer ces dix hommes dans les meilleurs délais, car ils sont détenus uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits humains. En attendant leur libération, je vous demande de veiller à ce qu’ils aient pleinement accès à des soins de santé adéquats et qu’ils puissent contacter librement les avocats de leur choix et communiquer régulièrement avec leurs proches. Par ailleurs, je vous engage à protéger toutes les minorités ethniques, culturelles et linguistiques ainsi qu’à garantir leur droit fondamental à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association en Arabie saoudite.

Je prie Votre Majesté d’agréer l’expression de ma très haute considération.

APPELS À

Roi d’Arabie saoudite
King Salman bin Abdul Aziz Al Saud
Office of His Majesty the King
Royal Court, Riyadh
Arabie saoudite
Fax : +966 11 403 3125 (merci de faire preuve de persévérance)
Twitter : @KingSalman

COPIES À


Son Excellence M. Fahad Saeed M. A. ALRAQBANI (m)
Ambassadeur
Ambassade des Émirats arabes unis
125 Boteler Street
Ottawa, ON K1N 0A4
Canada
Tel: (613) 565-7272
 

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca